Une idée d’exploitation d’un extrait de « The Lord Of War » en 3ème.
Le sujet (le trafic des armes dans le monde) est une piste assez riche pour introduire le programme de troisième : mondialisation, cartes, comparaison, le Nord et le Sud, les conflits dans le monde, l’IDH….
Ce sujet et ce film peuvent faire frémir. L’extrait en question n’est que le début du film : le générique et le début, jusqu’au plan de Little Odessa à New York en 1982. La violence qui s’y exprime peut rebuter (assassinat d’un enfant). Mais les armes servent malheureusement aussi à ça.
Ci-joint, donc, une fiche-élève qui sert d’entrée en la matière. On y trouvera une analyse rapide du générique, une tentative de mise en relief du point de vue choisi par le réalisateur (une balle) commandée par un trafiquant américain dans un pays de l’Est de l’Europe pour être
acheminée sur le théâtre d’une guerre civile en Afrique. Le tableau des statistiques qui suit permet d’introduire des notions comme mondialisation, Nord, Sud, inégallités… voire puissance. Le tableau se remplit à l’aide du manuel.
Comment les flux de petites armes sont-ils un facteur d’instabilité mondiale ?
Contexte
Une classe de TL partagée entre 2 professeurs, un en ECJS et l’autre en histoire : les progressions sont harmonisées. Le travail décrit concerne l’ECJS.
Travail de réactivation du cours H/Géo
On commence par un rappel des notions vues dans le cours d’histoire : ==> voir LoW-notions.doc
Introduction
Mobilité + fractionnement des Etats, des productions => flux nombreux et variés caractéristiques d’une économie mondialisée. Mondialisation = réalité géographique objet de débats citoyens et d’affrontements politiques.
Ex : G.8, forum de Davos ó Forum social mondial qui se veut altermondialiste.
Mais, ce dont on parle moins = flux illicites (drogue, argent sale, clandestins, armes, réseaux de prostitution, livre p. 20-21). Or, vraie réflexion citoyenne à mener dans ce registre là aussi : la mondialisation favorise le développement de ces flux dévastateurs pour certains Etats et certaines populations (ex : drogue, premier marché de matière première) au vu et au su de certains Etats, certaines entreprises, certaines populations…
Concernant les flux d’armement, l’actualité est potentialisée par le problème de la prolifération nucléaire (livre p. 68-69) = menace planétaire (Corée du Nord, Iran, …). Or, il est rarement question de la prolifération des petites armes (« armes des pauvres ») utilisées, par exemple, au Rwanda en 1994 => véritable génocide des Hutus contres les Tutsis en environ 4 mois (avril/juillet) = 500 000 à 800 000 morts.
Un travail en trois temps
– faire émerger des représentations et des questions au travers du film Lord of War d’Andrew Niccol (2005).
– trouver des éléments de réponse et des arguments pour alimenter la réflexion.
– la classe se rend à la Mission française auprès de l’ONU pour débattre de manière citoyenne afin de confronter les données et les questions à celle d’un spécialiste, le Conseiller en désarmement de la France auprès de l’ONU à Genève.
1er temps : la prolifération des petites armes : réflexions et questions autour du film Lord of War.
==> Voir fiche LoW-eleves.doc
Cette fiche présente à la fois le synopsis du film et un questionnement répondant au thème. Certains morceaux du film peuvent ne pas être visualisés.
2nd temps : les recherches.
La recherche s’organise autour de trois sous thèmes :
– Quels sont les différents acteurs des flux de petites armes ?
– Quels en sont les impacts (dévastateurs ou lucratifs) sur les Etats et les populations ?
– Quelles sont les actions menées pour lutter contre ces trafics… et leurs limites ?
A partir de l’ensemble documentaire (==> voir LoW-sites.doc) mais essentiellement le rapport 2006 Small arms survey. Travail par deux pour élaborer une fiche de synthèse répondant à l’une des sous questions.
3ème temps : débat avec le Conseiller en désarmement de la Mission française auprès de l’ONU (jeudi 1er mars 2007).
Bilan.
Evaluation (==>voir fiche LoW-evaluation-groupe.doc) + construction d’un croquis de synthèse (à venir en fonction du travail des élèves) répondant à la problématique.
– CHAPITRE 2 : LA RECHERCHE D’UN NOUVEL ORDRE MONDIAL DEPUIS LES ANNEES 90
– I Les nouveaux rapports de force internationaux après la fin de la guerre froide
– Problématique : En quoi la fin de la guerre froide a-t-elle bouleversé les rapports de force dans le monde ?
Document 1
Le résumé et la genèse du film d’A. Niccol, Lord of War, 2005, d’après le site mcinema.com, consulté en octobre 2006
Ukrainien émigré à New York avec ses parents et son jeune frère Vitali, Yuri Orlov débute dans la restauration. Le hasard et ses ambitions le dirigent vers un commerce beaucoup plus lucratif, celui des armes. Audacieux, cynique et fin négociateur, il s’y fait rapidement une place. Les énormes sommes d’argent qu’il gagne lui permettent de conquérir Ava. Il l’épouse et lui cache tout de ses véritables activités. Parallèlement à cette vie très organisée de mari et bientôt de père idéal, Yuri devient l’un des plus grands trafiquants d’armes du monde sous plusieurs pseudonymes, pourchassé sans relâche par l’agent d’Interpol Jack Valentine. Utilisant ses relations familiales à l’Est, Yuri accède à un immense stock d’armes issu de la guerre froide qu’on lui revend à bas prix. La guerre froide terminée, il se tourne vers le marché africain, fait alliance avec des dictateurs psychopathes comme le président André Baptiste et son fils cannibale dit Junior.
