« Les Français, c’est les autres » : ce documentaire aborde en banlieue la question de l’identité vécue par les jeunes. Il donne la parole à de jeunes lycéens dont la quasi-totalité est issue de l’immigration, principalement d’origine maghrébine et africaine. 

Ils semblent rejeter résolument leur appartenance à la France et revendiquer un nouveau communautarisme. Dans le même temps, ces jeunes s’agrippent à la culture et aux traditions de leur pays d’origine, celui de leurs parents. Ce malaise identitaire, auquel s’ajoute un sentiment de n’être nulle part à sa place, génère l’apparition de préjugés envers eux-mêmes et envers les autres.

Identité banlieue: qui est Français ? Qui se sent Français ?

A la question « Qui est Français ? », la quasi-totalité des élèves d’une classe de terminale lève la main. Mais pour répondre à cette autre question, « Qui se sent français ? », aucun bras ou presque ne se détache.  »

Question : « Qui de nous deux est Juif, et qui est Arabe ? »

Classe de terminale (1’-7’10)

Les élèves se plantent… « Monsieur, il est 100% Juif, les cheveux, le nez, les sourcils, Madame, elle est Maghrébine, c’est intuitif ».
Qu’est-ce qu’on dit des Arabes, des Noirs ? Ils ont intégré dans leur langue et entre eux le discours raciste (sale Arabe, macaque, etc.)

Fethi Benslama, Psychanalyste

(7’15-8’40)

L’école a fort à faire pour faire passer ces jeunes de leur identité « primaire » (avec les parents et leur culture) à l’identité secondaire (l’école, les pairs, la société « extérieure », avec une identité banlieue) au vu de leurs discours et ressentis actuels.
Pourquoi ? Si certains profs sont excellents pour faire passer leur cours en les touchant émotionnellement, les autres sont démunis. Formation nécessaire, mais sacrifiée par l’EN.

Salle des profs

(8’55-13’05)

Malaise identitaire chez nos lycéens
Stéphane Guillard et Solen Etrillard, professeurs

Stéphane Guillard, plp hg/frs

Ayant vécu à Saint-Denis né en 93, a connu une mixité 33 x3 (presque idéale !)
Pour les jeunes le racisme c’est celui des Blancs, entre eux, ce n’est pas du racisme.

Solen Etrillard, prof d’anglais

Forme d’ironie
Préjugés sur les Juifs ? Antisémitisme de banlieue
D’abord la responsabilité c’est les autres ! Les RS les confortent dans des réponses toutes faites.

Samia Essabaa, prof d’anglais : ils parlent beaucoup de job. Or pour eux, les patrons, les animateurs de Tv sont des Juifs.

SG : parler de Voltaire et de Candide devient très compliqué. J’ai eu une copie avec des propos antisémites violents. Cet élève que j’avais pour la 3e année connaissait une dérive islamiste soutenue par son enfermement dans l’identité banlieue.
J’ai baissé les bras. On est pris en tenaille entre nos programmes et ce que ces jeunes nous renvoient.

Identité banlieue: qu’est-ce qu’on dit sur les Juifs ?

(13’15-15’50)

  • Riches, radins (= « crevards »),
  • Préjugés, mais un peu vrais, tout le monde le sait. Tu en connais ? Oui, je connais une famille,  leur maison est grande.
  • Israël, c’est la guerre.
  • Pourquoi vous présentez toujours les Juifs comme des victimes? Qui les présente comme victimes ? Ben, la société !

Cependant, certains de la classe acceptent de nous suivre au mémorial de Drancy et de rencontrer Ginette Kolinka.

Drancy

(16’-17’30)

Nous avons voulu leur montrer comment la haine antisémite avait mené à l’horreur absolue.
Annaïg Lefebre, coordinatrice pédagogique du mémorial de Drancy montre pourquoi ce lieu a été choisi comme lieu de transit pour la déportation (la forme en U de la cité, facilement bouclable).

Les lycéens de la banlieue face à une rescapée de la Shoah
Ginette Kolinka

Ginette Kolinka

(17’40-22’) 

raconte Drancy et le départ en train et l’arrivée à Auschwitz, commencement de l’enfer avec des choses impensables. Vous avez à nous défendre.
Silence terrible et prise de conscience.

 

Retour en classe (22’05-25’12)

Face à la confusion et au désordre identitaire de ces élèves, nous leur demandons quel est leur rapport à la France, le pays où ils vivent et où sont arrivés leurs parents ou leurs grands-parents.
Tous lèvent la main à la question : « Avez-vous la nationalité française ? », mais une seule la lève à la question : « Vous sentez-vous Français ? ».
– Je me sens blanche à l’intérieur de moi, dit-elle.

– Les autres, non : « je sais en moi que je suis noir » ; « je suis Indien avant d’être Français. C’est d’abord mes origines, après mon pays d’accueil, enfin le pays où je vis » (et où il est né…) ; « chez moi c’est décoré et on parle arabe » ; « on nous a fait comprendre que nous n’étions pas Français, on se sent exclus » ; « j’ai choisi d’être Algérien, Monsieur, j’y vais en vacances, j’aime l’Algérie ; après je reste ici pour le travail, mais c’est les gens (qui ne m’aiment pas) ». L’identité banlieue est un marqueur fort.

