Les trois mousquetaires : D’Artagnan

 

Pour quoi aller au cinéma ? Les mousquetaires au cinéma, c’est un peu comme essayer de chercher de la nouveauté dans les quatre saisons de Vivaldi. On connait l’air et au mieux peut-on espérer quelques audaces instrumentales, des guitares électriques par exemple, pour espérer être finalement agréablement surpris. Les trois mousquetaires : D’Artagnan réussi ce pari là où je ne l’attendais pas forcément.

 

Les mousquetaires et le cinéma, une longue et décoiffante histoire

 

Le travail proposé par Martin Bourboulon et son équipe, dont  François Civil en D’Artagnan, Pio Marmaï, Vincent Cassel et Romain Duris (respectivement Porthos, Athos et Aramis) ou encore Eva Green (Milady), avait peu de chance de surprendre les spectateurs. Depuis Georges Méliès et la première adaptation (Les mousquetaires de la reine, 1903), chaque génération a eu son adaptation.

Milady fut une sorcière ninja capable d’affronter D’Artagnan en explosant les prouesses de Neo dans Matrix (Emmanuelle Béart en 2005). Ce dernier fut incarné par un chien beagle dans l’anime de Claudio Biern Boyd, coproduction hispano-japonaise des années 80. Mais il y eu aussi la version steampunk en 2011 de Paul W.S. Anderson, avec ses bateaux volants, celle de Luigi Capuano qui permit à Zorro de croiser le fer avec les mousquetaires (1963), les délires kung fu de Peter Hyams avec Catherine Deneuve et … Jean Pierre Castaldi bref, une foule d’adaptations en tous genres qu’il serait fastidieux de lister ici.

 

À la recherche de la surprise

 

Revenons-en au film de Martin Bourboulon et à notre question : pourquoi aller au cinéma ? Ayant eu la chance de voir ce film en avant première au Pathé de La Valette du Var (83) dans le cadre de notre partenariat avec l’agence Approches, ce fut l’occasion de pouvoir échanger avec l’équipe après la projection.

 

 

 

Comme il a pu le faire à de nombreuses reprises dans la presse et dans diverses interviews, le réalisateur a souhaité apporter sa contribution au retour des foules dans les salles obscures, en proposant un grand spectacle familial.

 

 

Cette approche basée sur les grands films d’aventure, les cascades, les costumes, les plans séquences d’action frénétique, cette envie de créer un groupe de comédiens unis et dévoués à ce projet, se ressentent aussi dans les diverses interventions de ces derniers.

 

Alors, pari tenu ?

 

Le film dure près de deux heures et le temps passe très vite. D’emblée nous savons qu’il s’agit d’un dyptique ; Milady est prévu pour le mois de décembre prochain. Très clairement la fin du premier acte nous laisse dans l’attente de connaître la suite, un petit peu comme à la fin du second opus de la première trilogie du Seigneur des Anneaux, lorsqu’on se demande ce qui va advenir de Saroumane. La bonne nouvelle est que, effectivement, j’ai vraiment envie de voir la suite.

 

Les trois mousquetaires : D’Artagnan était une promesse de grand film d’aventure, de capes et d’épée. On a pu parler d’une sorte de Cyrano de 2023, avec des accents de western ; il y a un peu de ceci, en effet. Des personnages crasseux traversant les plaines et les bois sur des chevaux. Des dialogues parfois d’un classicisme qui pourrait être désuet, mais qui est justement très heureux. Les scènes de nuit, les séquences d’action, les paysages sont autant de moments qui permettent de répondre à la question du pourquoi il faut aller au cinéma.

Martin Bourboulon propose une nouvelle adaptation qui s’épanouit pleinement sur grand écran. L’atmosphère générale du film offre l’occasion de communion entre les spectateurs, avec un humour qui touche, des tentatives de séduction assez drôles, jamais ridicules, simplement naïves. Aramis (Romain Duris) est très bon, à l’image d’un Porthos tout à fait jouissif (Pio Marmaï). Athos (Vincent Cassel) apporte ce qu’il faut de crépuscule, Milady (Eva Green) de charme vénéneux, mais non point vulgaire, permettant de retrouver les souvenirs émus de Mylène Demongeot. Quant à Louis XIII, campé par Louis Garrel, il apporte un véritable plus, volant la vedette à Richelieu (Éric Ruf). Lyna Khoudri offre à Constance de Bonacieux une très belle partition et un beau duo avec D’Artagnan (François Civil), enjoué et presque décalé. Quant à la reine, Anne d’Autriche, Vicky Krieps en propose une lecture tout à fait convaincante.

