Ce film est présenté en support par nos amis de zéro de conduite pour différentes activités pédagogiques conduites en enseignement moral et civique.
Réalisé par Sarah Suco à partir de son expérience personnelle, car elle a vécu pendant 10 ans dans une communauté charismatique, le film présente un intérêt majeur pour aborder les questions d’emprise et de dérives sectaires qui peuvent concerner des adultes mais également leurs enfants.
Dans ce cas précis il ne s’agit pas d’une démarche individuelle, celle de l’adolescent « mal dans sa peau » qui se laisserait embrigader, mais bien de l’évolution d’une famille – Sheila aurait pu dire « de français moyens », dans une ville moyenne –Angoulême–, avec des revenus moyens.
Seul côté un peu atypique, au vu des comportements démographiques actuels, une famille de quatre enfants avec une mère au foyer qui souhaiterait trouver un autre sens à sa vie que la gestion de sa tribu.

Son mari est prof, sans doute peu satisfait par son métier, et il n’en parle absolument jamais, si ce n’est lorsqu’il corrige des copies.
Si les dérives sectaires sont davantage connues dans les mouvements que l’on peut qualifier d’évangéliques, comme les pentecôtistes, les adventistes, les témoins de Jéhovah, au nombre de 130 000 quand même, issus du protestantisme, elles existent également dans l’église catholique.
On parle alors de groupes charismatiques, organisés autour de la communion, du partage ou du pardon. Dans le film tous ces éléments peuvent se retrouver, avec quelques spécificités comme la guérison par la prière, associée à des soins aux malades mais aussi des transes collectives.
L’ensemble du mécanisme de l’emprise est remarquablement décrit. L’école du cirque dans la quelle Camille s’épanouit avant que le Berger de la communauté ne dissuade ses parents de l’y laisser, est pour la jeune fille une sorte de jardin secret, celui où elle rencontrera Boris, son petit ami.

L’action du film est parfaitement intimiste, mais on y retrouve parfaitement les mécanismes de l’emprise. Une farandole, des jeux collectifs, une vie communautaire qui semble de plus en plus conventuelle au fur et à mesure que l’action se déroule. C’est dans ces détails que se retrouve l’emprise sectaire avec la personnalité du berger, un prêtre de paroisse, qui se sent investi d’une mission divine.

Il est le guide spirituel, mais ils fixent aussi les comportements de la communauté. Le statut est d’ailleurs assez peu clair, car l’on ne distingue pas dans le film la vie paroissiale « ordinaire » que l’on peut rencontrer dans des milliers d’églises, de moins en moins fréquentées d’ailleurs. Il semblerait que le prêtre titulaire de cette église d’Angoulême se soit constitué une forme de paroisse parallèle, disposant de bâtiments d’accueil, sans doute conventuels, où il accueille ses fidèles.
Le personnage de la mère de famille incarnée par Céleste est également extrêmement intéressant. Elle tombe littéralement sous l’emprise du berger, et ce dernier en pratiquant des formes d’autohypnose, parvient à la persuader qu’elle a été « souillée » par son père, pendant son enfance. Le moyen d’obtenir ainsi la rupture avec la famille est radical, et les grands-parents des enfants se désespèrent de l’évolution de la famille. On notera qu’ils ne prennent aucune mesure de protection ni de signalement. Peut-être sur cet aspect il aurait été bon de montrer la difficulté de le faire, ainsi que les contradictions qu’il peut y avoir entre le danger constitué par la dérive sectaire et le code de la famille qui attribue aux parents l’essentiel des droits en matière d’éducation de leurs enfants et de modes de vie.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Le mécanisme de l’emprise est décrit dans la nuance et Camille ne rentre d’ailleurs pas en confrontation directe. Elle fait confiance a priori à ses parents, malgré un regard critique plutôt acéré, utilise des stratégies d’évitement comme la double garde-robe, celle de la communauté et celle pour aller au collège, et au final vole dans la caisse paroissiale, gérée par sa mère comptable, pour accéder à des plaisirs « normaux », ceux d’une sortie avec ses frères et sœurs, mais aussi le moment où elle se donnera entièrement à son petit ami.

La réalisatrice a vécu une expérience de ce type pendant 10 ans, mais il semblerait que le message qu’elle veut faire passer aille au-delà de la dérive sectaire d’une communauté charismatique comme il en existe plusieurs.
On pourrait d’ailleurs établir un parallèle avec certaines formes de salafisme celui que l’on qualifie de piétiste ou de quiétiste, dans lequel des familles s’isolent du reste de la société, adopte mode de vie particulièrement strict, voile intégral pour les femmes, stricte séparation des sexes, alimentation totalement halal, respect absolu des heures de prière et des autres rites. Le guide spirituel n’est jamais très loin également. Et il constitue, notamment pour l’éducation des enfants, la référence ultime.

Dans ce cas précis, comme dans celui de Camille d’ailleurs « éblouie aussi par ses parents » à qui elle fait une confiance absolue au départ, c’est bien la question de la prise de distance à l’égard de ses propres géniteurs qui apparaît comme extrêmement douloureuse. Les parents constituent pour ses enfants, plus que les points de repères, mais surtout des rocs. Et il est difficile de s’en détacher. Ne pas les décevoir, même si au fond de soi on souhaite prendre son envol, explique pourquoi les adolescents qui se trouvent dans ce type de situation ont du mal à aller au bout de la rupture. Il faudra d’ailleurs un événement particulièrement douloureux pour que Camille franchisse effectivement le pas.