ETUDE DE CAS : Le régime fasciste vu à travers le cinéma italien des années 70

RESUME DES FILMS

Extrait 1 : 1900 (NOVECENTO) de Bernardo Bertolucci
Film de 1976, avec Burt Lancaster, Robert De Niro, Dominique Sanda, Laura Betti, Gérard Depardieu, …

Deux enfants naissent au cours de l’été 1900, en Émilie, sur les terres Berlinghieri. Le premier, Alfredo, est le petit-fils du patriarche-propriétaire. Le second, Olmo, est celui du patriarche-métayer Leo Dalco. À la mort de leurs grands-pères respectifs (disparition symbolique qui annonce aussi celle d’une époque quasi féodale) et à l’aube d’une ère nouvelle (les ligues d’ouvriers agricoles et le socialisme), ils vont suivre de pair les bouleversements du vingtième siècle, tout à la fois unis et séparés par leurs origines, leurs haines et leurs amours. Olmo Dalco à son retour de la Grande Guerre, en 1918, voit ainsi l’invasion progressive des machines et fait face avec sa future femme, l’institutrice Anita Foschi aux Gardes Royaux qui chassent une main d’œuvre traditionnellement spoliée. Alfredo Berlinghieri, de son côté, tombe sous le charme de la citadine Ada Paulhan et l’épouse en 1922 après avoir hérité du domaine familial. L’incendie criminel d’une Maison du Peuple, perpétré par les hommes de main du contremaître Attila, annonce, parallèlement, l’inexorable montée de la menace fasciste…

L’extrait se situe à la fin de la première partie de ce film, après l’incendie de la maison du Peuple et l’enterrement des hommes morts sous la main des fascistes. La manifestation est surveillée par les Gardes Royaux italiens.

Extrait 2 : AMARCORD de Federico Fellini

Film de 1973 avec Bruno Zanin, Pupella Maggio, Armando Brancia, …

Un bourg italien près de la mer à l’ heure du fascisme triomphant (années trente). Au gré des petits et grands événements qui scandent le retour des saisons, la vie provinciale s’écoule inexorablement. Le « corso » (rue principale) est le rendez-vous d’une population installée dans ses douillettes habitudes. Les notables pontifient, les braves gens déambulent, les enfants traînassent, cherchant des victimes pour leurs blagues innocentes.. L’un de ces enfants, Titta, va connaître, en l’espace d’une année, une série d’expériences tour à tour drôles, savoureuses et poignantes.
Amarcord (« je me souviens », dans le patois de Rimini) présente une série de petites histoires inspirées de l’enfance de Fellini. Dans l’extrait, il reconstitue de manière très personnelle une manifestation fasciste…

Extraits 3 et 4 : UNE JOURNEE PARTICULIERE (UNA GIORNATA PARTICOLARE) de Ettore Scola

Film de 1977 avec Sophia Loren, Marcello Mastroianni, John Vernon, …

À l’aube d’une journée de printemps, la cour déserte d’un grand immeuble populaire. Au sixième étage de l’escalier D, une femme en robe de chambre s’essouffle à courir de ses six enfants à son mari. Antonietta regarde ses héros, dans leurs tenues impeccables, traverser la cour maintenant remplie par tous les locataires : fils de la louve jeunesses italiennes, chemises noires… Nous sommes le 6 mai 1938 et Rome célèbre Hitler. Dans l’immeuble désormais déserté Antonietta, épouse et mère se sent envahie par une impression de fatigue et de libération. En face, escalier B, un homme, Gabriele, speaker, renvoyé de la radio nationale pour homosexualité. Il suffira que le mainate d’Antonietta s’envole pour que ces deux êtres se rencontrent. Et tandis que la concierge, qui les espionne, fait retentir dans la cour la radio qui relate les fastes de cette journée historique, Antonietta et Gabriele, les deux exclus, vont se parler, se confier l’un à l’autre.

Le premier extrait, au début du film, présente le lever de l’ensemble de la famille d’Antonietta. Le second est une discussion entre cette dernière et Gabriele qui ont fait connaissance lors de cette journée particulière.

QUESTIONS

PRESENTATION GENERALE DES DOCUMENTS

Complétez le tableau suivant à l’aide de la présentation des extraits ci-dessus.

|Extraits|Quelle période du fascisme nous est montrée ?| Quel est le style de la mise en scène ?|Quel est le point de vue du réalisateur par rapport au fascisme ?|Quelle est son intention ?|
|Extrait 1| | | | |
|Extrait 2| | | | |
|Extrait 3| | | | |

ANALYSE DETAILLEE DES EXTRAITS

– Extrait 1

  1. quel est l’ennemi politique des fascistes ? Enumérez les éléments (visuels et sonores) qui vous ont permis de l’identifier.
  2. montrez comment B. Bertolucci oppose dans cet extrait les deux groupes politiques rivaux.
  3. expliquez la réaction d’Anita : « C’est fini. »

– Extrait 2 : quels objectifs le régime fasciste poursuit-il à travers l’organisation de telles manifestations ?

– Extrait 3 : dites comment E. Scola a mis en valeur l’influence qu’exerce le régime fasciste sur le comportement de chaque membre de cette famille.

– Extrait 4 : commentez les propos d’Antonietta relatifs à son évanouissement à la simple vue du Duce.

