Réflexions, pistes et ressources.

Introduction

Cet article a pour but de balayer les objectifs à poursuivre et les modalités concrètes possibles lorsque l’on souhaite utiliser le film de fiction dans le cours d’histoire, de géographie ou encore d’éducation civique. L’approche est résolument pratico-pratique !

Cet article n’a pas pour but de donner des recettes ni des analyses de fond.

Je propose des pistes fondées sur :
– une pratique personnelle déjà ancienne
– des éléments recueillis au grès de lectures, stages, colloques et discussions

Nous verrons successivement :
– pourquoi utiliser des films de fiction dans nos cours ?
– comment les utiliser ? – de la recettes à la piste –
– de quelles ressources et de quels exemples on peut disposer ?

1- Pourquoi utiliser le film de fiction dans nos cours ?

On peut partir d’une triple approche, fondée sur les 3 statuts du film de fiction en cours d’HIG :
– c’est un produit artistique -> un objectif de pur plaisir
– c’est un document -> un objectif de lecture / décryptage de document
– c’est un support de savoirs -> un objectif de construction des connaissances

A- Le film de fiction est un produit artistique

Pour l’enseignant que je suis, plus cinéphage que cinéphile, la projection d’un film est intimement associé à la notion de plaisir. On constate que du coté des élèves ce sentiment existe et qu’il est important de l’associer le plus possible à la discipline enseignée. Mais il faut se garder d’une dérive : celle qui transforme la « séance de cinéma » en moment exclusivement ludo-récréatif… bon, mais en fin d’année ou juste avant les vacances de Noël est-ce si grave (8-))

D’autre part, pourquoi ne pas se donner comme objectif, aussi, de donner aux élèves une culture cinématographique plus large et sur des domaines ou périodes peu ou mal connus ?

B- Le film de fiction est un document

Le film de fiction est un document, au même titre que le texte, l’image fixe, la carte, le film documentaire, etc. Il est dès lors envisageable de transposer les objectifs, techniques et méthodes du commentaire de documents au film de fiction.
Mais le statut ‘documentaire’ du film de fiction est-il comparable aux autres types de documents plus fréquemment utilisés en classe ? Il me semble que non parce que le regard porté par les élèves sur le film de fiction est différent du regard qu’ils portent sur une photo satellitaire, un texte ou une série statistique : le film apparaît comme familier, attaché à un sentiment de plaisir et non de travail et dont la lecture/compréhension semble aisée et couler de soi.

Il convient donc :
– d’aborder le film de fiction non comme un témoignage (du passé, d’un fait de civilisation, d’un mode de vie, etc) mais comme une reconstruction symbolique qu’il faudra comprendre et confronter ;
– de transposer les techniques d’étude de documents habituellement employées… mais en y ajoutant systématiquement une nécessaire éducation au regard à travers, entre autre, une initiation aux techniques filmiques.

C- Le film est un support de savoirs

Le film utilisé doit être questionné de façon pertinente à travers une problématique scientifique adaptée au niveau des élèves et aux conditions de travail. La confrontation du film à d’autres sources d’information est un moyen intéressant de construire des savoirs à travers le visionnement d’un film.

Conclusion

Peut-on énoncer quelques pistes directrices ? Dans la mesure où celles-ci restent des pistes et ne deviennent pas des normes ou des règles, alors la réponse est oui. Voici les quatre pistes qui me guident personnellement, énoncées de façon plutôt imagée :
– On peut utiliser des films de fiction dans le cours d’histoire, de géographie et d’éducation civique tout en terminant ses programmes et sans nécessairement en faire un projet lourd, chronophage et contraignant ;
– On peut s’appuyer sur sa passion du cinéma et tenter de la faire partager : à défaut de « fabriquer » des cinéphiles on aura passer un bon moment (8-)) ;
– On peut visionner, avec plaisir, un film de fiction et, en même temps, approfondir des méthodes de commentaire de documents et acquérir des savoirs scientifiques ;
– On doit nécessairement se préoccuper d’éducation au regard quand on utilise un film en classe

2- Comment utiliser le film de fiction en classe ?

Dans un premier temps je propose d’aborder quelques points incontournables par un jeu de questions / réponses (la bonne vieille Foire Aux Questions, ou FAQ). Ensuite je présenterai des pistes appuyées sur des exemples.

A- Foire Aux Questions
Le film : j’ai le droit m’sieur ? ou j’ai pas le droit ?

