Hier, le 23 décembre 2021, TF1 diffusait les trois premières épisodes d’une nouvelle série allemande consacrée à l’impératrice Elisabeth d’Autriche (1837-1898), dite « Sissi », avec Dominique Devenport dans le rôle-titre. Voici mon retour sur l’épisode 3, diffusé sur la tranche des glorieux survivants de 23h00.

Résumé de l’épisode 3

« C’est le moment où les truites passent à la casserole », avait délicatement prévenu Hélène.

À la fin de l’épisode 2, nous avions abandonné une Sissi inquiète dans sa chambre à l’approche de sa nuit de noces. « C’est le moment où les truites passent à la casserole », avait délicatement prévenu sa charmante sœur Hélène. Le mari finit par arriver dans la place, se déshabille mécaniquement comme au dortoir des officiers et attend, tranquillement dans le lit, une Sissi encore saisie au milieu de la place. Vous l’aurez deviné, cela ne se passe pas très bien, ou plutôt cela ne se passe pas, puisque même après avoir chassé la foule qui épiait bruyamment derrière la porte, François-Joseph, nu comme un ver, choisit la chasteté.

Au petit matin donc, Sissi se réveille aux côtés d’un époux, déjà habillé, qui la prévient que la journée sera difficile avant de la laisser là. Effectivement. Après un lent et protocolaire habillage, la journée passe en une succession d’obligations officielles, une cérémonie d’hommage et d’au revoir à chacun des invités du mariage. L’ambiance est aussi gaie que pendant les adieux de Napoléon Ier à Fontainebleau en 1814. Sissi s’effondre.

Entre-temps, la petite prostituée qui avait tout abandonné pour suivre son impératrice, sous le costume improbable d’une comtesse allemande, a été démasquée et chassée. À la rue, abandonnée de tous, elle échappe à un viol.

Le voyage de noces commence à Laxenbourg.  Mais la politique reprend ses droits. L’empereur doit rentrer précipitamment à Vienne pour relever les troupes qui viennent d’obtenir le départ des Russes des frontières danubiennes. À la cérémonie, les choses ne se passent pas comme prévu. Les hommes sont visiblement mécontents. L’empereur s’agace et décide de sanctionner le baron Grünne, son aide-de-camp, avant que Sissi ne s’interpose.

De retour à Laxenbourg, l’empereur est mécontent de cette intervention et le fait savoir à sa femme. Il admet au passage ne pas avoir confiance dans les maigres ressources de sa femme pour supporter la cadence des charges impériales, notamment la fameuse présentation à la noblesse. Il part dans sa chambre, fumer de l’opium et se détendre avec une maîtresse.

Arrivée de Sissi à Vienne pour la cérémonie de présentation de la noblesse.

Le lendemain, l’ambiance à la table du petit-déjeuner, avec la belle-mère au milieu qui a décidé de passer, n’est guère au beau fixe. François-Joseph s’en retourne à Vienne pour préparer la prochaine cérémonie. Il redoute un esclandre avec la députation hongroise. De son côté, Sissi réagit et entre deux séances de coiffure apprend les noms de tous les futurs représentants de la noblesse.  À son retour à Vienne, alors qu’elle descend de carrosse et qu’elle s’apprête à être accueillie par un François-Joseph encore mécontent, elle décide d’improviser un bain de foule avec les Viennois. La cérémonie de présentation est aussi une réussite. La députation hongroise obtient au passage une amnistie.

Forte de ses succès, l’impératrice est enfin prête pour passer sa première vraie nuit avec l’empereur.

Éloge de la lenteur et de l’anecdotique

Consacrer un épisode aux trois jours qui suivent le mariage, avec un contenu narratif aussi pauvre, relève encore une fois toute la légèreté des choix du réalisateur. La direction du film, dont j’ai déjà dit combien le mot d’ordre dans ses déclarations à la presse était de défendre une approche « réaliste » de l’histoire, a une nouvelle fois privilégié le pastiche, l’anecdotique et son sens aigu du pessimisme pour y délivrer un message à la fois banal et invraisemblable. Par exemple, la scène de l’habillage de l’impératrice est une reprise laborieuse d’une scène similaire du Marie Antoinette de Sofia Coppola. De même que le fameux bain de foule est une sorte de classique de la Dianamania.