Au LP Théodore Monod, à Noisy le Sec où des enseignants mènent une expérience remarquable sur le vivre-ensemble dans et en dehors du lycée :

Les élèves soulignent la ghettoïsation du lycée, des quartiers comme obstacle, la drogue comme seule issue économique. Pourtant ils soulignent l’importance d’aller à l’école. (25’13-28’25)

Malaise identitaire. Des jeunes qui ne se sentent pas Français.
Dominique Reynié – Finapol

Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l’innovation politique 

(28’30-30’15)

Problème spécifiquement français : l’Etat a construit la nation et les élites expriment de la défiance vis à vis du peuple. C’est le cas pour les provinciaux depuis longtemps.
A réformer d’urgence : réapprendre à ne pas être d’accord entre nous et retrouver le goût de la vérité des faits.

Rencontrer les anciens combattants qui ont donné leur sang pour la France
Commémoration du 11 novembre à la Grande Mosquée de Paris

Commémoration du 11 novembre à la Grande Mosquée de Paris

(30’20-33’10)

Beaucoup des jeunes descendants des 97 000 soldats musulmans morts pour la France sont aujourd’hui des citoyens frs.
Dialogue émouvant entre les anciens combattants et les jeunes…

 

Des lycéens qui ne trouvent pas leur identité
Benjamin Stora

A la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration
(33’15-33’30)

Benjamin Stora revient sur les différences entre les 3 générations. La dernière, ne sentant pas qu’elle peut faire mieux que ses parents, se cherche des origines qu’ils connaissent mal et qu’ils fantasment.

 

C’était hier en Algérie… de l’Orient à la République, une histoire des juifs d’Algérie

Identité banlieue : à la maison

(33’31-39’46)

Certains élèves acceptent de nous recevoir chez eux. Une maman rappelle qu’avant il y avait une maison des jeunes, mais elle a été démolie en 1995.
Les mamans sont Françaises, les filles ne se sentent pas Françaises…

La difficulté de se sentir Français à la maison
Mère et enfants à la maison

Une jeune femme s’est faite « accrocher » par des « frères ». Aller à la mosquée oui, mais de son plein gré. A la suite des attentats, la mère a fait arrêter les cours d’arabe à ses enfants, officiellement prévus pour bien connaître la religion et en fait plein d’injonctions communautaristes, victimaires et anti-françaises. C’est de là que certains se renseignent sur le djihab et peuvent être attirés.

Arafat, fier d’être Français

(39’48-43’) Arafat est venu à 15 ans du BenglaDesh, son père ayant payé 11000€ aux passeurs pour qu’ils emmènent son fils en Europe. Il arrive à Paris sans parler un mot de français. Recueilli dans un commissariat par la Croix Rouge, il se sent à 20 ans fier d’être Français.

La leçon de savoir-vivre à table

(43’-48’03)

Nous invitons quelques-uns à un repas « français » tant les différences culinaires sont un marqueur identitaire, avec une coach de savoir-vivre. Les élèves très attentifs, dans un univers qui leur est étranger ont retenu le corsetage…

Identité banlieue :  les jeunes banlieusards à la rencontre des « vrais Français » à Paris

Les jeunes de banlieue à la rencontre des « vrais Français »
Aller à Paris, c’est sortir du guetto

(48’05- 52’45)

« Je suis noir, je ne suis pas chez moi », « Français, ce n’est pas une couleur de peau », « être fidèle à la République, d’être reconnaissant à ce qu’elle nous donne », « c’est descendre dans la rue quand Charlie Hebdo est touché » ; « c’est pas la couleur, c’est le cœur ».
Pour les élèves, on sentait la fierté des gens d’être Français, pas comme dans ce lycée où l’identité banlieue s’impose

Les attentats de janvier 2015

Latifa, le cœur au combat

 

(52’47-59’40)

Qu’avez-vous pensé des attentats et de la marche de dimanche ?

Les Français ont manifesté par millions leur émotion après les attentats de janvier 2015
« Je suis Charlie »

Le journal a abusé mais il ne fallait pas les tuer. Il vaut mieux débattre. Ils l’ont quand même cherché.
Liberté d’expression en France ? Oui, mais Dieudonné est censuré quand il fait un sketch sur les Juifs.
Les rédacteurs de Charlie sont des journalistes qui essaient de débattre ; j’ai entendu qu’ils n’étaient pas racistes.

Leur identité n’est pas Charlie
Débat sur les attentats

Les Juifs ou Charlie, les tuer c’est inadmissible.
Il faut respecter les croyants, les musulmans ne sont pas respectés !
Les attentats ont limité notre liberté d’expression.

 

Quel est votre rôle en tant qu’enseignants ?

(59’50-61’49)

Finir le programme et accompagner ces jeunes à grandir, sans trop baisser les bras. C’est un éternel recommencement.

Conclusion (61’50-63’40)

Au fil des mois, nous avons constaté que certains jeunes s’étaient débarrassés de leurs préjugés. Mais les attentats de janvier ont montré combien ce lent travail est fragile et peut être vite remis en cause. Les propos agressifs, antisémites ont refait surface. 
L’ouverture des projets citoyens en dehors du lycée ont joué un rôle considérable pour rompre avec leur isolement culturel.
Mais la question demeure : comment répondre aux failles identitaires de cette jeunesse qui nous échappe ? l’identité banlieue serait-elle plus forte que l’identité nationale ?

Les auteurs :
Mohammed Ulad-Mohand, cinéaste, Isabelle Wekstein-Steg, avocate.
Le projet : Mohammed et Isabelle ont questionné pendant plusieurs années les lycéens de banlieue sur leur rapport à la France.
Le documentaire date de 2015, juste après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher.

La diffusion du documentaire ayant été arrêtée fin novembre par FR2, vous avez la possibilité de lire le commentaire de Télérama et d’écouter l’interview de Isabelle Veckstein sur RTL.