Kippour : évidemment, dans le genre promo, la jaquette DVD a autant de quoi enthousiasmer que d’effrayer :

Le film de guerre le plus important depuis Full Metal Jacket

dixit Les Inrocks.

 

Nous voici donc partis en Israël, octobre 1973, à la veille de la Guerre du Kippour. Le sujet, rarement traité au cinéma, mérite à lui seul le détour. Le regard israélien d’Amos Gitai n’en est que plus intéressant, à mettre en perspective quant aux partis pris des différents protagonistes. Immédiatement, on comprend que l’expérience sera particulière. Un couple qui fait l’amour dans de la peinture, une musique lourde, nous sommes très loin de la geste guerrière hollywoodienne classique.

 

Hollywood semble bien loin

Le scénario est assez basique ; deux amis décident, alors que la guerre s’abat sur leur pays, de rejoindre leur unité. Las, cette dernière est introuvable dans le bordel ambiant d’une offensive arabe que personne n’a vu venir et le duo se retrouve embarqué dans une équipe de sauveteurs de l’armée de l’air. A bord de leur hélicoptère, loin de la chevauchée des Walkyries de Kilgore, ils vont aller de champ de bataille en champ de bataille pour secourir des blessés qu’ils doivent ramener à l’arrière pour être soignés.

Le parti est radical et je comprends qu’on ait du mal à accrocher. La bande son se limite souvent aux rotors des hélicos, au silence entrecoupé d’explosions lointaines, certaines séquences s’étirent au rythme du regard des soldats, perdus dans leurs pensées. Point de charges héroïque ou de prises d’assaut mais tout simplement l’attente, les blessés, la boue, les questionnement intérieurs, le bruit, la mort qui frappe à l’improviste. L’ennemi est identifié par son nom, les Syriens, les Arabes mais, mis à part une photo, on ne le voit pas. Tout est focalisé sur ces jeunes hommes qui sont partis avec une envie légitime de servir leur pays et qui se retrouvent au propre comme au figuré dans un pure bourbier.

 

Grand film ou très bon film ?

Alors plus grand film de guerre depuis Full Metal Jacket ? Assurément non. À titre d’exemple Warriors, l’impossible mission est supérieur, je dirai même assez nettement, tout comme « La ligne rouge ». A force de vouloir suivre les hommes au plus près, la première partie du film a du mal à décoller. C’est même parfois, disons-le nettement, à la limite de l’ennui. Mais, petit à petit on s’accroche et on fait bien car la seconde parte du film est de très bonne facture.

Kippour offre un regard saisissant sur le chaos, le nordel qui frappe Tsahal et Israël en 1973 ; ces types paumés qui rejoignent leurs unités en voiture comme on part faire ses courses, ces soldats qui semblent s’autogérer dans un foutoir absolu, tout ceci est saisissant. Les tactiques de chars sont ainsi assez hallucinantes, à coup de j’avance de trois mètres, je recule de dix, puis j’avance de six et … ben j’attends. Ah, non, tient, et si je tirais au loin histoire de …

La guerre, ce chaos

 

Un parti pris artistique immersif

Artistiquement la palette du Golan fini par être immersive et collante. Kippour c’est la boue, les champs, c’est chtonien. Un enfer filmé à base de travelings virtuoses,  au plus près de soldats dépassés, écrasés par les combats. Le poids de la boue est parfaitement rendu, par des plans séquences qui sont de plus en plus percutants à l’instar de cette longue scène de sauvetage pour rien. Car le propos est bien là ; c’est une boucherie, les pertes sont très importantes et la victoire suggérée par le survol final de la Syrie n’est jamais l’occasion de festivités. Le souvenir d’un vétéran.

La boue, encore la boue, toujours la boue

Poisseux, lourd, ce Kippour mérite cependant le détour car il sort des sentiers battus. Plus un film sur la guerre qu’un film de guerre classique dans le sens où l’action n’a quasiment aucune place, il nous propose de découvrir un conflit rarement traité par le biais d’une histoire attachante. Les acteurs sont bons et petit à petit on s’immerge avec eux dans cette histoire terrible.

Il peut rester au final le sentiment étrange d’être passé à côté d’un vrai chef d’œuvre, la désagréable impression d’assister parfois à une leçon caricaturale, tout en étant pénétré par ce visage terrible de la guerre. A voir donc, assurément, mais non, désolé les Inrocks, on a fait mieux depuis Full Metal Jacket.

Pour une analyse technique plus poussée je vous conseille cet excellent article de la revue Hors Champ.