Analyse d’une séquence filmique, entre image et histoire
«Les temps modernes» de Charles Chaplin (1936)
Objectifs
A partir de l’analyse de la séquence d’introduction du film (18 mn) de C. Chaplin, il s’agit de montrer aux élèves les difficultés socio-économiques de l’Amérique des années 1930, après la Grande Crise, à travers le personnage d’un ouvrier, à la fois employé « modèle » et gaffeur. Cela afin d’étudier les relations entre homme et machine, entre aliénation, productivité mais aussi humanité et prise de conscience.
Le film
Le générique du film donne le ton par un avertissement au spectateur qui est fourni dès les premières secondes de du générique : « Ceci est l’histoire de l’industrie, de l’entreprise individuelle, de l’humanité à la conquête du bonheur ». Ainsi, Modern Times annonce des thèmes récurrents et d’actualité dans l’Amérique des années 1930 : la dénonciation de la société industrielle, la critique du progrès, une attaque du monde capitaliste voire l’exploitation de l’homme par l’homme à travers la machine. Les Temps modernes restent un témoignage de la réalité caricaturée de l’organisation scientifique du travail et du taylorisme mettant en scène Charlie Chaplin, a factory worker , enfermé entre les rouages de la productivité à tout prix et la liberté, bref, entre la mécanique tayloriste et la générosité maladroite mais humaine. L’horloge du début indique que le temps est compté, celui de l’usine mais aussi celui de l’homme…
Voici une énième variation (les deux fiches déjà présentes sur le site Cinéhig en témoignent) d’un travail sur les premières minutes du chef d’œuvre de Chaplin, « Les Temps Modernes », à savoir du générique (très important !!) à la scène de présentation au patron de la fameuse machine à manger que je n’inclue pas dans l’extrait proposé aux élèves sauf si le temps me le permet.
Rendons d’abord à César ce qui appartient à César puisque je ne suis pas l’auteur de ce travail, et je n’en suis que l’humble rapporteur… Seulement qui est donc ce César ??? Hélas, la mémoire flanche. Ayant travaillé sur ce film lors de ma seconde année de formation « iufmesque », j’ai bien potassé ce travail et cette étude pour en retirer la substantifique moelle afin d’en faire une fiche disponible pour les élèves. Cependant, dans ma grande précipitation et mon inexpérience de jeunesse, j’ai omis de noter les sources et je ne sais donc qui est l’auteur de ce travail et dans quel ouvrage il est disponible.
Si quelqu’un connaît l’ouvrage d’où est extrait ce travail, qu’il en soit remercié et j’espère que les auteurs de ce site m’autoriseront à donner enfin l’auteur de ce travail sur « Les Temps Modernes ».
Contrairement aux fiches sur le film que propose Cinéhig, cette étude s’attache surtout au film lui-même et au travail de réalisateur de Chaplin. C’est une fiche que je donne à des élèves de 1ères (pour des 4èmes lors de la révolution industrielle, je ne m’attache qu’à ce qui est proposé dans cet extrait, j’étudie avec eux ce que montre Chaplin du monde industrielle, mais je ne commente pas ou alors très succinctement si ce sont de bons élèves la façon dont Chaplin présente sa vision du taylorisme). Cette étude, aisément faisable avec de bonnes classes de 1ères, notamment 1ère L, a donc un triple objectif : étudier le taylorisme, l’aliénation des ouvriers, le monde des machines, mais également la façon dont un très grand réalisateur du siècle précédent traduit par l’image et le son cette seconde révolution industrielle, et enfin de réaliser un organigramme sur les composantes de l’industrialisation de type américain.
Le travail
Film date de 1936. On utilise les trois premières minutes du film puis la première minute du travail devant la chaîne.
Problématique : Quelle image de l’industrialisation de type américain nous donne le début du film ?
Objectifs :
– Dégager les composantes de l’industrialisation de type américain
– Lecture et traitement de l’image : c’est une œuvre de fiction et non un documentaire
– Croiser le film avec des documents d’histoire
But du tableau proposé aux élèves sur la fiche : faire émerger le message de Chaplin.
