Fiche film

– Auteur : SAUPER Hubert
– Pays : France/Autriche/Belgique
– Année : 2004
– Durée : 1h47
– Genre : Documentaire
– Niveaux : classes de lycée

Synopsis

Les rives du plus grand lac tropical du monde, considéré comme le berceau de l’humanité, sont aujourd’hui le théâtre du pire cauchemar de la mondialisation. En Tanzanie, l’introduction de la perche du Nil dans le lac Victoria a été à l’origine d’une catastrophe écologique, mais aussi d’une industrie fructueuse, et a initié un drame dont les conséquences dépassent les frontières du pays…

La polémique autour du film

Plaidoyer dénonçant les horreurs d’une mondialisation absurde, Le Cauchemar de Darwin est un documentaire militant. Il démonte les ressorts d’un fonctionnement économique destructeur et donne à voir ses conséquences humaines. Ainsi, le film d’Hubert SAUPER propose un portrait noir et assez désespéré de la ville de Mwanza, en Tanzanie. Face à ces images sombres, le spectateur occidental est laissé démuni, impuissant d’autant plus que les européens sont montrés comme des acteurs du déséquilibre dans la répartition des ressources. L’exemple le plus flagrant est celui du partage du poisson : les larges filets sans arêtes et au faible prix de revient (grâce à la main d’œuvre sous-payée), provenant de la perche du Nil, sont vendus sur les marchés occidentaux ou japonais alors que les carcasses sont laissées aux africains. l’Union européenne a en effet rapidement compris l’intérêt de subventionner et développer ce type de commerce. L’usine locale, étonnamment moderne pour la région, tourne donc à plein régime. Des avions d’Europe de l’Est – les moins chers – viennent chercher le produit de la pêche à destination de l’U.E. A l’aller, ils livrent soit une aide alimentaire, puisque le pays qui nourrit l’Europe meurt de faim, soit… des armes. Ce commerce, reconnu à mots couverts mais pas vraiment démontré, profite aux pays riches et entretient le climat d’insécurité propice à maintenir sous l’eau la tête d’un pays qui n’en finit plus de se noyer.

Lors du visionnage du film, ce sentiment d’impuissance conjugué à la culpabilité est désagréable pour le public occidental. Il cherche alors à réduire cette dissonance… de plusieurs façons.

Certains, voient dans le film la satisfaction de ne plus être ignorant désormais, dans la communication à d’autres de ces informations, ou dans des résolutions comme celle de consommer davantage de produits issus du commerce équitable

D’autres, trouvent le moyen de se libérer du sentiment désagréable que procure le film en le discréditant voire en instaurant un doute sur la valeur des informations qu’il transmet. Ces détracteurs parlent alors de « fiction mensongère » ou de « grossière mystification »…

Quelques liens autour de la polémique :
– Dossier de presse de la médiathèque des trois monde qui permet de relativiser la thèse du film: www.cine3mondes.fr
– Télérama n°2936 du 20 avril 2006 (voir Telerama.fr)
– Voir l’article de l’historien François Garçon, « Le Cauchemar de Darwin, allégorie ou mystification ? » , Les Temps modernes, n°635, novembre-décembre 2005, janvier 2006.
– Voir la polémique relatée dans les médias : Libération du 18 février 2006 et du 1ier mars 2006 ; Le Monde du 3 mars 2006…

Etudier le cauchemar de Darwin dans les classes

Dès sa sortie dans les salles, Le cauchemar de Darwin a soulevé une vive polémique dans les médias français (cf. supra). Il est alors légitime que le pédagogue puisse s’interroger sur l’utilisation d’un tel film dans les classes. Dans cette perspective, il s’agit avant tout de prendre des distances par rapport aux premières impressions des élèves puis de les décrypter par une recherche d’informations. A cette fin, le dossier de presse proposé par la médiathèque des trois monde peut s’avérer utile.
Par ailleurs, nous pouvons aussi nous interroger avec nos élèves sur les techniques de communications cinématographiques utilisées par Hubert SAUPER pour nous transmettre ce sentiment de malaise. En conséquence travailler sur la notion de point de vue est intéressant à plus d’un titre. Cela permet, en contextualisant le film dans les rapports Nords-Suds de dresser une présentation des disparités économiques et des contrastes de développement du monde actuel.
Enfin, nous pouvons travailler en éducation civique sur le thème de la solidarité (associations humanitaires, commerce équitable…).

Identifier quelques procédés cinématographiques au service d’un « cinéma du lien ».

Jean ROUCH utilisait l’expression « cinéma du lien » pour caractériser le travail d’Hubert SAUPER.
Ainsi, le choix des personnes qu’il filme, des images qu’il montre, est le premier indice qui permet de déterminer le point de vue de l’auteur.