Ava, surveillée par Valentine, commence à s’interroger. Intercepté en vol par Interpol, Yuri est contraint de poser son avion en Sierra Leone, de se débarrasser de sa cargaison et de laisser les autochtones désosser son appareil. Ava, éclairée par Valentine sur ses activités, les lui reproche et exige qu’il arrête. Yuri se recycle dans le pétrole et travaille honnêtement. Mais les Baptiste viennent le relancer et il cède à l’attrait des diamants. Yuri insiste pour mener cette mission avec son frère désintoxiqué. En Afrique, Vitali, écoeuré par les massacres, tue Baptiste Junior lors d’un transfert d’armes et est lui-même exécuté, au désespoir de Yuri, qui ramène son cercueil aux États-Unis. Bloqué à la douane, Yuri est arrêté par Valentine, qui tient ses preuves. Incarcéré, renié par ses parents et abandonné par Ava, il est pourtant libéré pour raison d’État, son activité illicite étant reconnue comme un mal nécessaire. Et le trafic continue !
Personnage fictif, Yuri a été inspiré par quatre trafiquants qui existent réellement, et les événements décrits dans le film sont avérés. Chaque jour, à l’image du générique de début qui suit le parcours d’une cartouche, de sa fabrication à sa finalité, ce sont plus de trois milliards de munitions qui sont fabriquées dont seulement dix pour cent sont affectées à des opérations officielles. Tourné à New York, en Afrique du Sud et en Tchéquie, financé par des indépendants européens, ce film put être produit grâce aux importants sacrifices financiers des acteurs. Andrew Niccol souligna : « Trouver un financement aux U.S.A. a été d’autant plus difficile que nous avons soumis le scénario une semaine avant le début du conflit en Irak ». Kadhafi, Idi Amin Dada et Mobutu inspirèrent la figure du dictateur Baptiste.
Document 2
Deux séquences du film d’Andrew Niccol :
– Extrait 1 : Odessa, en 1992, dans une ancienne base militaire de l’armée rouge. Durée : 3’50
– Extrait 2 : Monrovia, en 1995, lors de la dictature exercée par André Baptiste. Durée : 6’20
Document 3
Carte manuel Bréal Terminale S, 2004, pages 106-107
QUESTIONS
1. Localisez les lieux où se déroulent les 2 extraits et présentez leur situation politique à la date des faits relatés dans le film.
2. Extrait 1 : comment le réalisateur insiste-t-il sur l’importance de l’armement dans cette région du monde ?
3. Extrait 1 : quels changements la fin de la guerre froide a-t-elle entraînés dans cette base militaire ? Par quels moyens le réalisateur souligne-t-il ces changements ?
4. Extrait 2 : le début de l’extrait nous donne des informations sur le contexte géopolitique de l’Afrique dans les années 90. La carte du manuel confirme-t-elle ces informations ? Justifiez votre réponse.
5. Extrait 2 : montrez comment le réalisateur, à travers Monrovia, met en scène par quelques plans tous les maux dont souffre le continent africain. Donnez des exemples précis.
6. BILAN – Extraits 1 et 2 : quels éléments expliquent l’impunité dont jouit Youri pour organiser son trafic d’armes au cours des années 90.
Pistes de correction
1. L’action se situe d’abord à Odessa, en Ukraine, en 1992. Odessa est située au bord de la Mer noire, au sud de l’Ukraine. Ce pays a obtenu son indépendance en 1991, lors de l’effondrement de l’URSS (officiellement supprimée le 25 décembre 1991). L’indépendance fut proclamée le 24 août 1991 et confirmée par le référendum du 1er décembre 1991: 90,5% d’électeurs votèrent pour l’indépendance. Au moment où se déroule le film, l’Ukraine est donc un pays indépendant et n’est plus une république soviétique. Le deuxième extrait se situe à Monrovia, capitale du Libéria (pays censé servir de refuge au XIXe siècle aux esclaves affranchis d’Amérique du Nord). Ce pays a été en pleine guerre civile dans les années 90 (voir carte du manuel), le lieu de nombreux pillages, de grandes violences, après l’assassinat du dirigeant libérien Samuel K. Doe. Le dictateur André Baptiste n’existe pas en tant que personnage historique. Il symbolise l’archétype du dictateur africain cruel et despotique (inspiré du zaïrois Mobutu, du lybien Khadafi et de l’ougandais Amin Dada).