Même si le choix de plan-séquences peut rendre parfois certains combats moins lisibles, même si ces armes à feu ont une capacité quasi surnaturelle à fonctionner aussi bien que des colts du Far West, il n’en reste pas moins que ces détails sont peu de choses. La photographie est intéressante, c’est par exemple un bonheur de profiter d’éclairages à la bougie. Chose étrange, par moment la musique de Guillaume Roussel a de faux airs de Hans Zimmer, ce qui reste une excellente source d’inspiration.

Tous les défauts que l’on pourrait trouver sont cependant vite mis de côté car l’essentiel est assuré : passer un très bon moment dans une salle de cinéma, avec un film français, tourné en France. Dans ce théâtre obscur nous avons rit, nous avons aimé et profité d’un moment suspendu dans le marasme ambiant. C’était franchement drôle par moment ; c’était inattendu pour ma part. L’échange avec l’équipe a bien entendu aussi apporté sa pierre car tous ont été aimables et totalement convaincants quant à leur fierté d’avoir participé à ce beau projet.

 

De gauche à droite le producteur Dimitri Rassam, François Civil, Pio Marmaï, Lyna Khoudri et Romain Duris

 

Voyage au cœur de la France

 

Dès lors que l’on laisse de côté les héros et la trame générale, ce projet est aussi l’occasion d’un superbe voyage patrimonial. Les trois mousquetaires : D’Artagnan offre à la France une vitrine formidable. Le patrimoine est parfaitement mis en valeur et c’est un pur plaisir de saisir ces moments de boue, ces ombres sur les pierres, ce vent dans les branches, ces craquements de planches. Tourner en décors réels, en France, c’est un choix audacieux mais totalement réussi. Les costumes, indispensables dans ce genre de film, sont totalement adaptés et correspondent à l’idée que l’on peut se faire de l’époque.

Il n’est pas question de gâcher le plaisir et de dévoiler la structure narrative du film. Aventures familiales, humour, grand spectacle, intensité dramatique aussi au coin du feu, sont les clés de lectures que je propose pour convaincre d’aller dans les salles obscures. Très clairement ce film peut également être l’occasion d’une sortie avec des élèves de collège ou de lycée, dans le cadre d’un travail avec des collègues de lettres ou d’histoire. Le dossier pédagogique proposé par les équipes de l’agence Approche et que j’avais eu l’occasion de présenter ici, constitue une excellente base de travail.

Je profite d’ailleurs de l’occasion pour partager un travail qui a été porté à ma connaissance et que je trouve très bien fait. C’est sur Twitter, que je ne fréquente plus, mais ce thread mérite largement le détour pour explorer le vrai visage des mousquetaires.

https://twitter.com/historiae_sct/status/1643655123913125888?s=46&t=FmsSnwy5tARR1DSVtP7seg

 

Et maintenant dans les salles !

 

Les trois mousquetaires : D’Artagnan s’avère au final être une belle réussite, pleine de promesse pour la suite qui sortira en décembre prochain. L’ambition de réunir les spectateurs dans les salles obscures sera, je l’espère sincèrement, réussie. Il sera temps, plus tard, de retrouver cette œuvre sur des écrans plus petits, dans le confort de nos salons. Mais, en attendant, il ne faut pas bouder son plaisir et partager un moment de cohésion, entre amateurs de belles aventures.

 

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Fiche technique

France / 2023/ 2h01 min / Historique, aventure, action

Titre original : Les trois mousquetaires : D’Artagnan

Réalisateur : Martin Bourboulon

Scénaristes : Matthieu Delaporte, Alexandre de La Patellière d’après l’œuvre de Alexandre Dumas

Musique : Guillaume Roussel

Avec

Avec : Vincent Cassel, François Civil , Romain Duris, Eva Green, Lyna Khoudri, Pio Marmaï