“Don’t Look Up” est à ce jour la dernière production de type « fin de monde ». Or ce type de production, récurrent depuis la nuit des temps est remis au goût du jour par les rapports du GIEC sur le réchauffement climatique en cours, et ses conséquences pour la fin de ce siècle. 

Articles sur le GIEC sur le site des Clionautes

La fin du monde taraude depuis toujours l’humanité

Les Martiens attaquent
Attaque d’un tripode (édition belge 1806)

Des Dieux aux Extra-Terrestres…

  • La destruction mythique de l’Atlantide, 9600 ans avant notre ère, évoquée par Platon dans 2 dialogues (note : le Timée et le Critias). Les dieux, jaloux, détruisent une civilisation brillante, devenue menace pour leur domination sur les humains. 
  • « La guerre des mondes » tiré d’un roman de H. G. Wells paru en 1897 est adapté pour la 1ère fois au cinéma en 1953, soit en pleine Guerre froide. L’empire britannique au fait de sa puissance est attaqué et détruit par une puissance technologique supérieure. 

 

… Au dérèglement climatique

Et tout près de nous, en lien avec la compréhension de la crise environnementale liée au réchauffement climatique : 

Un scénario malin

L’originalité du scénario vient de la menace qui n’est pas ici le réchauffement climatique, mais une comète. Car l’engin, de grande taille, décrit une trajectoire qui doit atteindre la Terre dans quelques mois. L’observation stupéfie une jeune doctorante en astronomie, Kate Dibiasky (Jennifer Lawrence) qui avertit son directeur de thèse. Conséquence immédiate, la communauté scientifique américaine puis internationale se met au diapason et confirme l’observation.

Global Citizen Life – La science est claire à propos de l’astéroïde comme du changement climatique.

Dans le film, les scientifiques multiplient les chiffres relatifs à l’astéroïde – sa taille, sa trajectoire, sa vitesse – et arrivent à la sinistre conclusion qu’il va s’écraser directement sur la Terre. De même, les scientifiques avec le changement climatique – concernant les émissions de gaz à effet de serre, l’acidité des océans, la fonte des glaces – depuis des décennies maintenant, et chaque année le consensus reste le même : la crise s’aggrave à un rythme exponentiel.

La menace diffère, pas la bêtise et l’avidité humaine

Elle et son directeur de thèse vont engager une course contre la montre pour convaincre les décideurs d’agir pour éviter la catastrophe finale. Mais là, les dirigeants politiques, les militaires, les journalistes télé (géniale Kate Blanchett), le pdg-prophète à peine plus fêlé qu’Elon Musk : chacun se débrouille soit pour éluder la réalité, soit pour l’exploiter à son profit.

Quant à nos deux intellos-lanceurs d’alerte, leur difficulté à s’adapter aux codes de la communication n’arrange rien : Kate agresse systématiquement ses interlocuteurs et le Dr. Randall Mindy (Leonardo di Caprio) a toutes les peines du monde à s’exprimer dans un langage accessible.

The Conversation – “Don’t Look Up “ peut-il conduire à un sursaut ?

« Le personnage de Kate Dibiasky – la jeune doctorante jouée par Jennifer Lawrence qui découvre la comète et réalise qu’elle se dirige tout droit vers la Terre – m’a particulièrement touchée. »

Valérie Masson-Delmotte, chercheuse en sciences du climat, coprésidente du groupe de travail I du GIEC, directrice de recherche au CEA (Commissariat à l’énergie atomique), Université Paris-Saclay

Back to Astounding Stories / Weird Tales

Esthétique pop cultureL’esthétique du film reprend volontairement les codes de la pop culture : couleurs sombres et sales, logos en grosses lettres comme dans les fanzines de SF comme Astounding Stories ou Weird Tales des années 50. Il s’agit de faire « cheap » et c’est presque dérangeant après avoir adoré les magnifiques images de « Dune »…

Sans compter le bombardement continuel dans la première partie du film d’infos toutes plus débiles les unes que les autres véhiculées par les réseaux sociaux : questions idiotes d’un public abruti, quolibets et menaces verbales visant les propos des scientifiques.

Le gourou cosmique

 

Adam McKay penche manifestement du côté du “Mars Attacks » de Tim Burton en s’en donnant à coeur joie dans le dézingage des personnages. Ainsi le FBI qui arrête Kate et lui colle un sac sur la tête comme à une terroriste parce que ça amuse le conseiller spécial – crétin en chef de la présidente. Elle même (Meryl Streep) et le gourou cosmique “GAFA4”  sont particulièrement gratinés, avec leur folie des grandeurs matinée de cynisme intégralAttention ! Surtout, ne pas rater la dernière scène, géniale, en quittant la salle avant le générique final….

Bref, le gars né au mitan du siècle dernier a eu du mal à avaler un parti-pris très Tik-Tok, malgré ses capacités d’empathie pour le monde des millenials.

Désolé, mais pas de héros pour sauver la planète

Heureusement pour lui, la 2ème partie prend un tour plus grave au fur et à mesure que la comète se rapproche et que les solutions permettant de croire à un happy end s’avèrent inopérantes.

Le tragi-comique prend peu à peu le pas sur la satire vacharde du début et c’est tant mieux, car la noirceur des décideurs n’en est que plus convaincante.

C’est ainsi que l’urgence de trouver une solution commune face à la menace se réduit peu à peu à l’affrontement de deux camps irréductibles. Avec les uns la niant farouchement, tandis qu’elle reste bien réelle pour les autres.

Ce qui donne quelques scènes  particulièrement réussies comme celle du meeting où la présidente lance le slogan donnant le titre du film pour exhorter ses partisans « à ne pas regarder le ciel ». Clairement, le « trumpisme » n’est pas mort…

Tout aussi hallucinante, celle où l’actrice et chanteuse Ariana Grande d’abord pastichée en bimbo décérébrée, devient l’égérie de la cause scientifique dans un mega show de la dernière chance. Elle y joue une chanson d’amour au couplet « on va tous mourirAriana Grande aurait selon ses dires à la presse improvisé pendant le tournage en trouvant ce refrain délirant… », repris en choeur par la foule hystérique.

Spoiler (!) – Une fin énigmatique

Adam McKay croit manifestement au pouvoir pédagogique de l’image et ne se prive pas de nous mettre devant la bêtise humaine en jouant en virtuose avec les outils média d’aujourd’hui. Le message choc de cette satire ne peut que toucher les jeunes générations ; les autres comme l’auteur de ses lignes seront peut-être plus sensibles au caractère intimiste, presque apaisé de la fin choisie.

« Nous avions tout »

Leonardo di Caprio a déclaré avoir improvisé sa dernière réplique qui risque de devenir culte…

Que ce filme ait été reprogrammé pour une sortie le jour du réveillon de Noël en dit long sur les intentions de l’auteur. Le mélange réussi de satire, de farce dans un blockbuster par un surdoué du cinéma va-t-elle nous pousser à agir pour préserver ce que nous avons de plus précieux ? 

 

Ci-joint, la bande annonce du film :

Et en prime, une séquence bien réelle tirée d’un journal TV, qui aurait très bien pu figurer dans le film :