Le 9e Escadron s’inscrit pleinement dans l’actualité de cette fin d’été. La prise de Kaboul par les Talibans m’a poussé à revenir sur ce dossier consacré aux guerres en Afghanistan. Vous pourrez trouver le premier article ici, à propos du film documentaire « Restrepo ».

Pour ce second article j’ai décidé de revenir dans les années 1980. Point de Talibans, mais des moudjahidin. Point de soldats de l’Oncle Sam, d’Occidentaux, mais des Soviétiques. Les événements qui ont suivi la prise de Kaboul par les Talibans il y a quelques jours ont permis de revoir les truismes les plus éculés : « Afghanistan, le Vietnam des Soviétiques devenu Vietnam bis des Américains ». « Kaboul, Saigon next gen ».

 

Le parallèle peut être intéressant même si une analyse plus fine des choses permet de mesurer de nombreuses différences, de nuancer certaines évidences, entre la guerre du Vietnam et celle menée par les Soviétiques[1]. Ceci posé, pour qui n’est pas un spécialiste, la comparaison fonctionne.

Pour reprendre ce schéma comparatif à mon compte, adapté de faits réels, le film de Fyodor Bondarchuk s’inscrit clairement dans la droite ligne des films hollywoodiens sur la guerre du Vietnam et, plus particulièrement ici, dans les pas du Full Metal Jacket de Stanley Kubrick.

 

 

 

Le sergent, ses hommes, pas de doute, tout le monde est là

Une écriture classiquement russe

La structure est plus que conventionnelle : l’entrainement, posant des personnages assez caricaturaux (homosexuel refoulé, l’artiste, sergent un peu tendu, le voyou au grand cœur, le vétéran qui est là mais qui n’y croit plus etc), avec les promesses d’une campagne à venir riche en aventures. Puis arrive la réalité amère et poussiéreuse du terrain et la plongée en enfer. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil et ce film impose en bonus ses codes très russes, qui peuvent irriter : un pathos écrasant, des séquences très étranges à l’image de cette jeune femme se donnant à la troupe. Pour qui n’est pas initié au cinéma russe, certains moments peuvent clairement paraître parfois ridicules. La séquence finale, épiquement brouillonne et violente clôture une descente aux enfers que tout le monde a vu venir depuis bien longtemps.

 

Un sujet correctement traité

Pour autant, le 9e escadron mérite qu’on lui accorde sa chance. Si le manichéisme n’est pas absent lorsqu’il s’agit de traiter des moudjahidin, il n’en reste pas moins que le réalisateur livre une copie qui reste assez neutre quant à l’intervention soviétique. Ce n’est pas un film de propagande ni une charge en règle contre cette guerre. Le propos est plus centré sur les hommes, ces jeunes, leur déshumanisation progressive dans un combat qu’ils ne comprennent pas nécessairement. L’actualité du film est d’ailleurs assez percutante, à l’image de la présentation des adversaires par un officier supérieur. On se demande parfois si certains décideurs occidentaux avaient bien compris où ils mettaient les pieds en 2001, au regard de l’expérience soviétique.

 

Le film se déroule en 1988, dans un contexte de fin de guerre, prélude à un désengagement sans gloire qui revient aujourd’hui tel un boomerang à travers les chaînes d’information en continue.

La photographie, de bonne facture, l’utilisation trop importante parfois des ralentis, mais c’est là un code qui revient très souvent dans les films de guerre russe récents, la mise à disposition d’un matériel conséquent, font de cette œuvre un moment intéressant à défaut d’être génial. La musique imprime son rythme de façon lourde parfois (là il faut pleurer, compris ?) mais, sincèrement, certaines séquences sont sublimes à l’image de celle mettant en scène l’arrivée des jeunes sur le théâtre d’opération et leur rencontre avec ce pays sublime.

 

 

Le 9e escadron permet ainsi d’appréhender un regard différent sur ces guerres afghanes, de mettre en perspectives les événements actuels. dans le temps long.

 

Bande annonce en VO

 

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Fiche technique

Art Pictures Group ; Société de production «Slovo» (Продюсерская компания « Слово ») ; la chaîne TV «1+1» Ukraine (Телеканал « 1+1 » Украина) / 2005 / 2h 6min / Guerre

Titre original 9 rota

Réalisateur : Fiodor Bondartchouk

Scénariste : Iouri Korotkov

Musique : Dato Evguenidze

Avec Arthur Smolianinov, Mikhaïl Efremov, Andreï Krasko

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Un prochain article permettra de découvrir une toute autre facette, fantasmée, de ce magnifique pays.

[1] Voir par exemple La guerre soviétique en Afghanistan de Philippe Sidos, Economica, 2016.