Mr Robot : Qui, dans la salle, peut me définir le terme cyber ?

C’est vrai, après tout, on emploie le mot à toutes les sauces, cyberdéfense, cyberattaque, cyberpunk, là cybernétique et ici boite de cybersécurité. Cette porosité extrême d’un mot que peu de monde, finalement, maîtrise vraiment, est l’une des cordes de cette série parfois confuse à l’extrême, fascinante ou dérangeante, faussement intelligente ou brillante. Tel un parachute laissant l’air circuler pour accompagner la chute, Mr Robot nous entraine avec lui dans ses tourments. Il est limpide que les influences sont multiples et qu’entre le spectateur occasionnel qui hurle au génie des twists et l’averti qui, du haut de sa chaire, voit tout avant tout le monde parce qu’il s’est enfilé V pour Vendetta ou Fight Club avant tout le monde, il y a une béance. Alors que penser de cet objet ?

 

Une série complètement allumée, par des Geeks, pour des Nerds ?

Déjà, sur le fond, le questionnement est franchement intéressant dès lors qu’on est pas un érudit total en programmation. Dans ce cas il y a fort à parier que, pour hacker hardcore par exemple récitant les lignes de code tous les soirs avant de s’endormir, cette série deviendrait creuse et imploserait devant sa culture incommensurable, renvoyant Sam Esmail à ses chères études de fanboy.

 

Soyons rassurés, il ne faut pas maîtriser le C++ pour pouvoir suivre

Je ne suis pas érudit absolu, mais pas inculte non plus aussi puis-je continuer avec quelque chance de vous garder jusqu’à la fin de cette prose. Notre monde tient en quelques algorithmes et, finalement, les puissants n’ont jamais été aussi faibles. Un illuminé peut faire exploser ou imploser un système reposant sur l’ultra connexion de toutes ses composants. Tel le Neuromancien de la Matrice, le héros aux yeux globuleux erre dans ses délires et nous donne à voir une surface du capitalisme total, une ombre des envies de libération et de révolution et, enfin, les tréfonds obscurs dont le Darkweb n’est qu’une mince pellicule.

Ce héros ressemble à Dante errant dans les enfers en quête de Béatrice et cet Hadès oscille alors entre son cerveau et notre monde, dans une complexité parfois indigeste. Et ce monde a bien du mal à s’effondrer, le bougre, même si Mr Robot se donne beaucoup de mal pour y parvenir.

 

On tente l’expérience ?

Alors que faire de cette série ? Pourquoi la conseiller ici, sur Clio-ciné, un temple de l’histoire géographie ? Peut-être parce que je n’aime pas les gens et que je veux les pousser à voir une série toute pourrie ? Ou alors parce que mon avis final est biaisé par ce sacré Christian Slater, pour lequel j’ai beaucoup de sympathie. Parce que Rami Malek est complètement habité. Peut-être, plus sûrement, parce que j’ai eu du mal à accrocher, je me suis demandé pourquoi je subissais certains épisodes sans pouvoir décrocher. Car, formellement, certains épisodes sont brillants. Et finalement suis-je moi-même compliqué. Parce que les acteurs sont globalement excellents et que la BO est jubilatoire.

 

Proverbe chinois : quand on peut faire du grec, on fait du grec

Cyber est tellement poreux qu’il est employé à toutes les sauces, disais-je donc en introduction. Cyber vient de l’adjectif grec, κυϐερνητική, qui renvoie à la capacité de diriger, de manœuvrer. Foutre, ce n’est donc pas internet ? Par toutes les barrettes de RAM, ce n’est pas même les ordinateurs (nécessairement tous dangereux) de Cyberdyne Systems ?? Et là, la magie opère. Cette série cyber s’accorde enfin avec l’étymologie. Guider le spectateur, le manœuvrer, l’inciter pourquoi pas à réfléchir (oui, tout le monde peut ne pas être un exégète de V pour Vendetta) sur un monde où ce qui nous manœuvre n’est pas nécessairement enthousiasmant. Parce que, finalement, sans spoils inutiles qui gâcheraient l’expérience, tout est sacrément pessimiste ici. Alors, outre le choix de la bonne pilule ou de succomber à nos démons, que reste-t-il ? La folie ?? La révolution ???

Conclusion – Foncez

Il appartiendra au lecteur de ces quelques lignes de mesurer l’intérêt de se lancer dans ces quatre saisons complexes, dans ces 45 épisodes qui ne laissent jamais indifférents. Toujours est-il que pour nos enseignements cette série regorge de grilles d’analyses.

Montée de la puissance chinoise et conséquences géopolitiques qui en découlent. Questionnement du poids des GAFAM et autres BATX ; une entreprise peut-elle décider qui a le droit, ou non, de s’exprimer sur un réseau social, fut-il président  des États-Unis avec une superbe coupe de cheveux ? Jusqu’à quel point la surveillance des citoyens peut-elle aller, pour leur sécurité ? Qu’est-ce qu’un complot ? Méditations sur la démocratie, la révolution, l’argent, la rébellion soit autant de thématiques que l’on retrouve aisément en  spécialité HGGSP (au hasard thèmes sur la démocratie, la puissance, les médias, le cyberespace en Terminale) mais aussi en géographie ou en EMC.

Critique originelle sur senscritique.