MISE EN RELATION DES EXTRAITS

  1. A travers les extraits 3 et 4 , définissez le statut de la femme italienne dans le régime fasciste.
  2. D’après l’ensemble des extraits, énumérez les différentes valeurs que défend le régime fasciste italien (donnez des exemples précis).
  3. D’après l’ensemble des extraits, énumérez tous les moyens utilisés pour souder le peuple italien derrière le régime et derrière son chef.

Correction

PRESENTATION GENERALE DES DOCUMENTS

|Extraits|Quelle période du fascisme nous est montrée ?| Quel est le style de la mise en scène ?|Quel est le point de vue du réalisateur par rapport au fascisme ? Quelle est son intention ?|
|Extrait 1|L’apparition des fascistes, début des années 20|Style très réaliste, très « cru »|Discours politique : dénoncer le fascisme, insister sur la violence qu’il porte en lui (magnifier le communisme : Bertolucci est communiste)|
|Extrait 2|Le fascisme des années 30|Burlesque|Se moquer du fascisme et de ses mises en scène tout en montrant le faste de ces cérémonies (parodie d’un mariage)|
|Extrait 3|Le fascisme en 1938|Réaliste, reconstitution minutieuse|Discours politique : montrer le fonctionnement et l’influence du fascisme y compris au quotidien |

ANALYSE DETAILLEE DES EXTRAITS

– L’ennemi politique des fascistes est le communisme : l’Internationale jouée par la fanfare. Les drapeaux rouges avec l’étoile, symbole du parti communiste italien, les foulards rouges…

– Bertolucci insiste sur le nombre très important des communistes et sur leur unité. Il ne les filme qu’en plan d’ensemble, à l’exception du plan sur Olmo et Anita. Au contraire, les fascistes ne sont qu’une minorité de bourgeois oisifs filmés de manière isolée. Ils se rassemblent, derrière un chef, Attila. Ils ont besoin d’être dirigés. La porte qui se referme symbolise l’affrontement entre deux mondes, deux idéologies : le monde de la fraternité et de la solidarité, le monde de la violence et de la cruauté.

– La phrase d’Anita est une anticipation : elle comprend que malgré son unité le communisme ne gagnera pas car il n’est pas soutenu par le pouvoir en place (plan sur les gardes royaux passifs) qui ne réprime pas les coups de force fascistes.

– Les objectifs sont l’unité de la jeunesse derrière un chef, le sens de la discipline et la volonté de transformer les jeunes en soldats (fusils).

– On retrouve à plusieurs niveaux l’enrolement de la société au profit de l’idéologie fasciste :

  1. gymnastique du père (militarisation de la société)
  2. chanson patriotique chantée par l’un des fils (embrigadement de la jeunesse)
  3. importance de l’habillement qui tourne pour tous à l’obsession : chemises noires, l’importance de l’uniforme qui doit être identique au détail près : le pompon, le drap… (militarisation de la société).
  4. le maquillage d’une des filles, volonté de se faire belle pour le Duce, nécessité de plaire (culte du chef).

– On sent toute la fascination ressentie par la femme italienne pour le Duce. C’est le culte du chef, objet d’une véritable vénération. On lui attribue des pouvoirs quasi magiques : à sa seule vue, la femme s’évanouit. Il a aussi des pouvoirs divins : il paraît être le propre géniteur du fils d’Antonietta.

MISE EN RELATION DES EXTRAITS

– La femme est d’abord une mère : elle doit assurer la descendance, notamment pour que l’Italie ait de futurs soldats (cf les 6 enfants d’Antonietta). Elle doit être attachée à son foyer et elle est entièrement soumise à son mari (qui peut l’humilier : allusion à son infidélité, s’eeuye les mains sur sa robe). On ne lui reconnaît aucun rôle dans la direction des affaires, donc aucun rôle politique car elle n’a aucun génie, aucun talent contrairement à l’homme.

– Les différentes valeurs :

  1. la défense de la culture italienne : condamnation du vocabulaire étranger, chanson patriotique : on retrouve le nationalisme.
  2. la définition d’un homme nouveau : fort (gymnastique, apologie de la violence par Attila, parade militaire : « jeunesse de roc »…), viril (le fils qui se fait des moustaches, la remarque d’Attila, photographie de la femme nue), discipliné (le mari est soldat,…) et qui doit avoir des qualités physiques (le fils d’Antonietta jugé trop gros).
  3. l’obéissance à une autorité : celle de Mussoloni (extrait 2) mais aussi celle du chef fasciste (Attila) ou celle du mari (extraits 3 et 4). Importance des valeurs patriarcalesqui se reproduisent à l’échelle du pouvoir, du parti fasciste et de la famille : hiérarchie particulièrement présente et sévère.
  4. le culte du chef : adoration pour celui qui conduit, dirige le pays.

– Les moyens :

  1. la propagande : de manière très imposante dans les cérémonies officielles organisées par le régime, elle peut être plus subtile : le diplôme fasciste en faveur de la vaccination, le poids de la radio qui retransmet le défilé.
  2. les cérémonies, les grandes manifestations.
  3. les organisations de jeunesse évoquées dans les extraits 2, 3 et 4.
  4. la répression et la violence physique et psychologique à l’égard des opposants : les communistes, Gabriele.