Le début des années 30 en France, vu à travers l’affaire Stavisky.

Problématique : En quoi l’affaire Stavisky est-elle révélatrice du climat social et politique de la France du début des années 30 ?

Sont projetées les premières minutes du film d’A. Resnais.

QUESTIONS

  1. Expliquez qui est Stavisky grâce à votre livre et au document 1, et dites dans quel contexte s’inscrivent les événements qui entourent ce personnage (page 100, 102, 5 page 104).
  2. Quel accueil la République française réserve-t-elle à Trotsky, exilé d’URSS ? Pour quelles raisons ?
  3. Quelles informations sur la personnalité et le caractère de Stavisky le réalisateur nous donne-t-il, dès le début de son film ? Justifiez en étant attentif à ses réflexions et à ses attitudes.
  4. Il est fait allusion au contexte politique de la France en 1933 : qu’est-ce que le Cartel des Gauches ? (1 page 98) Qui dirige le pays ? (3 page 99). D’après les échanges entre le baron et Stavisky, quels types d’idées circulent en France à cette époque ? Justifiez. Qui entretient un climat politique aussi violent ?
  5. Dès le début du film, Resnais annonce symboliquement le destin tragique de son personnage principal : par quel moyen ?
  6. Qu’est-ce qui peut, selon vous, justifier que le réalisateur ait choisi dès le début de son film de mettre en rapport l’arrivée de Trotsky en France et le personnage de Stavisky ?

Correction

  1. Stavisky est un israélite né en Ukraine qui spécule et réalise des transactions financières frauduleuses. Il a vendu des bons du Crédit municipal de Bayonne gagés sur des bijoux volés ou faux. En janvier 1934, il est retrouvé mort à Chamonix, sans doute s’est-il suicidé. Mais cette affaire prend une dimension politique car il a bénéficié de l’appui d’hommes politiques, notamment des radicaux qui sont au pouvoir en 1933. L’opinion publique ne croit pas au suicide.
    A cette époque, la France traverse une période de difficultés très importantes : crise économique, montée du chômage, qui fragilise la démocratie. De plus, des scandales financiers éclatent, ce qui contribue à accentuer cette fragilité.

  2. La France réserve un accueil très discret à Trotsky : elle ne veut pas faire de publicité sur cet événement. Chassé par l’URSS et poursuivi par Staline, la République lui offre un droit d’asile. Cependant, elle craint l’agitation que pourrait entraîner l’arrivée d’un des protagonistes de la Révolution bolchévique. Elle s’efforce donc de ne pas faire de la publicité autour de cet événement, alors qu’elle accueille pourtant un grand personnage historique comme le souligne la remarque d’un personnage. Ce dernier déclare symboliquement : « une page d’histoire est tournée ». A la fin du film, un autre court passage montrera que la République française expulse Trotsky du territoire (alors que son départ n’a lieu qu’en 1935). L’autre raison c’est que Trotsky est poursuivi par les agents soviétiques aux ordres de Staline : il faut donc garder secrets ses déplacements (meurt assassiné en 1940 au Mexique).
  3. Les traits de caractère de Stavisky : convaincu que tout s’achète les hommes, les femmes… C’est une allusion à la corruption de la police (entretien avec l’inspecteur au début du film), des sociétés bancaires et des hommes politiques (scène de la signature des chèques ou scène avec les corbeilles de fleurs offertes à la jeune femme) ; séducteur (informations sur Arlette, sa dame de cœur ; le regard sur la femme assise dans le hall de l’hôtel et les fleurs qu’il lui offre) ; magouilleur qui manipule avec une aisance stupéfiante l’argent (offre 6 corbeilles de fleurs à une inconnue, se présente sur sa carte de visite comme « conseiller financier », signe un nombre impressionnant de chèques d’un montant exorbitant, paraît se lancer dans des transactions peu scrupuleuses : « 50.000 à la Foncière, 25.000 pour Béricourt dans une enveloppe… ») ; fasciné par l’argent (regard qui se porte sur le collier de la femme) ; gêné par ses origines juives (jeu des regards lors des déclarations du Baron) ; opportuniste (« je ne fréquente pas les radicaux-socialistes, je fréquente le pouvoir », « si vos amis gagnent les prochaines législatives, on ne boira plus que du champagne Taittinger à mes réceptions »)…
  4. Le cartel des gauches, c’est l’alliance, la coalition des forces politiques de gauche qui ont remporté les élections législatives de 1932 : il s’agit des socialistes de la SFIO, des radicaux et des divers gauches… Cette coalition est très fragile : aucun parti n’a à lui seul la majorité absolue. Il en résulte une grande instabilité politique : les gouvernements tombent rapidement, d’autant plus que leurs mesures pour enrayer la crise sont inefficaces. En juillet 1933, Daladier, un homme modéré de gauche, dirige le gouvernement.
    Deux types d’idées circulent : l’antirépublicanisme (« les présidents de conseil et les ministres les uns après les autres sont des guaques, des voyoux de passage, des saloperies… » ; l’antisémitisme (les réflexions du Baron sur Joseph Kessel et l’anecdote rapportée sur un industriel allemand qui s’est opposé symboliquement à la politique nazie en se convertissant au judaïsme : « un geste de sottise » (Hitler a pris le pouvoir en janvier 1933)). La presse polémique, notamment de droite, relaie ces idées violentes qui participent à envenimer le climat social et politique.

