Guerre d’Algérie – Mémoire – Histoire

J’ai visionné en avant-première ce film qui sera dans les salles le 2 juin prochain, et mon sentiment apparaît à tout le moins mitigé.

Au niveau de l’esthétique il est difficile de trouver à redire, comme au niveau de la reconstitution. L’atmosphère de ce village, en zone d’habitat dispersé comme diraient les géographes est parfaitement rendue, tout comme celle de la ville d’Alger en 1960.

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Le retour des Clionautes

L’histoire raconte la trajectoire d’un homme, Bernard, incarné à l’écran par Gérard Depardieu qui traîne avec lui le traumatisme de cette guerre d’Algérie que l’on qualifiait à l’époque « d’événements ». La mise en contexte se rappelle dans le récit des différents narrateurs, Bernard et Rabut, incarné à l’écran par Jean-Pierre Daroussin. Les problématiques sont connues, on retrouve les interrogations de cette génération engagée dans une guerre qui n’était pas la sienne, et qui forcément se posait des questions. Le début comme la fin de l’histoire se déroule dans ce village. De retour d’Algérie, Bernard qui traîne une histoire familiale complexe se replie sur lui-même. L’anniversaire de sa sœur, (Catherine Frot à l’écran), déclenche la crise. Ce géant agresse l’épouse d’un travailleur algérien implanté dans le village, et à la fin du film les gendarmes se préparent à l’interpeller. On croit comprendre que le travailleur algérien ne porte pas plainte formellement, ce qui pose question mais qui peut s’expliquer dans le contexte de cette époque.

Guerre d’Algérie – Années 70 – Les allers-retours

Le reste du film se déroule par quelques allers-retours qui montrent d’abord l’ennui qui affecte ses appelés du contingent participant au dispositif mis en place à partir de 1960 en Algérie que l’on appelle l’opération jumelles qui a été conduite par le général Challe, un des participants du putsch d’avril 61. Ces grandes opérations de ratissage avec la constitution de zones interdites ont eu comme conséquence la défaite militaire du FLN, quasiment absent du territoire algérien avant mars 1962, mais n’ont pas permis d’empêcher l’inéluctable, c’est-à-dire le départ de la France après 132 ans de présence sur ce sol.

L’enchaînement de violence n’est pas forcément décrit, puisque le choix du narrateur est d’en montrer les conséquences. À cette époque on ne parlait pas de stress post traumatique, et les soldats étaient renvoyés chez eux sans précautions particulières. Le lien apparaît d’ailleurs avec les traumatismes de la première guerre mondiale, notamment dans le récit de cet ancien combattant, tirailleurs algériens probablement, qui raconte Verdun au jeune appelé français qu’il reçoit chez lui.

C’est en Algérie aussi que Bernard rencontre l’amour, une passion dévorante auprès d’une jeune fille dont le père est un gros propriétaire terrien installé en Algérie. Mais on ne connaîtra pas la fin de leur histoire, si ce n’est qu’elle s’est traduite pour cette jeune fille par un déclassement social.

Et ce sont toutes les facettes de la vie de Bernard, mais aussi de ses camarades que le film dépeint, par petites touches, de façon intimiste parfois. Ce choix de scénario impose au spectateur un effort de concentration qui n’est pas spécialement léger. Et c’est peut-être ce qui nuit à l’ensemble. Je m’interroge toujours en revoyant les notes prises pendant le visionnage sur la démarche du réalisateur, et même sur l’histoire qu’il voulait raconter.

Voulait-il parler de ses anciens combattants d’Algérie qui justement ne parlaient pas ? Voulait-il montrer l’absurdité de cette guerre ? Comment elle transforme des hommes en tueurs et en violeurs ? Voulait-il interpeller sur l’absence totale de gestion par les armées de l’époque du stress post traumatique ? Je m’interroge toujours et le regard d’historien sur ce film qui traite de la mémoire ne sera pas forcément celui de l’adhésion.