Le film de Philip Kaufman a été réalisé en 1983 et distribué en 1984, c’est à dire en pleine guerre fraiche, un moment de retour des tensions entre l’Est et l’Ouest, après l’invasion soviétique en Afghanistan (1979), double boycott des JO de 1980 et 1984. La mêle année, en 1983, le président américain Reagan a lancé son projet d’initiative de défense stratégique (IDS) consistant à mettre au point un réseau de satellites pour détecter et détruire des missiles balistiques lancés sur le sol américain. L’affiche montre clairement que le film va développer le point de vue américain sur la conquête spatiale (titre reprenant les couleurs du drapeau et présence d’une étoile). Il montre sept hommes dans leur tenue d’astronautes regardant déterminés le spectateur. Le slogan « How the future began » montre clairement comment la conquête de l’espace est étroitement associée à une avancée technologique mais aussi au destin de la nation américaine.
EXERCICE 1 : LES PREMICES DE LA GUERRE FROIDE – 1947 – Durée : 10 minutes (de 13’00 à 23’03)
– Quelle avancée dans la maîtrise des airs l’extrait présente-t-il ?
L’extrait présente le premier passage du mur du son à Mach 1 (340 m/s, soit 1224 km/h) réalisé le 14 octobre 1947, au moment où apparaît la guerre froide (doctrines Truman/Jdanov) à bord d’un avion fusée prototype Bell X-1, à partir d’une base californienne de Muroc Field. Ce fait marque la fin symbolique de la conquête des airs.
– Comment dans l’extrait passe-t-on du contexte de la seconde guerre mondiale à celui de la guerre froide ?
Le coup de téléphone d’un témoin de la scène à la presse de Los Angeles est arrêté par l’officier du FBI qui veut que la prouesse soit tenue secrète. Le témoin ne comprend pas car il considère que « la guerre est finie » et que les Russes sont toujours les alliés des Etats-Unis.
– A quel mythe américain la prouesse de Yeager est-elle explicitement associée dans cet extrait ?
La prouesse de Yeager est clairement associée au mythe de la frontier, c’est à dire la capacité des Américains à dépasser sans cesse les limites de son propre territoire (conquête de l’Ouest, avec la référence explicite au désert californien avec la chevauchée de Yeager et de sa compagne).
EXTRAIT 2 : L’AVANCEE SOVIETIQUE – 1957 – Durée : 6 minutes (de 41’52 à 47’42)
– Quelle avancée dans la maîtrise de l’espace l’extrait présente-t-il ?
L’extrait présente l’envoi d’un premier satellite au-dessus de la terre, le Spoutnik soviétique lancé le 4 octobre 1957 depuis la base Star City (Baïkonour). Pour la première fois, l’homme est capable de placer un objet artificiel qu’il a fabriqué en orbite au dessus de la terre.
– Montrer comment le réalisateur a procédé à une véritable mise en scène du retard américain par rapport aux Soviétiques dans ce passage du film.
Les procédés de mise en scène sont :
– gros plan sur l’arrivée en courant d’un membre de l’administration américaine alors qu’une réunion au sommet a déjà eu lieu à la maison Blanche.
– la prise de courant débranchée qui empêche la diffusion des films d’espionnage.
– Les propos du sénateur L. Johnson : « comment ont-ils bien pu nous dépasser ? »
– L’incapacité à distinguer les astronautes soviétiques : confusion entre Titov et Gagarine
– Le sourire du chef de programme soviétique qui semble narguer les Américains et agace Johnson.
– Les jeux de mots pendant la conversation entre l’expert et Johnson montrant que les autorités américaines ne maîtrisent pas le langage de la course à l’espace.
– Les choix fantaisistes des volontaires pour lancer une coque dans l’espace (surfeur, pilote de course, fildeféristes, acrobates de fête foraine,…)
– Quel pilier de la guerre froide cet extrait montre-t-il ? Quels autres fondements de la guerre froide sont également évoqués ?
La course à l’espace est mise en évidence : les Américains veulent absolument combler leur retard sur les Soviétiques. Mais d’autres fondements de la guerre froide sont aussi présentés :
– la course à l’armement avec la crainte d’une attaque nucléaire (intervention de Johnson : « ils auront des plates-formes spatiales pour lâcher des bombes nucléaires »). Allusion à l’apport des scientifiques allemands récupérés par les deux puissances aux lendemains de la 2de Guerre Mondiale.
– la confrontation idéologique : « c’est la lutte suprême entre le Bien et le Mal »
– le rôle de l’espionnage
EXTRAIT 3 : LA RIPOSTE AMERICAINE : LA PRESENTATION DU PROGRAMME MERCURY – 1959 – Durée 6 minutes 30 (1 heure 14’ 15 à 1 heure 20’ 50)
– De quelle façon le programme Mercury lancé par la NASA est-il présenté à l’opinion ?
La présentation du programme Mercury se fait par une conférence de presse officielle (plans sur les flashs des photographes) qui a tout d’une véritable propagande où sont exaltés les symboles américains (couleurs rouges, blanches et bleues, drapeau et logo de la NASA à l’arrière plan des pilotes) et la force des Etats-Unis (« Sept américains, tous des preux… »).
– Par quels moyens le réalisateur montre-t-il au début de l’extrait le manque de crédibilité qui entoure ce projet ?
– Réflexion du témoin ayant assisté au vol de Yeager en 1947 : «sept bleus qu’on présente comme des as du vol et qui n’ont rien foutu sauf venir à une conférence de presse ».
– La moue dubitative et le sourire narquois de Yeager et d’un autre pilote écoutant la radio transmettant la conférence de presse depuis leur base californienne.
– La réflexion d’un pilote à son voisin surpris de voir la crédulité du public au discours de John Glenn.
