Les histoires dans l’Histoire, « Raconter » la Roumanie de Ceausescu, le parti pris intimiste de C. Mungiu dans 4 mois, 3 semaines et 2 jours.
Cet article est issu de l’ouvrage Innover dans la classe : cinéma, Histoire et représentations sous la direction de Vincent MARIE et Nicole LUCAS, à paraître dans la collection Enseigner Autrement aux éditions Manuscrit Université, 2007. Il sera aussi proposé avec quelques modifications dans une rubrique du DVD-Rom pédagogique : A propos de 4 mois 3 semaines et 2 jours Ch. Mungiu, à paraître dans la collection A propos de, CRDP Nice, 2008.
Le film 4 mois, 3 semaines et 2 jours de Christian Mungiu raconte l’histoire d’un avortement clandestin dans la Roumanie de Ceausescu. Palme d’or, prix de la critique internationale et prix de l’éducation nationale au festival de Cannes en 2007, ce film attire les regards.
La Roumanie qu’il présente correspond à celle de la fin des années 1980. La caméra s’enfonce alors dans une société en pleine déliquescence…
Dans ce contexte, C. Mungiu choisit de dresser le portrait de deux jeunes femmes, figures anonymes d’une encore possible mais fragile résistance roumaine face à la dictature. En ce sens, il construit un récit oppressant où s’incarne, à travers ces personnages ce qui n’est pas toujours de l’ordre du visible :
« la notion même d’image – dans son histoire comme dans son anthropologie – se confond précisément avec la tentative incessante de montrer ce qu’on ne peut pas voir. On ne peut pas « voir le désir » comme tel, mais les peintres ont su jouer de l’incarnat pour le montrer ; on ne peut pas « voir la mort », amis les sculpteurs ont su modeler l’espace comme une porte de tombeau qui « nous regarde » ; on ne peut pas « voir la parole », mais les artistes ont su construire leurs figures comme autant de dispositifs énonciatifs ; on ne peut pas « voir le temps », mais les images créent l’anachronisme qui nous le montre à l’œuvre ; on ne peut pas « voir le lieu », mais les fables topiques inventées par les artistes nous en montrent bien – par des moyens tout à la fois sensibles et intelligibles – la puissance d’ « évidence ». »
De fait, le réalisateur se confronte au problème de la représentation d’un régime totalitaire.
Pour étudier 4 mois 3 semaines et 2 jours dans les classes, il apparaît important de comprendre les enjeux, les intentions et la genèse du film. Notre projet ici : proposer une analyse du film dans une double perspective historique.
D’abord, comme agent d’Histoire car la somme des histoires individuelles qu’il propose permet d’illustrer et de mieux comprendre « le monde traqué et combinard » des années Ceausescu.
Ensuite, comme objet d’Histoire car le film semble en bonne voie pour contribuer à devenir un vecteur légitime supplémentaire dans « l’élaboration d’une conscience historique » de la Roumanie de Ceausescu.
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