J’ai proposé sur Cinéhig une douzaine d’utilisation de films de fiction. Voici quelques pistes et réflexions à propos de mes pratiques.

L’utilisation d’extraits de films de fiction en classe vise plusieurs objectifs.

Il s’agit d’abord d’un support pour traiter des éléments, des parties du programme. En ce sens, ils peuvent servir de moyens pour accéder à la connaissance historique (au même titre que des pages « cours » d’un manuel, lorsqu’il s’agit de films de reconstitution) ou de base documentaire (au même titre que les autres documents sources que nous utilisons fréquemment dans nos pratiques pédagogiques).

La spécificité de ces supports, au même titre que d’autres œuvres artistiques, est que souvent, au-delà du film, s’affirment à la fois un auteur et un contexte historique. Cette difficulté, les élèves ne la perçoivent pas nettement car le film de fiction est souvent assimilé chez eux à une fidèle reconstitution. Or, bien souvent, ce n’est pas le cas, surtout lorsque le cinéaste est un véritable auteur avec ses propres thématiques, ses propres obsessions. C’est pour cela qu’il me paraît approprié de joindre la plupart du temps un document annexe permettant de replacer l’extrait du film étudié à la fois dans l’œuvre intégrale mais aussi dans la carrière de son réalisateur. Lors de la mise en commun des travaux, il semble important de montrer le poids de ce point de vue qui forcément oriente la reconstitution, même si cette dernière peut être des plus minitieuses. Il est ainsi particulièrement séduisant d’utiliser des films historiques pour mieux travailler sur la période de leur tournage et non sur la reconstitution qu’il présente. La grande illusion de Renoir (1937), Danton de Wajda (1982) mais également tous les films autour de la culture de guerre tournés depuis le début des années 90 (La vie et rien d’autre, Capitaine Conan, La Chambre des Officiers…), s’inscrivent dans cette logique.

Enfin, il faut insister sur la dimension du plaisir esthétique que l’observation et l’analyse de ces films procurent, notamment chez les élèves. Moins didactiques que des documentaires, ils leur paraissent « moins pesants », avec cette impression de ne pas faire de l’histoire pour l’histoire. En outre, la diffusion de nombreux extraits de films tout au long d’une année scolaire permet de donner à notre discipline un contenu culturel plus affirmé et provoque, au moins chez certains élèves, chez qui le cinéma équivaut à une simple succession de plans, un éveil à l’éducation artistique.

Cependant, un usage répété et intensif du film de fiction en classe m’apparaît à la longue tout aussi stérile que l’usage de documents plus classiques et présente le danger d’aboutir à un véritable paradoxe : celui de retourner à une histoire désincarnée, sans vie. C’est l’effet « arroseur, arrosé ».