En effet, si le réalisateur parle d’un « casting » quant au choix des personnages du film (Eliza : la prostituée au destin tragique ; Raphaël : le gardien de l’institut de recherche sur le poisson ; Jonathan : le jeune peintre…), c’est essentiellement sa manière de filmer (gros plans sur les visages, ambiance sombre et nocturne…) qui permet à Jean Rouch de caractériser le cinéma de SAUPER de « cinéma du lien ». De plus, du fait de l’utilisation d’une caméra vidéo numérique ( les images enregistrées par une caméra vidéo et projetées sur un écran de cinéma contrastent fortement avec les images qu’on a l’habitude d’y voir, léchées, propres et lumineuses), le spectateur a l’impression que les images du film sont contaminées par la pauvreté, la misère et la saleté…

Second indice qui montre le parti pris du film : c’est le travail effectué au montage. En effet, il s’agit d’un montage sans commentaire qui permet d’instaurer par l’effet Koulechov Lev KOULECHOV est un cinéaste russe qui a donné son nom a un procédé cinématographique. En effet, il a démontré « la puissance évocatrice du montage à travers une expérience célèbre au cours de laquelle il utilise un vieil extrait de film mettant en scène l’acteur Ivan Mosjoukine (très populaire et au jeu considéré comme très expressif). Il fait alterner un gros plan sur le visage de celui-ci avec l’image d’un banquet, celle du cadavre d’une femme dans un cercueil et celle d’un enfant. Le public auquel sont projetées ces images interprète à cahque fois l’expression de l’acteur différemment et y voit respectivement la faim, la peur ou la tendresse bien que le visage de Mosjoukine soit impassible » (http//www.wikipedia.fr/). un cauchemar dans le cerveau du spectateur. Ce procédé révèle les liens implicites qu’établissent les spectateurs entre deux images consécutives du film. Il perçoit donc la situation catastrophique à Mwanza comme une sorte de réaction en chaîne provoquée par la pêche intensive de la perche du Nil.

Enfin, Le cauchemar de Darwin propose une réflexion sur le cinéma et notamment sur le genre documentaire. En effet, pour nos élèves, film documentaire rime trop souvent avec vérité et objectivité. Or, par son engagement à « mettre en scène le réel » à des fins cinématographiques, Hubert SAUPER à l’instar des films de Michael MOORE (Bowling for Colombine, Fareinheit 911) ou de Luis Bunuel (Las Hurdes) ne présente avec son documentaire Le cauchemar de Darwin que le reflet d’une réalité. Le danger pour le spectateur crédule est de généraliser en croyant à la représentativité de tous les personnages ou de tous les faits présentés dans le film.

CONCLUSION

Si le documentaire d’Hubert SAUPER est jugé par certains journalistes comme « un reportage, à l’aune exclusive de la véracité », il ne faut pas oublier que le cinéma et a fortiori le cinéma documentaire n’est pas « la réalité » mais le reflet d’une certaine réalité. Ainsi, il n’existe aucun film qui montrerait l’Afrique telle qu’elle est. Un film : c’est toujours un regard dans une direction. C’est le droit de l’artiste engagé qui trouve son pendant dans le droit du spectateur à réagir, critiquer, douter de ce qu’on lui montre. Il est évident qu’Hubert SAUPER s’est servi de sa thèse à des fins purement narratives et c’est l’intérêt de son film. Pour nous pédagogues, visionner Le cauchemar de Darwin ou de larges extraits dans nos classes est le meilleur moyen de mobiliser l’élève-spectateur et de le pousser à réagir…
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FICHE ACTIVITES

Objectifs :
– Comprendre les enjeux de la mondialisation dans ses rapports Nord-Sud à travers une Etude de cas.
– Montrer q’un film documentaire est l’objet d’une démonstration argumentée au service d’une thèse. Engager un débat argumenté : S’agit-il d’un film militant ou engagé ?

Relations avec les programmes : Histoire, géographie, éducation civique, lettres, SVT.

Avant la projection : analyser l’affiche du film

Le titre du film : faire une petite recherche sur Darwin et le darwinisme social puis justifier le titre du film.

Après la projection :Un film documentaire engagé ou militant ?

Nous pouvons proposer un débat autour de la polémique que le film a engendré. Quelques questions peuvent guider les élèves dans leurs réflexions :
– Comment le réalisateur s’exprime t-il ?
– Comment connaît-on le point de vue du réalisateur sur les faits qu’il décrit ?
– En quoi Le cauchemar de Darwin est-il différent d’autres documentaires que vous avez déjà vus ?
– Jean Rouch disait du cinéma de Hubert Sauper qu’il s’agissait d’un « cinéma du lien » : en quoi cette expression vous semble t-elle convenir pour caractériser Le Cauchemar de Darwin ? Justifier votre réponse.
– Le Cauchemar de Darwin est-il un film subjectif ?

Les personnages :

Un travail sur les personnages du film peut aider à sa compréhension :
|-|Le gardien : Raphaël|Eliza : la prostituée|Le pilote russe|
|Les caractéristiques|-|-|-|
|Leurs fonctions|-|-|-|
|Evolution du personnage|-|-|-|
|Cadrages et techniques cinématographiques|-|-|-|

Le cauchemar de Darwin
Le cauchemar de Darwin