Templiers – Tenue – De la recherche historique au costume de cinéma

L’auteure de cet article a été costumière dans le cinéma, avant d’envisager de rejoindre la corporation des professeurs d’histoire et de géographie. Le terme de corporation a été choisi à dessein afin de rappeler l’organisation des métiers au Moyen Âge. Au-delà de ce clin d’œil on appréciera dans le dossier que Mélanie a pu constituer pendant sa première activité l’exigence de précision qui s’impose dès lors que l’on aborde le genre particulier du film en costume, et de façon plus générale la reconstitution historique. Les fantaisies hollywoodiennes sont bien connues dans les films du début de la première moitié du XXe siècle, et on se souvient de certaines cuirasses romaines dans les péplums qui devaient beaucoup à l’imagination des costumiers du moment, davantage qu’à l’austérité qu’une tenue de guerre pouvait imposer.

Rien à voir ici puisque l’élaboration de ces costumes a été dictée par les textes mêmes de la règle des Templiers, ces moines soldats qui ont pu pendant un temps constituer un État dans l’État, notamment dans le royaume de France, avant que Philippe le Bel n’y mette bon ordre avec sa rugosité particulière. Alors si nous publions ce texte dans Clio ciné, c’est aussi pour montrer que nous ne limitons pas notre propos à des présentations d’exploitation pédagogique sur les films, ou à des coups de cœur, voire des coups de gueule, sur des séries ou des documentaires. L’histoire entretient une relation particulière avec le cinéma, comme source d’inspiration bien entendu, mais également comme débouché professionnel. Il n’est pas rare de voir mentionner au générique le patronyme du conseiller historique qui a accompagné l’écriture du scénario. Et si les costumières et les costumiers sont toujours cités au générique, on ne mesure pas forcément le travail de reconstitution historique qu’ils ont été amenés à réaliser. Ce texte leur rend justice, et peut-être pourra-t-il inspirer de jeunes lecteurs, mais aussi de moins jeunes, pour prendre en compte cette dimension essentielle du cinéma, lorsque la caméra explore le temps, mais lorsque son objectif éclaire aussi le présent.

Bruno Modica

Templiers – Tenue – La Règle

La tenue  des Templiers comprend deux capes, une en lin et l’autre en laine écrue, une cotte d’arme ainsi qu’un bliaud. L’ensemble est marqué d’une croix pâtée rouge.

Les photographies suivantes proposent des reconstitutions de tenues de templiers sous différents angles, permettant d’apprécier les diverses pièces du costume.

costume du Moyen Âge

costume du Moyen Âge

    costume du Moyen Âge

Les articles qui suivent et évoquent le costume du Templier, sont extraits de la Règle du Temple.

27 – Nous demandons que toutes les robes des frères soient teintes d’une même couleur, à savoir blanche, noire ou de bure, et nous octroyons le manteau blanc à tous les frères chevaliers, en hiver comme en été. A nul autre, qui n’est pas chevalier du Christ, il n’est pas permis de porter le blanc manteau. Et que ceux qui ont abandonné la vie ténébreuse du monde, à l’exemple de ces robes blanches, puissent se reconnaître comme réconciliés avec le Créateur, ce qui signifie que la blancheur sanctionne la chasteté. La chasteté est la sûreté du courage et la santé du corps, car si un frère ne promet pas la chasteté, il ne peut venir au repos éternel, ni voir Dieu, comme le dit l’apôtre : Pacem sectamini cum omnibus et castimoniam sine qua nemo Deum videbit, ce qui veut dire : recherchez la paix avec tous gardez la chasteté sans laquelle personne ne peut voir Dieu.

29 – Mais ces robes doivent être sans superflu et sans orgueil. Et si nous avons décidé qu’aucun frère n’ait de fourrure, ni de pelisse à sa robe, ni autre chose qui appartienne à l’usage du corps, ni même une couverture, nous autorisons celles d’agneau ou de mouton. De toute manière, nous ordonnons à tous que chacun ne puisse se vêtir ou se dévêtir, se chausser ou se déchausser comme bon lui semble. Et le drapier, ou celui qui tient la place, se doit de pourvoir et de penser en avoir le don de Dieu en toute chose comme il est dit que les yeux des envieux et des mauvais ne puisse noter quelque chose sur les robes qui sont données ; qu’elles ne soient ni trop longues, ni trop courtes, mais qu’elles soient à la mesure de ceux qui doivent en user. Le drapier ou celui qui tient sa place doit les répartir suivant les besoins de chacun.

30 – Et si un frère, par un mouvement d’orgueil ou par présomption de courage, veut avoir, comme une chose qui lui est due, la plus belle ou la meilleure qu’il lui soit donné la plus vile. Ceux qui reçoivent des robes neuves doivent rendre les vieilles pour les donner aux écuyers et aux sergents mais le plus souvent aux pauvres selon ce qui semblera meilleur à celui qui tient cet office.

31 – Nous demandons que chacun ait des robes et le nécessaire pour le lit suivant la prévoyance du maître. Nous entendons que cela suffise à chacun après le sac, le coussin et la couverture. A celui à qui il faudra en plus nous autorisons une carpite et ne tout temps, il pourra user d’une couverture de linge, c’est-à-dire en peluche de fil. Et, en tout temps, les frères seront vêtus de chemises et de braies, de chausses et de ceintures : dans le lieu où ils dormiront, qu’il y ait une lumière jusqu’au matin. Le drapier doit donner aux frère des habits bien taillés afin qu’ils puissent avoir bon aspect devant et derrière. De cette manière nous ordonnons fermement qu’ils aient la barbe et la moustache sans qu’aucune superfluité de vice ne puisse être notée en leur tenue.