Faire deux passages de cet extrait, essentiellement afin de définir le message.
Rôle important du générique, notion de rythme de cadence, de temps. Les mots du texte en surimpression doivent être relevés. Le fondu entre les moutons, dont un noir, et les hommes qui sortent du métro, donnent le ton à l’ensemble du film. La place de l’usine, des machines et des hommes doit être précisée :
– Machines rutilantes, omniprésentes, imposantes
– Hommes petits, de même taille, indifférenciés, toujours en mouvement. Musique qui accompagne leur déplacement est très rythmée.
– Patron de l’entreprise en plan-taille, dans un espace clos avec un bruit sourd en fond sonore et d’ou il peut observer le déroulement du travail.
– Devant la chaîne, images et son apparaissent en parfaite concordance : répétition des gestes, rapidité des cadences, et du rythme musical.
Images que nous donne Chaplin : la machine qui broie l’homme.
Les composantes de l’industrialisation de type américain : Quelles composantes de l’industrialisation de type américain cet extrait met-il en valeur ?
Elaborer un schéma simple.
Seul objectif de l’usine : produire plus pour réduire les coûts : recherche permanente de l’accélération des cadences par des efforts qui portent principalement sur l’investissement en machines de production, regroupées par technologies. Production de masse standardisée déversée sur le marché. Ouvriers spécialisées en fonction de leur tâche : qualification minimale, autonomie nulle.
L’extrait choisi est la première partie du film dont toute l’action se déroule dans l’usine.
Une courte biographie de Chaplin est fournie.
Le questionnement
– L’organisation du travail
Comment s’organise le travail dans l’usine pour l’ouvrier ? Relevez les éléments les plus significatifs.
De quoi dépend le travail de l’ouvrier ?
Quel type de produits peut-on sortir de l’usine ?
Quel est l’intérêt de ces méthodes de production et d’organisation du travail ?
Charlie Chaplin déclara s’être inspiré des usines Ford de Détroit. En quoi l’extrait proposé justifie les propos du cinéaste ?
– Les ouvriers et leurs conditions de travail
A quel type de tâches sont affectés les ouvriers ? Qu’en déduisez-vous sur leur niveau de qualification ?
Quelles peuvent être les conséquences physiques et psychologiques de ces conditions de travail ? Justifiez par des éléments du film.
A quoi sont soumis les ouvriers dans l’usine ? Justifiez.
A quoi sont comparés les ouvriers du début du film ? Qu’a voulu montrer Chaplin ?
Peut-on parler de véritable film muet ? Expliquez l’intention de Charlie Chaplin.
Charlie Chaplin déclara s’être inspiré des usines Ford de Détroit. En quoi l’extrait proposé justifie les propos du cinéaste ?
Correction
– L’organisation du travail
Le travail s’effectue à la chaîne : l’ouvrier ne se déplace plus. Il est immobile et voit son travail défiler devant lui. Le travail est également décomposé et spécialisé : chaque ouvrier accomplit un geste simple et précis. (Autrefois l’ouvrier réalisait la totalité du produit) : serrer des écrous (les ouvriers sont interchangeables : Charlot prend le relais de son camarade sans que la chaîne ne s’arrête). Ces méthodes de travail sont inspirés des études faites par l’ingénieur américain Frederick Taylor (analyse scientifique des gestes, des pauses, des déplacements afin de trouver l’organisation de la production la plus efficace) à taylorisme.
Il dépend de la cadence de la chaîne, de la machine (pour Chaplin : la machine n’a pas libéré l’homme mais l’a au contraire asservi : voir l’exemple de la machine à manger)
Les produits qui sortent de l’usine sont des produits standardisés, tous identiques (ex : des voitures)
Ces méthodes (standardisation et organisation scientifique du travail) ont pour objectif d’augmenter la production (production de masse) et de réduire la durée de fabrication : il s’agit donc d’augmenter la productivité.
– Les ouvriers et les conditions de travail
Les ouvriers sont affectés à de tâches répétitives. Ce sont des ouvriers peu qualifiés.