Lors de la cérémonie de présentation, je n’ai pas compris pourquoi Sissi s’était fatiguée à retenir une liste de noms et de titres alors qu’un huissier annonçait justement tout cela à chaque passage devant elle. Je n’ai pas non plus compris pourquoi l’intervention de l’impératrice pour briser la glace avec la députation hongroise au début avait été jugée si adroite. Je me suis demandée s’il n’était pas prévu qu’elle s’exprime en hongrois et que, du fait de je-ne-sais-quel-couac, tout a été doublé en français sans vraiment préciser la chose au spectateur.

Quelle fiabilité historique ?

D’un point de vue historique, tout le passage sur la prétendue victoire aux frontières est inventé. Quand François-Joseph s’absente la première fois de Laxenbourg, c’est pour aller à la chasse au coq de bruyère début mai…

De même, l’entêtement de Sissi à vouloir être une impératrice impliquée est démenti par les faits. Durant ces fameux premiers jours, Sissi n’est pas combative ; au contraire, elle est en proie à la nostalgie et à un début de dépression. Quand elle se ressaisit, c’est pour vivre comme elle en a l’habitude, sans contrainte. Ainsi, il n’y a pas eu de bain de foule à dessein politique comme suggéré dans la série, mais plutôt une sortie personnelle dans les magasins à Vienne qui a provoqué un tumulte. Ce n’est pas pareil. De ce point de vue, Marischka au début de Sissi Impératrice (1956), avec la sortie chez les antiquaires, est plus fidèle à la réalité. En fait, de l’aveu de l’acteur Jannik Schümann, le but est de « donner à cette histoire un nouveau souffle du XXIe siècle et d’aborder d’autres sujets, comme l’émancipation et l’autonomisation des femmes. C’est bien pour la génération actuelle de voir une Sissi forte et moderne ». Donc, si elle n’est ni forte, ni moderne, ce n’est pas gênant de faire du révisionnisme ?

Heureusement, le sens du vraisemblable n’étant pas le point fort de l’adaptation, à chaque fois qu’il y a une sortie de route, la ficelle est tellement grosse que personne ne peut la manquer. Pensons par exemple à cette scène où Sissi fait irruption à cheval à la cérémonie militaire. Est-ce crédible une impératrice qui fait la route à cheval toute seule avec sa crinoline et ses perles avant de crier dans une cour militaire ? Mes respects au cheval, animal qui avait déjà subi un égorgement dans l’épisode 1.

L’abaissement de François-Joseph

Pour promouvoir Sissi, le réalisateur choisit d’abaisser François-Joseph.

L’empereur perd patience et son aide de camp l’arrête.

Déjà dans les épisodes précédents, quelques comportements avaient de quoi préoccuper : des crises de colère, une faible résistance à la frustration, voire du sadisme. L’épisode 3 creuse le sillon. Les réprimandes de François-Joseph sont cruelles et même violentes physiquement face à Sissi. La décision de bastonner le pauvre aide-de-camp pour avoir mal dirigé la cérémonie ne semble justifiée que par le besoin de trouver un bouc-émissaire. Passons également sur l’adultère dès le deuxième soir, sous la fumée de l’opium.

Que François-Joseph soit un homme habitué à la vie militaire, un homme rugueux dans les rapports de travail, un homme d’action plus que de réflexion, quoique ses obligations l’aient transformé en homme de cabinet, c’est établi. Mais ce portrait de prince insensible au lendemain de ses noces n’est corroboré par rien. Au contraire, tout le monde a noté que, porté par l’enthousiasme du mariage, il prenait des décisions pleines de mansuétude.