– A quel revirement assiste-t-on ? A quels éléments du modèle idéologique américain se réfère le discours de John Glenn et des autres volontaires pour le programme Mercury ? Justifiez le choix de la musique off ajoutée à la fin de l’extrait.
L’intervention de John Glenn, placé symboliquement au centre, retourne la situation : contrairement aux autres pilotes, il sait s’exprimer devant les médias et développe sa pensée. Il saisit l’occasion de cette conférence de presse pour faire l’apologie du modèle américain :
– croyance en la capacité de l’homme à s’élever grâce à ses mérites et ses talents, capacité qu’a chacun de réussir (égalité des chances).
– référence aux pionniers capables de se surpasser (Wright et Orville se disputant le droit d’être les premiers à voler dans un aéroplane)
– référence aux valeurs morales (famille) et religieuses.
La musique du Messie de Haendel appuie la fin de cette séquence et vient donner un élan quasi mystique à la mission de ses 7 hommes. Elle peut être aussi interprétée de façon ironique du fait de la présence d’un nouveau plan sur le sourire et le hochement de tête de Yeager qui n’a pas l’air de croire aux propos de ces pilotes.
EXTRAIT 4 : QUI SERA LE PREMIER DANS L’ESPACE ? – 1961 – Durée : 8 minutes (de 1 heure 37’ 40 à 1 heure 45’ 50).
– Autour de quel élément la course à l’espace entre URSS et Etats-Unis s’oriente-t-elle au début des années 1960 ? En vous appuyant sur l’extrait, retracez-en les étapes principales.
La course à l’espace s’oriente au début des années 1960 vers la capacité des 2 grands rivaux à envoyer le premier homme dans l’espace. L’extrait nous permet d’en voir les grandes étapes :
– 31 janvier 1961, envoi depuis Cap Canaveral d’une fusée contenant un singe (chimpanzé Ham)
– 12 avril 1961, envoi depuis Baïkonour du premier homme dans l’espace, Youri Gagarine, qui réaliser une orbite complète autour de la terre.
– le 5 mai 1961, envoi depuis Cap Canaveral du premier Américain dans l’espace, Alan Shepard.
– Commentez l’attitude de Yeager au début de cet extrait.
Yeager, comme à son habitude, raille les performances de la NASA et du programme Mercury au départ mais la caméra nous le présente ensuite s’isolant du groupe de pilotes pour sortir contempler la lune dans la nuit. Il semble comprendre avant tout le monde que l’envoi d’un animal dans l’espace n’est que le début de la conquête spatiale. Ce plan anticipe sur le devenir de l’aventure spatiale qui conduit au premier alunissage à la fin des années 1960.
– Relevez dans l’extrait tous les éléments (sonores et visuels) qui évoquent le climat de compétition acharnée entre les deux grandes puissances.
Les éléments sont :
– au niveau sonore : la réflexion du responsable de la NASA corrigeant un journaliste : « vous voulez dire le premier homme libre dans l’espace ? » ; la échanges des pilotes qui veulent absolument en découdre avec les Soviétiques : « j’en ai marre d’être second derrière les Russkoffs » John Glenn, la musique entrainante accompagnant les astronautes qui s’avancent devant la caméra ; les propos du journaliste commentant le décollage de la fusée américaine : « les efforts désespérés pour battre les Russes », « le plus grand bras de fer à la mort de tous les temps ».
– au niveau des images : le montage alternant rapidement lancers américains et lancers soviétiques, la reprise du plan de l’extrait 2 sur la course du conseiller dans les couloirs de la maison blanche, l’insertion d’images d’archives notamment soviétiques pour fêter Gagarine, la marche déterminée des astronautes qui passent d’une tenue civile à une tenue « de combat », celle de cosmonautes.
EXTRAIT 5 : LA COURSE A L’ESPACE, PRIORITE NATIONALE – 1961 – Durée : 3 minutes (2 heure 06’ 02 à 2 heure 09’ 42).
– Comment justifier l’insertion des images d’un discours du président Kennedy dans ce film ?
Il s’agit de renforcer l’effet de réel pour replonger le spectateur dans le climat de l’époque mais aussi de voir la détermination du gouvernement américain au plus haut niveau.
– De quelles manières la conquête spatiale est-elle présentée dans cet extrait à travers les remarques de Yeager et le discours de Kennedy ?
La conquête spatiale est présentée comme :
– Kennedy : un acte de puissance pour montrer la suprématie notamment d’un technologique d’un pays sur l’autre.
– Yeager : un acte d’héroïsme de la part d’individus mais aussi un acte de propagande orchestré par l’Etat et les médias qui transforme les échecs (vol de Grissom qui a perdu la capsule en mer) en réussites (Yeager)
—-
CONCLUSION : Le propos du cinéaste vous semble-t-il critique par rapport à son sujet, c’est à dire la conquête spatiale ?
La réponse peut être nuancée : la reconstitution de cet épisode de la conquête spatiale valorise le modèle américain et le courage des pilotes (Yeager, les 7 astronautes présentés y compris dans l’affiche comme les 7 mercenaires et qui sauvent la patrie). Mais Kaufman, en utilisant souvent le point de vue de Yeager, met une distance certaine par rapport aux événements et paraît surtout montrer que la conquête spatiale est avant tout une histoire d’hommes courageux prêts à tous les sacrifices, y compris personnels, pour satisfaire leur propre quête avant la quête de l’Etat auquel ils appartiennent. Le mérite du film est d’arriver à célébrer davantage l’idéalisme que l’idéologie alors que le contexte de la réalisation, en pleine guerre fraiche, ne rendait pas la chose aisée (voir des productions cinématographiques comme Rambo 2 en 1985).