Bin, heu ? A vrai dire nous n’avons pas réellement le droit de projeter un film de fiction aux élèves puisque la classe ne fait pas encore partie du fameux « cercle de famille » qui définit le cadre de projection des vidéogrammes du commerce ou enregistrés. Alors il reste 4 pistes :
– assumer l’illégalité de la chose : ce que je fais ;
– visionner des films dont les droits ont été libérés ;
– visionner le film, en direct sur la télévision… et même là c’est pas totalement légal ;
– aller au cinéma le plus proche ;

Lire l’article sur le droit

Le film : en entier ou en extraits ?

Les deux mon général ! Précisons un peu :
– visionner un film en entier est chronophage, c’est vrai ; cela nécessite un aménagement du temps avec au moins 2 heures consécutives, c’est aussi vrai. Personnellement je passe 1 à 2 films de fiction par an et par classe, en intégrant ces projections dans ma progression annuelle ;
– visionner des extraits pose la question de la rupture de la trame du récit (frustration ; perte du sens du récit, etc.). Mais on y gagne en gestion du temps et en facilité d’intégration des séances de visionnement à la progression annuelle. Personnellement j’utilise quelques extraits de certains films d’histoire avant tout.

La projection : où et comment ?

Nonobstant ce qui a été dit plus haut sur la légalité des projections, on peut envisager plusieurs cadres :

|Cadre |Remarques |
|Une K7 vidéo – une télévision (en classe ou en salle spécialisée) |Se pose le problème de la lisibilité et du confort de visionnage. |
|La même chose avec un DVD |Se pose les mêmes problèmes, mais le DVD apporte, outre les fameux bonus, une capacité de tri – recherche inestimable |
|Les 2 cas précédents + un vidéo projecteur |Le grand pied ! Situation idéale… |
|Le « box vidéo » du CDI (ou toute organisation proche) |Permet à l’enseignant de travailler son projet et à des groupes d’élèves d’approfondir |
|La « sortie » au cinéma |Soit on a un cinéma proche (c’est mon cas : 3 minutes à pied) ; soit on peut aisément se déplacer. Se rappeler des « chèques culture » et autres opérations similaires souvent menées par les collectivités territoriales. |
|Le cinéclub en 16 mm |J’ose ? Non, trop de nostalgie me gagne… |

Le film oui… mais j’ai les programmes à traiter et une progression à tenir ?

Je répète ce que j’ai écris plus haut : je pense que l’on peut utiliser le film de fiction sans pour autant sacrifier les programmes, les progressions, les acquisitions de savoirs et méthodes de base (je pense aux terminales en particulier). Comment ? Je vois 5 pistes :
– le chapitre est traité en quasi totalité avec le film : il faut refondre son chapitre en l’articulant autour du film visionné à voir plus bas des exemples
– le film vient en apport complémentaire au cours (souvent en fin) : le film est une illustration ou un contre-point ; voire il peut remplacer une partie du cours à la séance devient plutôt ludo-récréative
– des extraits sont étudiés lors de séances de cours, TP ou modules à on se rapproche d’activités pédagogiques que l’on maîtrise souvent assez bien, de type travail autonome ou travail de groupe à voir plus bas des exemples
– le film est utilisé dans le cadre de plages à horaires aménagés (parcours diversifiés, les modules, TPE, PPCP…) et le plus souvent dans le cadre d’un projet pédagogique plus vaste, souvent pluridisciplinaire
– le film est visionné et étudié par un groupe d’élèves qui font ensuite un compte-rendu à la classe (exposé le plus souvent)

Pendant la projection : les élèves doivent-ils écrire ?

Soyons normand : oui… et non :
– oui, c’est possible, à condition que le travail soit préparé à l’avance et que la tâche de prise de note ne soit pas trop contraignante à n’oublions pas que les élèves ont un film à voir !
– non : personnellement je ne donne pas de travail de prise de note pendant la projection afin de privilégier le pur instant cinématographique à simplement je prépare toujours la projection avant et je donne presque toujours un travail écrit (de groupe le + souvent) après…

Faut-il faire des coupures dans la projection ?

Oui, pourquoi pas… mais à condition de ne pas hacher la projection : une ou deux coupures tout au début puis de moins en moins. Au fait : pourquoi interrompre la projection ? Pour :
– apporter quelques informations complémentaires ;
demander aux élèves s’ils comprennent bien ;
– pour aller boire un café (à non, non : interdit !)

Quel genre de travail peut-on donner aux élèves ?

En préalable disons qu’une phase de préparation de la projection est nécessaire (elle peut être plus ou moins longue, de quelques minutes à une séance entière). Le film doit être présenté et son lien au chapitre précisé ; s’il y a travail celui-ci doit être présenté sous une forme problématisée. Ensuite on peut suivre plusieurs pistes :
– le questionnaire précis s’adapte bien aux séances sur extraits de film ;
– le questionnement plus global s’adapte bien aux projection d’un film dans son ensemble ;

Mais dans les 2 cas une phase post-projection doit exister. Elle peut prendre plusieurs formes :
– la discussion-débat ;
– la mise en commun et correction des travaux ;
– le compte-rendu de séance par un ou des élèves

Signalons pour finir la possibilité de réaliser un véritable travail autour du film, dans un cadre de projet : site Web ; dossier ; article de journal ; etc.

Mais dîtes-moi cher monsieur, cela demande beaucoup de travail tout cela ?

Bin oui, c’est sûr mon gars ! En effet il faut :
– sélectionner (et trouver) le film et/ou les extraits et, éventuellement, refondre son cours autour du film en question
– recueillir toutes les informations nécessaires (filmiques ; scientifiques ; pédagogiques) ;
– imaginer la / les activités pédagogiques ;
– éventuellement imaginer l’évaluation possible

Heureusement des ressources existent (sur le Web en particulier) et tout n’est pas à inventer puisque de nombreux collègues ont déjà conçu et mené ce genre d’activité à mutualisons !

B- Des pistes

Afin d’illustrer les éléments énoncés ci-dessus, voici quelques de démarches relevées ci ou là.

Une démarche globale pour exploiter un film dans son entier

|Séance |Contenu |
|½ h à 1h |Présentation du film et insertion dans le chapitre. Méthodologie : comment lire le film ? Un peu de vocabulaire… Distribution éventuel d’un questionnement. |
|2 h |Projection :
en une ou deux fois ;
avec interruption (surtout au début) ou sans ;
les élèves ont leur questionnaire ou prennent des notes ou bien ne sont que spectateurs
(au cinéma : uniquement spectateur) |
|1h – 2h |Séance post-projection :
soit les élèves ont rendu avant leur travail et la séance peut être aussi évaluative soit les élèves apportent leur travail lors de cette séance ;
formes : débat / discussion – correction – cours avec intégration du travail réalisé – exposé d’élève |

Des exemples qui suivent cette démarche:

– Sur Cinehig : http://www.ac-grenoble.fr/cinehig/rubrique.php3?id_rubrique=4

  • « Amen » : exploité en ECJS par Claire Vapillon.
  • « Le silence de la mer » : exploitée par Catherine Ramirez
  • « L’œil de Vichy » : exploitée par Jean-Paul Collicard
  • « American History X » : exploité par Gwenaelle Jouan
  • « Alexandre Nevski » exploité par M. Antony
  • « Lucie Aubrac » par JP Meyniac
  • « L’Ange des ténèbres » par C Ramirez
  • « L’œil de Vichy » par JP Collicard
  • « Les sentiers de la gloire » par A. Gogorian et JP Meyniac

– Ailleurs, sur le Web :

Une démarche pour utiliser des extraits d’un film

|Phases |Contenu |
|1 |Préparation – problématisation – présentation du film |
|2 |Extrait n°1 + questionnement (écrit ou oral)
Extrait n°2 + questionnement (écrit ou oral)
Extrait n°X + questionnement (écrit ou oral) |
|3 |Conclusion – réponse à la problématique – approfondissements |

Des exemples qui suivent plus ou moins cette démarche :
– Sur cinehig : http://www.ac-grenoble.fr/cinehig/rubrique.php3?id_rubrique=4

  • « Gladiator » en sixième par Bertrand Quennoy
  • « le roi danse » par G. Jouan

– Ailleurs :

C- Cas particulier : travail en projet – TPE – PPCP – IDD

Le projet

L’utilisation d’un ou plusieurs films peut faire l’objet d’un véritable projet (éventuellement pluridisciplinaire). Voir ci-dessous quelques exemples :

Dans le cadre d’actions menées par les organismes culturelles ou les collectivités territoriales, de type « lycéens au cinéma » pour la région Rhône-Alpes ou « collège au cinéma ». Dans ce cas pas grand chose à préciser, si ce n’est que le projet devrait, autant que faire se peut , déboucher sur une production collective. Voir l’exemple de « Lucie Aubrac » ou « Monsieur Klein » sur le site http://www.ac-grenoble.fr/webcurie/pedagogie/le_projet_comenius/

Voir les pages du site arts et culture sur les projets autour du cinéma : http://www.artsculture.education.fr/pedagogie/frameset_pedagogie_experiences.htm

Les TPE

Les TPE en première comme en terminale sont un terrain formidable pour l’exploitation du cinéma de fiction ! Voici quelques exemples de TPE glanés de ci et de là :

Sur : http://pedagogie.ac-aix-marseille.fr/acc_pedago/TPE/c_rendus/TPE_cr_lycees06.htm
– l’image du dictateur à travers des oeuvres filmiques ou littéraires
– l’affaire Dreyfus et son retentissement au plan politique et littéraire (Zola)
– la récupération de Wagner par le régime nazi
Guernica à travers Eluard et Picasso
– la crise de 29 et sa représentation dans les Raisins de la colère de Steinbeck
– le nazisme et la Liste de Schindler.

Un TPE en ligne sur http://debo789.free.fr/cine/accueil.htm : L’évolution du cinéma et son impact à nos jours

Les PPCP (et classe à PAC)

Les types de projets proposés n’intègrent pas le cinéma donc pas ou peu de Projet Pluridisciplinaires à Caractère Professionnel : un seul exemple trouvé à ce jour, un revue de critiques de films :
http://www.ac-versailles.fr/ppcp/affichppcp.asp?n-projet=407

Les IDD – parcours diversifiés – travaux croisés

Pour le collège un cadre très intéressant pour travailler sur le cinéma…

3- Quelles ressources ?

A- A lire
L’Europe à l’écran : le cinéma et l’enseignement de l’histoire, par Dominique Chansel, Éditions du Conseil de l’Europe, 2001. Dominique Chansel – actuellement professeur au Lycée de Luynes – nous présente 50 films européens et leur utilisation possible en classe.
Le film dans le cours d’histoire – géographie, Bernard, Farges, Wallet, juin 95, A. Colin.
Texte filmique et apprentissage en histoire, 1993, INRP.
Enseigner l’histoire – géographie en collège et lycée, 1996, CRDP de Créteil.
Image et pédagogie en histoire – géographie, 1995, CRDP de Bourgogne.
L’histoire de France au cinéma, CinémAction Hors – série 1993.
Analyse de film, analyse de société , Ferro Marc , Hachette , coll. Pédagogies pour notre temps , 1975 .
Cinéma et Histoire , Ferro Marc , Gallimard , coll. Folio histoire , 1993 .
Cinéma et histoire. Autour de Marc Ferro , Collectif , Corlet-Télérama , revue Cinémaction n° 65 , 1992
Cinéma/histoire/enseignement , Collectif , Education 2000 , n° 18 , 1981 .
De l’histoire du cinéma , Lagny Michèle , Armand Colin , coll. Cinéma et audiovisuel , 1992
Le film dans le cours d’Histoire Géographie, D.Bernard, P.Farges,.Jacques Wallet. Colin, 1995
Pédagogie de l’audiovisuelle et du multimédia, Y.Burron, J.P.Chapuis, JL Ruby
L’histoire au cinéma : le passé retrouvé, Jean Loup Bourget, Gallimard, collection La Découverte 1991
Texte filmique et apprentissage en Histoire Recherches pédagogiques INRP décembre 1999
Du cinéma à l’école de Raymond Cittério, Bruno Lapeyssonie, Guy Reynaud CRDP LYon Hachette éducation
– Cinéma et pédagogie, Revue belge du cinéma, n. 32, Bruxelles, septembre 1992.
– Du cinéma éducateur aux plaisirs interactifs : rives et dérives cognitives, JACQUINOT-DELAUNAY, in BEAU F., DUBOIS P., LEBLANC G., Cinéma et dernières technologies, INA – DeBoeck Université, Paris-Bruxelles, 1998.

B- A consulter

Le site de Créteil, avec surtout :

L’association « film et culture » :
http://www.film-et-culture.org/index.html
Le site « le quai des images » : http://www.ac-nancy-metz.fr/cinemav/quai.html
La BIFI (Bibliothèque du film) : http://www.BiFi.fr
Centre européen de ressources documentaires sur le cinéma. Base de données et catalogue en ligne des collections de la BiFi, dossiers pédagogiques, répertoire des centres de ressources documentaires sur le cinéma. Le site BiFi.édu donne accès gratuitement aux outils produits par la BiFi à l’intention des membres de l’Education nationale. La Bibliothèque du Film est le premier établissement exclusivement consacré à la documentation sur le cinéma.
Les articles de cinehig dans la rubriques : RESSOURCES
http://www.ac-grenoble.fr/cinehig/rubrique.php3?id_rubrique=26

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