Hier, le 23 décembre 2021, TF1 diffusait les trois premières épisodes d’une nouvelle série allemande consacrée à l’impératrice Elisabeth d’Autriche (1837-1898), dite « Sissi », avec Dominique Devenport dans le rôle-titre. Je vais m’intéresser maintenant à l’épisode 2.
Résumé de l’épisode 2
Nous voici revenus en Bavière. Sissi est fiancée et se prépare au mariage. Elle recherche activement une dame de compagnie qui pourrait l’accompagner à Vienne. Couverte de cadeaux par François-Joseph, elle subit les cours d’étiquette et d’apprentissage des langues pour, espère-t-on, rattraper son retard. Elle multiplie également les essayages pour constituer son trousseau. Lors d’une visite de son fiancé, manifestement impatient, elle reçoit un diadème.
À table le soir, la discussion tourne à l’orage entre l’empereur et le duc Maximilien. L’empereur part précipitamment. Sissi déprime, elle n’a pas pu lui remettre le cadeau qu’elle avait prévu, en l’occurrence une petite broderie. Elle décide de suivre le cortège et s’aperçoit qu’il est arrêté dans un bordel. Elle tente d’observer ce qui se passe à travers la fenêtre. Visiblement non satisfaite, elle décide d’aller questionner la prostituée qui vient de servir son fiancé.
Au plan politique, la Russie tente de forcer l’alliance avec l’Autriche et a déployé ses troupes aux frontières pour peser sur François-Joseph. L’empereur ne s’en laisse pas compter et décide de lui lancer un ultimatum. Ses conseillers sont inquiets, ils craignent l’isolement du pays et le réveil de tensions en Italie.
Sissi a décidé d’engager la prostituée comme dame de compagnie et lui trouve une fausse identité de comtesse.
La fin de l’épisode est consacrée au mariage et la dernière scène, à la préparation de la mariée pour sa nuit de noces.
Un épisode pour rien
Dans le film de 1955, cette partie était expédiée en moins d’un quart d’heure. Sven Bohse décide d’y consacrer une heure. Pourquoi ? On se le demande. Il aurait pu utiliser ce temps pour exposer davantage la situation politique, la place de l’Autriche dans l’échiquier européen, la présentation intérieure de l’empire, les difficultés présentes de François-Joseph, les défis à venir…
Mais non. Sur tout cela, on restera sur notre faim.
Les leçons de la future souveraine sont en pilotage automatique, totalement coupées des enjeux. On peut le comprendre dans la mesure où Sissi n’est pas destinée à jouer autre chose qu’un rôle protocolaire. La séquence de travail de l’empereur elle-même, qui aurait pu servir à mieux comprendre la question d’Orient, les rapports de force en présence, sert juste de prétexte pour appuyer l’autoritarisme de François-Joseph, qui décide en deux minutes et congédie ensuite tout le monde. « J’ai pris ma décision, laissez-moi ». Même le mariage, qui aurait été l’occasion d’exposer l’importance de l’Église catholique dans l’Empire d’Autriche, ne sert à rien d’autre qu’à faire remonter la mariée dans la nef. Une mariée qui d’ailleurs ne soutient pas la comparaison avec la version de Marischka.
Le seul piquant de l’épisode, par voie de conséquence, reste cette embauche de la prostituée comme dame de compagnie par la jeune Sissi, et cet accident du godemichet qui tombe des bagages à l’arrivée à Vienne, seul moment un peu drôle de toute la série. Oui je sais, c’est consternant.
Quelle fiabilité historique ?
Inutile de dire que tout le passage d’une Sissi épiant les bordels et s’instruisant auprès d’une prostituées n’est absolument pas attesté et qu’évidemment, il n’a jamais été question d’embaucher une prostituée comme dame de compagnie, laquelle dame de compagnie n’était d’ailleurs pas prévue ainsi. C’est l’archiduchesse Sophie qui avait la haute-main sur tout, à commencer par le choix des dames d’honneur. Le personnage de la comtesse Esterházy est en revanche lui tout à fait authentique.
L’incident de la couronne de Sissi qui s’accroche au ciel du carrosse et qui tombe à son arrivée à Vienne est cité dans la biographie de Brigitte Hamman. Jean Des Cars évoque autre chose. Lors de l’exposition du bijou à Schönbrunn, restauré à grands frais par l’empereur, la mantille d’une vieille tante s’accroche aux diamants, ce qui fait chuter l’objet, et effectivement, Sophie l’interpréta comme un mauvais présage. À dire vrai, c’est le genre d’incidents que l’on commente à chaque mariage princier et qui est ressorti quand les choses se gâtent.
Le mariage de 1854 intervient effectivement dans un contexte international plus lourd que prévu. La Russie cherche le soutien de l’Autriche, ne serait-ce qu’en remerciement pour son intervention de secours en Hongrie en 1848-1849. La Russie entend bien progresser aux dépens de l’empire ottoman et des protestations de Londres et Paris. De son côté, l’Autriche ne veut pas de cette alliance, comme signifié lors de la rencontre d’Olmütz en septembre 1853. L’Autriche ne souhaite pas davantage que la Russie progresse vers les Balkans et elle a elle-même des vues sur les principautés danubiennes de la Mer Noire (Moldavie, Valachie). La question d’Orient est alors LA question qui agite les puissances européennes. Le 27 mars, en gros un mois avant le mariage, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à la Russie. Précisons que la position autrichienne a reçu la bénédiction de Berlin, qu’on a pris garde de consulter. On aurait pu espérer que cette série fleuve, dans un épisode aussi ralenti que celui-ci, puissent fournir quelques scènes exploitables en classe. Ne rêvons pas…
Des choix artistiques un peu moins ratés
J’ai eu l’occasion de dire dans l’article sur l’épisode 1 tout le mal que je pense de la bande sonore. Je réédite ici la même critique. Aucun effort de fidélité historique encore dans cet épisode et l’emploi, assez pompier, de sonorités entendues dans de nombreuses séries télévisées. Si on aime les Carmina Burana à la sauce punk, c’est par ici. J’ai eu l’impression aussi de réentendre Era dans la bande originale des Visiteurs.
Pour les costumes, on n’a plus les invraisemblances observées dans l’épisode 1, c’est déjà mieux. Il y a même une certaine ressemblance entre la robe de mariée de Dominique Davenport et celle de la véritable impératrice. Bien entendu, on peut déplorer que la tendance à la sinistrose, observée déjà dans The Crown, aboutisse à des éclairages crépusculaires et à des diamants qui brillent moins qu’une agrafe à bois.
Pour les décors, on progresse, on progresse. Il y a plus de vues extérieures de la Hofburg et de Schönbrunn. Pour les intérieurs, le bureau de l’empereur est dans un lieu que je n’ai pas reconnu ; par contre la pièce de l’appartement de Sissi correspond au style général des appartements impériaux de la Hofburg, un damas rouge, des lambris crèmes avec dorures sur les moulures. Enfin, il y a ce magnifique escalier du château de Würtzbourg (classé au patrimoine mondial en 1981), avec ses plafonds de Tiepolo, que l’on aperçoit quelquefois.
Pour consulter la critique de l’épisode 3, c’est par ici…