32 – Nous défendons les becs et les lacets de souliers et nous défendons que quelqu’un en ait. Et a tous ceux qui servent la maison à temps, nous ne l’octroyons pas non plus et nous contredisons de toute façon qu’ils aient des souliers avec des becs et des lacets, car cette chose est connue pour être abominable et réservée aux païens. Qu’ils n’aient pas non plus de choses superflues dans les cheveux et les robes : car ceux qui servent le Souverain Créateur doivent nécessairement être nés dans les hors la garantie de Dieu qui dit : Estote mundi quia ego mundus sum, c’est-à-dire « soit net comme je suis net ».

138 – Les frères chevaliers du couvent doivent avoir chacun trois bêtes et un écuyer et la quatrième et le second ecuyer, s’ils ont sont à la discrétion du maître ; et ils doivent avoir pour leurs bêtes la ration commune d’orge, l’haubert, les chauces de fer, le heaume, le chapeau de fer, l’épée, l’écu, la lance, la masse turque le jupon d’arme, les espalière, les souliers d’armes, trois couteaux, un d’arme l’autre pour couper le pain et un canif ; et ils peuvent avoir des couvertures de chevaux, et deux chemises et deux braies et deux paires de chausses et une petite ceinture qu’ils doivent mettre sur leur chemise. Ainsi ils doivent se coucher les frères du Temple, sauf quand ils sont malades à l’hôpital ; et ils doivent le faire par congé. Et ils doivent avoir un jupon giron devant et derrière et une pelisse couverte et deux manteau blanc, l’un à pan et l’autre sans pan ; mais celui à pan doit être rendu en été et le drapier peut bien le laisser pour leur besoin.

139 – Il doit avoir une chape, une cotte, une courroie de cuir pour ceinture, un sac pour mettre la paille, un linceul et une étamine ou ce que le drapier voudra lui donner une carpite si on lui donne pour couvrir son lit ou un haubert quand il chevauche mais la carpite doit être blanche, ou noire, ou rayée et deux petits sacs, un pour mettre la robe de lit l’autre pour les jupons d’arme et les espalières, et un sac de cuir ou un sac de mailles de fer pour mettre le haubert : et s’il a l’un il ne peut avoir l’autre.

680 – Ecoutez comment vous devez dormir : vous devez tous les jours dormir en chemise et en braies et en chausses de drap et ceint d’une petite ceinture ; et vous devez avoir en votre lit draps à savoir un sac pour mettre la paille et deux linceuls et au lieu d’un linceul vous pouvez avoir une étamine si le drapier veut vous la donner ; la carpite est donnée par grâce si vous trouvez qu’il vous la donne. De la robe de vêtir vous ne devez avoir plus que celle que le drapier vous donnera et si vous l’achetez grande justice en sera prise.

Templiers – tenue – Conception et réalisation

Conception

La conception du costume s’étudie à partir d’éléments trouvés dans la Règle et des vêtements conservés de cette époque, dont la chemise de Saint Louis qui fait partie du trésor de Notre-Dame-de-Paris et le costume de Sainte Claire conservé au proto-monastère de Sainte Claire d’Assise, comprenant une robe et une chemise.

Ces deux vêtements permettent une approche des points réalisés à l’époque et donc une reconstitution plus fidèle du vêtement médiéval quel que soit le personnage reconstitué.

Tenue Templiers
La chemise de Saint Louis

L’ensemble montre une grande amplitude des vêtements donné par l’ajout de godets sous les bras et au niveau inférieur du vêtement. La chemise de Saint Louis qui a d’ailleurs pu être étudié par une couturière offre de nombreuses informations.

Tenue Templiers
Le costume de Sainte Claire d’Assise

Le vêtement de Sainte Claire propose en outre des broderies visant à sécuriser les parties fragiles/ Mais cela n’a pas été pris en compte ici puisque le vêtement d’un templier doit selon la règle rester semblable à celui de ses frères pour que celui qui le porte ne puisse s’en enorgueillir.

Le costume est réalisé en lin et en laine, pour plus d’historicité il est de plus entendu que l’intégralité des coutures est réalisée à la main avec des fils de lin. La cordelette permettant de fermer les deux capes est quant à elle réalisée dans une cordelière à la main avec un fil de laine filé à la mainr.


Réalisation

Conformément à ces deux exemples le costume a donc été réalisé suivant les techniques de l’époque à savoir que l’intégralité des coutures a été retournée. Cette technique permet de dissimuler au regard l’ensemble des zones de couture et de préserver le vêtement d’une usure prématurée en protégeant le tissu de l’effilochage. L’ensemble des ourlets est réalisé suivant une technique de point invisible, l’avantage de ce procédé est double puisque outre le confort esthétique de ce point il est résistant aux mouvements puisque les fils sont dissimulés entre deux couches de tissu.

Les godets de la robe conventuelle ont été froncés à leur origine et sécurisé par un point chinois consistant au rajout d’une bande de tissu pour consolider l’ensemble de la zone qui est à l’usage la plus menacée. Autre couture fragile l’amigaut est consolidé par un point de feston qui est le point servant également à la réalisation des œillets des capes. Les manches sont affinées à partir du coude pour s’ajuster au mieux au poignet comme il est de coutumes à l’époque.

Les capes sont fermées par deux cordelettes de laine filées à la main par nos soins respectant la charte de couleur et tissées grâce à la technique du fingerloops qui donne des cordelettes souples mais solides.

L’ensemble des croix faites de laines rouge vermeil ont été appliquées sur les tissus par des points de festons grâce à des fil tirés de cette même laine, évitant ainsi des démarcations de couleurs trop importantes.

Pour aller plus loin: