L’Escadrille des faucons de Katō est une biographie de l’as Takeo Katō (1903-1942), un pilote de l’Armée impériale ayant combattu en Asie du sud-est. Lui et ses hommes volaient sur le Nakajima Ki-43 « Hayabusa » (Faucon pèlerin) d’où le titre du film produit par la Toho (à qui l’on doit en 1954 Gojira), qui fut tourné un an après sa mort, survenue le 22 mai 1942, alors qu’il avait 39 ans. C’est que Katō était devenu un héros national au point qu’on l’appelait « Gunshin Kato », le Dieu de la guerre !

Trésors cachés du cinéma de propagande

Alors que la guerre s’est achevée, les Américains qui occupent à présent pour partie le Japon, mettent la main sur des films de propagande qui vont disparaître des circuits. Le Japon, comme l’Allemagne nazie et de manière générale tous les principaux belligérants, a produit nombre de films ou dessins animés qui devaient dénigrer l’adversaire et gonfler le moral des populations. Hollywood a été en tête de proue du côté allié, avec sa litanie de film montrant des GI excellents, des Allemands et surtout des Nippons terribles et inhumains. Dans le domaine aérien, c’est ainsi que furent produit des oeuvres comme Les Tigres Volants de David Miller offrant à John Wayne son premier rôle de guerrier sans reproche. Dans la même veine on trouvera Wake Island de John Farrow ou les Aventures en Birmanie de Raoul Walsh, pour ne citer qu’eux.

Il est rare de tomber sur un film japonais accessible. Les films hollywoodiens sont légions et fonctionnent souvent de la même façon ; patriotisme, une histoire d’amour, c’est toujours sympa à caser, un chef bon père de famille, un sacrifice, bref, des canons allègrement déclinés et usés jusqu’à la corde. Les films allemands sont de purs moments de propagande lourde, et de ce point de vue Inglorious Bastard de Quentin Tarantino est un magnifique hommage à ce genre importantissime en temps de guerre.

Il faut avoir aller ailleurs pour ouvrir son horizon

L’Escadrille des faucons de Katō est ailleurs. Je m’attendais donc à découvrir un bon vieux film de propagande, j’ai été incroyablement surpris. De nombreux effets spéciaux sont faibles, tels ces pilotes alliés en « stop motion » tournant leurs têtes dans une pauvre maquette. Les mitraillages au sol sont désuets, les crash au raz des palmiers, assez pitoyables. Mais, à côté de ça, ce film regorge de moments exceptionnels et parfois poétiques.

Katō fut un vrai héros de guerre, un demi-dieu. Pilote hors pair, il était surtout un commandant avisé, prêt à tout pour sa mission. Quel bonheur de le voir engueuler ses jeunes pilotes qui ont préféré attaquer des avions de chasse plutôt que de protéger les bombardiers qu’ils devaient escorter. La guerre, cette guerre, est une mission divine. Katō le répète sans cesse, on se bat pour une culture, un pays et les trajectoires personnelles ne comptent pas.

 

Des hommes et … quelques femmes

Là où Hollywood parvient toujours à nous caser une infirmière ou une femme à draguer, ou à retrouver, ce film est totalement masculin. Deux femmes sont bien là, mais uniquement pour servir le thé. Le propos est d’accompagner, de glorifier aussi, ce pilote, jusqu’à son dernier vol. Le film début en Chine, avant de se poursuivre en Malaisie puis en Thaïlande. L’ennemi est britannique et, par un lointain message, on apprend la glorieuse attaque de Pearl Harbour qui a « détruit toute la flotte du Pacifique ». On sait ce qu’il en fut réellement. Mais nous sommes en 1944, la guerre est perdue depuis le 8 décembre 1941, ce que l’Amiral Yamamoto savait, mais en cette année 1944 qui verra la destruction de la flotte aérienne nippone, il faut encore gonfler le moral de la population et L’Escadrille des faucons de Katō est taillé pour cette divine mission.

 

Le chemin d’une vie héroïque au cœur d’un quotidien monotone

Le scénario est linéaire ; on suit Katō de 1941 à sa mort, une année plus tard. Il n’y a donc rien à chercher d’exceptionnel de ce côté. Les missions d’attaque au sol succèdent à des missions d’escorte ou de chasse. Bien entendu l’ennemi se fait largement trucider, ce qui correspond globalement à la vérité historique car les pauvres pilotes du Commonwealth eurent la vie dire à cette époque. Il faudra attendre 1943 et la mise en route de la fantastique machine de guerre US pour que tout change. L’intérêt est ailleurs.

Il réside, par exemple, dans ces tranches de vie ; le mess des officiers, ces chants, ces verres, ces rires. Quel moment étrange que cette découverte d’un moulin à café ! On suit le quotidien de pilotes avec une certaine fidélité, meilleure que dans les films US de la même époque. Tout aussi stupéfiants, sont ces prises de vol, ce Hayabusa décollant de face, un plan que je n’avais jamais vu avant. Sacré prouesse technique. Fascinante aussi, et pour le coup très cinématographiques, ces plans d’une escadrille surgissant des éclairs. Incroyable, pour le public, de suivre la monotonie d’une longue mission, avec l’ennui, la fatigue des pilotes, les erreurs de pilotage, la tempête. Par moment, on est plus proche du documentaire que du film et c’est vraiment très bon.

 

Une hagiographie poétique

Ainsi se poursuit L’Escadrille des faucons de Katō, jusqu’au dénouement final. La première séquence voyait Katō arriver et se poser auprès de sa nouvelle formation. La dernière image le voit décoller, une dernière fois. On ne le verra pas mourir. Seul un texte accompagnera une explication, nécessairement glorieuse, mais sur une mer poétiquement déchaînée. Le pilote a rejoint les dieux pour veiller sur le Japon. Le dernier plan est le premier véritablement patriotique mais il eut été surprenant d’y couper. On l’accepte d’autant plus que, au moins, les ennemis n’ont pas été traités de manière raciste …

Derrière l’hagiographie, ce film recèle une certaine authenticité. C’est incroyable de suivre ces vols sans paroles. La musique, souvent réduite – ce qui n’est pas plus mal car le thème principal est lourd au possible – tranche avec nos habitudes occidentales. Il est intéressant de noter que le réalisateur, Kajiro Yamamoto, sera l’un des Maîtres d’un certain Kurosawa

Un film rare donc, patrimonial, un témoignage très intéressant et, aussi, par instants, d’excellents moments de cinéma.

 

Quel intérêt pédagogique ?

Cette œuvre est assurément complexe à montrer à des élèves. Mais dans un parcours personnel c’est l’occasion d’ouvrir nos chakras à une autre culture de la propagande. Ce film est un must pour les fans de moteurs en double étoile, ruisselants d’huile. Une petite perle difficile à dénicher mais, pour peu qu’on lui accorde du temps, qui saura vous éclairer sur ces niches méconnues.

 

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Mon surtitre fait référence aux Têtes Brûlées et au meilleur ennemi de Greg Boyington.

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Fiche technique

 

Date de sortie initiale : 9 mars 1944
Réalisateur : Kajirō Yamamoto
Cinématographie : Akira Mimura
Producteur : Haruo Mura
Scénario : Kajirō Yamamoto, Kenta Yamazaki

 

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Cette critique est une version complétée pour les Clionautes de celle disponible sur Senscritique.com depuis novembre 2013.