Le chant du loup s’inscrit avec réussite dans la longue liste de films des bateaux noirs. C’est totalement inexplicable en quelques mots et ceci n’a de toute façon aucun intérêt ici, mais j’adore les films de sous-marins. Je ne les ai pas tous vus, mais disons que j’ai tout de même passé quelques heures en leur compagnie. Sans prétendre aucunement à une légitimité particulière, cette passion me donne quelques pistes de réflexion pour savoir à peu près de quoi je parle. Cerise sur le gâteau, j’ai eu la chance d’aller m’égarer dans les coursives de quelques unes de ces bêtes et j’ai à disposition quelques témoignages ; je suis donc heureux de les mettre en arrière plan de cette virée avec Antonin Baudry.

Par curiosité, après avoir vu le film, je me suis amusé à lire quelques critiques ; les positives insistent sur le suspense et le réalisme des séquences, les négatives sur le piètre casting,  totalement non crédible chez les plus ardents défenseurs du lobbying du bon casting (reste encore à déterminer ce que peut être un bon casting bien entendu), ou encore sur le scénario idiot (merci François Forestier de partager cette science géniale des Nanars[1]). Une critique m’a beaucoup fait sourire, celle du Monde par la voix de Thomas Sotinel : Mathieu Kassovitz est mauvais, alors qu’il s’y connait en géopolitique[2]. Il est clair que de tourner dans une série comme « Le bureau des Légendes » semble suffisant pour avoir des bases très solides en géopolitique. On se demande même pourquoi lire Nicolas Spkyman, Jacques Ancel ou Hervé Coutau-Begarie : il suffit sans doute de regarder la série de Canal+ pour gagner des galons de crédibilité géopolitique.

Assurément cette nouvelle plongée n’est pas exempte de défaut et d’ellipses narratives. La trame de fond, une crise majeure entre les Européens et la Russie en passant par la case Moyen-Orient et la Finlande, reste finalement très peu abordée. Ce choix peut surprendre, d’autant qu’il aurait permis au film de prendre une toute autre ampleur, à l’image de l’essai, réussi, de la série Vigil, chroniquée il y a quelques temps.

Paradoxalement c’est certainement aussi pour ça que j’ai aimé Le chant du loup. Bien entendu le son, les aspects techniques m’ont plu, tout comme le rythme est justement dosé même si certains auraient préféré que ça bouge beaucoup plus (ce qui leur aurait sans doute permis de critiquer le rythme trop haletant et américanisé de l’essai). Nous ne sommes pas dans une mesure du temps à l’américaine ou un USS Alabama ou Red October envoient du bois selon des codes éculés. Antonin Baudry s’inscrit plus dans une « french touch », avec ses lenteurs, ses accélérations, ses glissements. Globalement les acteurs sont convaincants. Omar Sy peut faire autre chose que le guignol et est largement plus crédible ici, à mes yeux, qu’en X-men. Reda Kateb est minéral, très juste, tout comme François Civil.

 

Moment de tension …. tout le monde est crédible

 

Je n’ai pas envie de spoiler mais j’ai envie de soutenir ce travail. Il ne faut pas s’attendre à des explosions en tous genres ou à des courses poursuites délirantes. Ce Chant du loup est comme un sous-marin qui se love dans les océans ; il glisse, se déploie en silence, jouant difficilement avec l’inertie, les couches d’eau, chassant le bruit à l’écoute des autres. C’est un monde singulier et le film le rend très bien. L’oreille d’or est un homme à part et le film le rend bien. Le tout technologique c’est bien, la procédure c’est bien, mais le flair, le papier, les dossiers avec des spirales, c’est très bien aussi et même souvent mieux. Le sujet est ici bien traité dans ce sens, permettant littéralement de s’immerger dans le quotidien, dans la passion des sous-mariniers. On ressent totalement l’implication de l’équipe de tournage, des conseils qui ont pu être donnés, pour rendre ce film crédible.

Le Chant du loup c’est un scenario digne d’un excellent Buck Danny dont je terrai le titre pour ne pas spoiler, plus que d’un Tom Clancy. Ce n’est pas un film de géopolitique mais un film de genre, avec ses codes. C’est un essai français pour faire quelque chose de neuf, sans singer les maîtres du genre. Ce n’est pas Das Boot qui reste le Chef d’œuvre absolu, mais ce n’est pas non plus le naufrage que moquent certains qui n’ont jamais mis les pieds dans un submersible ou croisé un sous-marinier ou leurs épouses. Un film qui, de source autorisée, rend compte des fragilités du système, pose des questions de fond, sans oublier que tout ceci est avant tout histoire d’hommes et de femmes, même si ces dernières sont quasi absentes, ce qui est aussi à méditer. Un film de genre en somme de toutes les peurs.

 

Est-il pour autant utilisable en classe ? Avec la mise en place des programmes de spécialité, en Terminale, il se prête tout à fait à une exploitation dans le cadre du Thème 1 – De nouveaux espaces de conquête, et plus particulièrement du Jalon 2 de l’Axe 1, Affirmer sa puissance à partir des mers et des océans : la dissuasion nucléaire et les forces de projection maritimes.

 

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[1] https://www.nouvelobs.com/cinema/20190218.OBS0335/grace-a-dieu-les-moissonneurs-les-films-a-voir-ou-pas-cette-semaine.html

[2] https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/02/20/le-chant-du-loup-aventures-nucleaires-entre-l-europe-et-la-russie_5425627_3246.html

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Fiche technique

Les Productions du Trésor, Pathé Production, Chi-Fou-Mi Productions / 2019 / 1h 55min / Thriller, Anticipation, Guerre

Titre original Le chant du loup

Réalisateur : Antonin Baudry

Scénariste : Antonin Baudry

Musique : Tomandandy (avec l’aide ponctuelle de Alanas Chošnau, Mark Reeder et Marc Streitenfeld)

Avec

François Civil, Mathieu Kassovitz, Omar Sy, Reda Kateb, Paula Beer