La mer cruelle, un titre plus que limpide sur cette Bataille de l’Atlantique. Retour donc pour ce petit dossier avec cette fois-ci un film de niche, méconnu, introuvable, ou presque, pour une virée de bord vers la Royal Navy.

 

1940. La drôle de guerre bat son plein et un capitaine de la marine marchande se voit attribuer un commandement sur un escorteur. Ericson, seul véritable marin, va devoir former un équipage hétéroclite, au sommet duquel se trouvent des officiers dont aucun n’a d’expérience, ainsi un avocat et un journaliste. Juin 40 : la France s’effondre, Brest et Lorient sont prises ; les U-Boot vont pouvoir commencer leur chasse et la « Rose des Vents », la corvette d’Ericson, va devoir protéger les convois venant les USA, à travers la route de Gibraltar, l’Atlantique et l’Arctique. Nous sommes bien au coeur de la Bataille de l’Atlantique et des joutes mortelles entre chasseurs et proies.

 

Ce soir, au menu de la Dernière Séance …

C’est un film singulier que voilà, assez proche, finalement, du Das Boot que Wolfgang Petersen nous offrira près de 30 ans plus tard. La réalisation toute classique de ce cinéma des 50’s pourrait laisser croire que le film a vieilli. Sur la forme, sans doute. Sur le fond, ce film est excellent, brillant même par moments. Cette oeuvre est une adaptation, comme pour Greyhound, d’un roman, en l’occurrence celui de Nicholas Monsarrat, « La Mer cruelle ».

 

 

 

 

…. une histoire de marins

Parmi cet équipage point de héros, mais des hommes ordinaires, courageux, peureux, lâches. Rien n’est épargné dans cette lecture d’une guerre aussi vrai que possible. Le froid, l’angoisse des marins, les tempêtes qui s’écrasent cotre le navire, en attendant que le calme apporte son lot de torpilles. À travers des visages superbement filmés, rehaussés il est vrai par le noir et blanc, nous voyons ces hommes s’enfoncer peu à peu dans une routine mortelle. Si les visages se dégradent moins que ceux des sous-mariniers de Das Boot, ils n’en restent pas moins réalistes. Ce film touche du doigt l’humanité si absente de Greyhound qui avait ouvert ce dossier.

Jack Hawkins, alias Le commandant George Ericson, livre une partition de haut vol

 

Les missions s’enchainent : on suit le convoi, il est attaqué, on chasse un adversaire qu’on ne trouve pas. Alors on rentre pour voir sa femme, se saouler. On trouve un amour fugace, et on repart. On croise à nouveau cette bouée qui marque l’entre dans la haute mer. Convoi. Torpillage. Panne. Patrouille aérienne. Un jour, enfin, on en tient un : on le traque, on le grenade, on le coule. On rentre, heureux et fier et là Liverpool n’est que flammes. Votre femme est morte, ou vous a quitté. Le marin est seul. Alors il repart. Son humanité l’a quitté, la mer cruelle l’a dévoré. Reste la mission comme seule raison de vivre.

Oui, que la mer est cruelle

Et passent les missions, passent les années

1942. 1943. 1944. Les années se succèdent. Votre navire vous a quitté, comme bon nombre de vos camarades, emportés par la Mer Cruelle. Mais un nouveau bateau s’offre à vous, pour de nouvelles missions, de nouveaux mois d’attente, de traque, de peur. La caméra suit ces hommes, sonde ce navire, écumant les mers au rythme de gros plans sur les machines qui éructent et crachent leur vapeur.

Un bel hommage aux marins, un pendant de qualité au film de Petersen. Une approche sans gloire, froide, sans patriotisme. Qu’on est loin d’Hollywood et de l’héroïque John Wayne ! La mer cruelle rappelle combien la guerre est sordide et laisse peu d’espoir. Les acteurs sont tous justes et il est sympa de retrouver Denholm Elliott, futur Marcus Brody et compère d’Indiana Jones.

Un film que j’ai beaucoup aimé donc, plus percutant que le très sympathique Torpilles sous l’Atlantique et qui serait proche de titiller le génial Das Boot si le poids des années ne l’avait un peu figé. A noter que les effets spéciaux sont très corrects via l’utilisation de maquettes et que des images d’archives sont insérées avec efficacité.

 

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Ainsi, même 60 ans plus tard, il demeure une excellente trouvaille sur un sujet peu abordé. Mais le meilleur est à venir. Rendez-vous donc pour le dernier film de ce dossier.

 

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Fiche technique

Ealing Studios et Michael Balcon Productions / 1953 / 1h 31min / Drame, Historique, Guerre

Titre original The cruel sea

Réalisateur : Charles Frend

Scénariste : Eric Ambler, d’après le roman « La Mer cruelle » de Nicholas Monsarrat

Musique : Alan Rawsthorne

Avec Jack Hawkins, Donald Sinden, John Stratton

 

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