2. Une vue en plongée sur les parois d’un hangar militaire ouvre l’inventaire de Youri « des ressources » de la base. Un travelling lattéral poursuit sa découverte du stock d’armes permettant de voir des rangées entières de kalashnikov (40.000 !). Sur une vue générale de la base, on se rend compte que ce ne sont pas moins de 4 hangars similaires au premier qu’abrite la base. Un travelling sur une rangée de tanks alignés les uns à côtés des autres confirme l’impression d’un véritable arsenal. La visite s’achève par le hangar contenant des obus et des hélicoptères de combat. La voix off de Youri amplifie l’effet visuel : « Le grand bazar était ouvert : missiles guidés, missiles non guidés, mortiers, mines, transports de troupes blindés, des divisions entières de tanks… toute une escadrille d’hélicoptères de combat. »
3. Les changements post-guerre froide : l’absence de toute autorité de contrôle sur les bases militaires. Les ordres ne viennent plus de Moscou, contrairement à la période soviétique et les nouveaux dirigeants ne sont visiblement pas préoccupés par les questions de défense mais plutôt par une lutte pour s’emparer du pouvoir : « ils se disputent ». De plus, un climat de corruption généralisé règne : la malette remplie d’argent de Youri à son oncle général, « on les arrosera », lui dit-il pour le rassurer en cas de contrôle. Le réalisateur matérialise ces changements par deux plans très symboliques : le premier dès le début où l’emblême soviétique de la faucille et du marteau est descendu à terre lorsque Youri arrive dans la base. Le second lorsque Youri appelle depuis un téléphone portable assis sur une statue de Lénine couchée à plat. La redistribution des richesses voulue par le père fondateur de l’URSS se transforme en une redistribution de l’armement à l’échelle mondiale. Les nouveaux maîtres de cette base d’Odessa sont désormais des généraux corrompus et des traficants d’armes qui se disputent un nouveau marché libéré par la fin de la guerre froide.
4. Le début de l’extrait nous indique que l’Afrique a connu « 11 conflits majeurs concernant 32 pays africains en moins d’une décennie». La carte confirme bien cette généralisation des conflits à l’échelle africaine. On recence en effet 13 pays en situation de guerre civile de 1991 à 2000, un massacre ethnique (génocide rwandais) et une vingtaine d’Etats constituant des zones de fortes tensions.
5. Le réalisateur nous offre un condensé des problèmes africains en quelques plans très suggestifs et d’une rare violence :
– Un continent marqué par la tyrannie des « seigneurs de guerre » comme André Baptiste et son fils, véritables despotes et tyrans. Scène où le président « auto-proclamé » Baptiste tue froidement un homme de sa garde qui séduisait une jeune femme, son fils qui tire en pleine rue des rafales de mitraillette depuis sa jeep. Climat d’insécurité généralisé : hommes ou enfants armés dans les rues, entrée du palais présidentiel qui s’apparente à un camp retranché.
– Un continent d’une grande pauvreté : hôtel miteux, rues en terre battue gorgées d’eau. Seul le palais présidentiel offre un condensé de richesses dans un océan de misère.
– Un continent où sévissent les grandes pandémies comme le sida (« pas un préservatif dans un rayon de 160 km »)
– Un continent dépourvu de tout hygiène : un vautour déchiquète un cadavre dans la rue de la capitale
– Un continent dépourvu de tout respect pour l’homme et la vie : mutilé, filles qui se prostituent, enfants qui sont invités à tenir et à utiliser une arme (en ferraille ou bien réelles comme lors de la cérémonie militaire en présence du président).
– Un continent influencé par la culture américaine dans ce qu’elle peut avoir de pire : président éduqué aux Etats-Unis, son fils qui veut avoir la même arme que Rambo, condamnation de l’influence de MTV sur les jeunes par le président Baptiste. Dans l’hôtel, les Libériens regardent le procès d’O.J Simpson (acquitté en 1995 après avoir été accusé de meurtre sur son épouse) et dénoncent la violence des Etats-Unis (ironie et règlement de comptes sans doute de la part du réalisateur qui n’a pas pu trouver le financement de son film aux USA : le quartier de Brentwood à Los Angeles est présenté comme un lieu d’insécurité alors que s’y concentrent les vedettes de cinéma – Spielberg, Schwarzenegger- , les sportifs célèbres, dont O.J Simpson).
Une telle accumulation contribue à faire percevoir le continent africain de manière quelque peu caricaturale.
6. Youri profite en fait du déreglement mondial post-guerre froide. Les rapports de force échappent à une logique binaire et les affrontements se multiplient à l’échelle planétaire. La fin de l’URSS entraîne une désorganisation de l’Europe orientale qui doit se reconstruire en rétablissant un pouvoir capable de gérer un véritable arsenal militaire. Le continent africain apparaît quant à lui comme délaissé et marginalisé. L’extrait 2 nous précise qu’au même moment – 1994/1995 – le conflit en ex-Yougoslavie monopolise l’attention des « Blancs » qui laisse faire les traficants d’armes en Afrique. On voit bien une incapacité des grandes puissances ou des organisations internationales à gérer les multiples problèmes du monde. En ce sens, dans le film d’A. Niccol, les efforts vains de l’inspecteur Valentine de la CIA pour s’opposer au trafic d’armes de Youri sont très symboliques.
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