Faible éveil intellectuel (épuisement psychique) : l’homme est au service de la machine (l’homme ne doit pas penser ; il doit effectuer des gestes machinaux ( abrutissement) : Charlot devient fou. Epuisement physique : Charlot ne contrôle plus son corps; celui-ci effectue des gestes mécaniques
Ils sont soumis à une hiérarchie chargée de veiller au bon fonctionnement de la chaîne. Ce système de surveillance empêche toute initiative, toute liberté d’action, toute possibilité de détente. Ainsi on voit clairement le contremaître venir auprès de la chaîne contrôler le travail; Chaplin dénonce ce système de surveillance en imaginant également la scène des toilettes et de la pause cigarette. (l’ouvrier ne dont pas être oisif). On entrevoit aussi les rapports avec le patron : au sommet de la hiérarchie, il est seul face à la multitude. De son bureau, il dirige l’usine.
Chaplin compare les ouvriers à un troupeau de moutons; tous vont dans le même sens, aucun ne sort du rang. L’usine emploie des ouvriers dociles, peu revendicatifs qui acceptent facilement ces conditions de travail
Le patron et la machine s’expriment : ce sont les seuls à avoir droit à la parole. Chaplin dénonce ici l’exploitation des ouvriers par le patronat.
Proposition pour utiliser une dizaine de minutes du film de Chalie Chaplin « Les temps modernes » en classe de première.
Eric CHARAVAY est professeur d’histoire (stagiaire en 2002-2003). Il propose une fiche d’eploitation d’une 10aine de minutes du film de C Chaplin.
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Quelques mots sur le film et son réalisateur
Chaplin, immigrant anglais et acteur de music-hall, est très vite devenu, dès son arrivée aux Etats-Unis, au début du XX° siècle, acteur de cinéma muet. D’abord acteur burlesque puis réalisateur assez indépendant face aux grands studio d’Hollywood, il crée le personnage de Charlot, vagabond maladroit, sensible à le défense des faibles (« La ruée vers l’or », « le Kid »…). A la fin des années vingt une innovation menace la carrière de Chaplin : le cinéma parlant (1927, « Le chanteur de jazz ») remplace très vite le cinéma muet. Les Temps Modernes (« Modern Times »), premier film parlant de Chaplin, est la réponse de Charlot à cette évolution du cinéma. Réalisé en 1935, ce film s’inscrit dans le contexte de la grande crise économique de 1929 : après l’expansion économique rapide des années vingt, les Etats-Unis puis l’ensemble du monde sombrent dans une crise économique (krach boursier, faillites…), sociale (chômage de masse, misère…) et politique (manifestations…). Bref, c’est une période de remise en cause du modèle capitaliste libéral.
Séquence 1 (1′ à 2’43) : générique et entrée des ouvriers à l’usine
– Sur quelles phrases se termine le générique ? Que signifient-elles ?
– Pourquoi Chaplin place-t-il un troupeau de mouton au début du film ?
– Que se passe-t-il lors de cette scène d’introduction ?
– Décrivez l’usine : taille – ouvriers…
– Que voit-on surtout à l’intérieur de l’usine pendant cette séquence d’introduction ?
Séquence 2 (2’43 à 5’30) : le bureau du patron et la chaîne
– Comment Chaplin présente-t-il le patron ? Est-ce une vision favorable de la figure du patron ?
– Comment s’organise le travail (examinez le rôle de chaque ouvrier) ?
– Qui dicte la cadence de travail (ouvrier ? patron ? machine ? musique ?) ?
– L’ouvrier est-il libre de ses gestes ? Comment Chaplin le montre-t-il ?
Séquence 3 (5’30 à 8’00) : la machine à manger
– L’ouvrier peut-il prendre librement sa pause ? Que doit-il faire en début et fin de sa pause ?
– Quels sont les gestes de Charlot quittant son poste de travail ? Qu’est-ce que cela veut dire ? ?
– Pourquoi le patron est-il très intéressé par la machine à manger ?