  5. On découvre l’hôtel Claridge par un travelling vertical de haut en bas sur la façade. Ce mouvement de caméra, qui symbolise la chute, la descente, est renforcé par les plans qui nous permettent de découvrir Stavisky en train de descendre dans un ascenseur. (Répétition de 3 plans qui contribuent à amplifier l’impression de descente).
  6. Les deux personnages sont tous les deux Ukrainiens et surtout des apatrides, chassés de leur pays. Ils ont également des origines juives. En mettant en parallèle ces deux destins, le réalisateur a sans doute voulu montrer la fragilité de la démocratie française qui est minée par la montée de l’antisémitisme, dont sont finalement victimes ces deux personnages qui connaissent un destin tragique. La démocratie française est malade.

—-

Document : l’histoire du film Stavisky… d’Alain Resnais

Sources : site Internet www.mcinema.com

STAVISKY… de Alain Resnais (1974), avec Jean-Paul Belmondo, François Périer, Anny Duperrey, Michael Lonsdale…

Lundi 24 juillet 1933. Trotsky, révolutionnaire bolchevique, fait une discrète arrivée à Cassis : il vient d’obtenir l’asile politique en France. À Paris, commence pour Serge-Alexandre, homme d’affaires joueur et séducteur, une semaine comme les autres, entièrement vouée à l’argent. À l’heure où son riche ami, le baron Raoul, vient l’attendre dans le hall de l’hôtel Claridge pour lui donner quelques détails sur le concours d’élégance qui a eu lieu la veille à Biarritz, et où Arlette, dame de cœur de Serge-Alexandre, s’est particulièrement distinguée. Seule ombre au tableau en cette journée du 24 juillet, l’enquête que prépare l’inspecteur Bonny, de la Sûreté, sur Serge-Alexandre, homme au passé chargé et qui, sept ans auparavant, a été condamné à deux ans de prison pour escroquerie. C’est l’inspecteur Boussaud, aujourd’hui plus qu’ami de Serge-Alexandre, qui avait procédé à l’arrestation. Entre autres affaires, Serge-Alexandre dirige le théâtre de l’Empire. C’est là qu’il se rend avec le baron Raoul et qu’il s’offre un instant d’émotion en donnant la réplique à Erna, une comédienne fière de sa judéité, alors qu’il cherche à faire oublier la sienne. Eu fin d’après-midi, Borelli, son homme de confiance, après lui avoir rappelé que ses entreprises étaient déficitaires, cherche à le mettre en garde sur les dangers courus avec cette nouvelle escroquerie, récemment mise en œuvre : l’émission de faux bons de caisses au crédit municipal de Bayonne. C’est avec ce scandale que prendra fin la carrière aventureuse de Serge-Alexandre, retrouvé mort dans un chalet de montagne.

Présenté au festival de Cannes, en 1974, ce film n’eut pas de succès escompté, du moins auprès de la critique française. La critique étrangère, surtout anglo-saxonne, fut plus sensible à cette rêverie, alors que du côté français on s’attendait à une minutieuse reconstitution historico-politique, autour de l’étrange personnalité de l’homme qui faillit faire basculer la Troisième République dans la guerre civile. Manque à ce film une scène courte mais d’importance qui devait nous faire pénétrer au Musée Grévin, lieu où Resnais, enfant, avait vu la statue de cire du célèbre escroc.