Le modèle de la démocratie populaire : l’exemple tchécoslovaque (1948-1968) en terminale.

Les QUESTIONS

L'aveu
L'aveu

Problématique : En quoi la Tchécoslovaquie constitue-t-elle un exemple frappant de la soviétisation de l’Europe de l’Est ?

– Rappelez à l’aide du document 1, comment la Tchécoslovaquie est tombée dans l’orbite soviétique au lendemain de la seconde guerre mondiale.
– D’après les documents 3 et 4, énumérez tous les éléments dénonçant les procédés de manipulation du procès. De quoi sont accusés les dirigeants tchécoslovaques ? Expliquez.
– D’après l’extrait diffusé et le document 2, déterminez le fonctionnement politique et social de la démocratie populaire tchécoslovaque sous l’ère stalinienne. Soyez le plus précis possible !
– A la fin de l’extrait, A.L qui se trouve en France, décide d’aller faire éditer son ouvrage à Prague. A quelle date ? Pour quelle raison ? Que se passe-t-il à ce moment-là ? (s’aider du paragraphe 3 page 223 du livre).
– Commentez le dernier plan du film.

Les DOCUMENTS

Document 1 : chronologie page 216 (manuel Bréal de terminale, 2004).

Document 2 : le film de C. Costa-Gavras, L’Aveu, 1970, d’après l’œuvre autobiographique d’Artur London

Costa-Gavras vient de terminer Z lorsqu’il porte à l’écran le récit autobiographique d’Artur London, ancien Ministre des Affaires Etrangères de Tchécoslovaquie, sur le Procès de Prague (nov. 1952) dont il est l’un des trois rescapés. Comme son précédent film, celui-ci connaîtra un immense succès. Le 3 décembre 1952, l’un des plus spectaculaires procès de l’ère stalinienne s’achève à Prague par la pendaison de 14 prévenus et la dispersion de leurs cendres. Leur chef de file est Rudolf Slansky, ex-secrétaire général du Parti communiste tchécoslovaque, un communiste qui a eu le tort de déplaire à Staline. Les prévenus ont dû avouer des crimes fantaisistes et les accusateurs ne se sont pas privés d’exploiter l’antisémitisme à leur encontre. Arthur London, survivant du procès, racontera celui-ci dans L’Aveu. Le roman deviendra un film à succès de Costa Gavras, avec Yves Montand dans le rôle principal.

Prague. A.L. (alias Gérard) est vice-Ministre des affaires étrangères. Pourtant, malgré ses « états de service » et son passé irréprochable (en Espagne dans les Brigades Internationales, en France dans la Résistance, puis déporté dans un camp nazi) il est suspecté, surveillé, traqué : certains de ses collègues évitent de lui adresser la parole; au ministère des décisions sont prises sans même le consulter… Un dimanche de janvier 1951, dans une rue écartée, deux voitures encadrent celle de A.L. Des hommes armés surgissent, l’entraînent, lui passent des menottes, l’aveuglent; c’est un véritable enlèvement, non une simple arrestation. Au secret pendant des mois, A.L. a parfois l’impression de devenir fou : le temps s’efface, il lutte contre le manque de sommeil, la soif, ses mains sont enchaînées. Il est soumis à des interrogatoires tantôt brutaux, tantôt insinuants. Tout son passé, tous ses actes, semblent avoir changé de sens. D’abord il nie tous les méfaits imaginaires dont on l’accuse, pensant que la vérité éclatera un jour. Mais au fil des semaines, des mois, sa résistance s’effrite car il comprend qu’il n’est pas la victime d’une erreur mais bien d’une machination judiciaire. Par épuisement, par désespoir et parce qu’on lui demande de rendre ce dernier service à la cause, il finit par avouer tous les crimes dont on l’accuse. Dès sa disparition, sa femme a fait des démarches pour le retrouver, mais elle se heurte au silence des officines bureaucratiques. Très vite sa situation change : elle perd son emploi, ses enfants sont chassés de l’école. Lorsqu’à l’ouverture du procès elle apprend que son mari a avoué toutes sortes de crimes, elle le désavoue publiquement. A.L. ne sera pas condamné à mort. Après 1956 (époque de déstalinisation avec le XXeme Congrès en URSS) , il sera réhabilité, retrouvera sa femme et ensemble ils reconstruiront une nouvelle vie.

Document 3 : La fin du film de C. Costa-Gavras, L’Aveu, 1970, 22 dernières minutes.

Document 4 : 4 page 217 (manuel Bréal de terminale, 2004).

La CORRECTION

– Les communistes ont adopté en Tchécoslovaquie « la tactique du salami », consistant à évincer leurs adversaires politiques du gouvernement. Lors des élections libres des députés en mai 1946, le Parti communiste tchécoslovaque est en tête mais ne représente que 36% des voix (cas presque similaire à la France). Les communistes participent au gouvernement avec les autres formations politiques (libéraux et socialistes). Lorsque la guerre froide commence en 1947, la Tchecoslovaquie se retrouve politiquement déchirée et dans une position géostratégique inconfortable (territoire au contact de l’Ouest et de l’Est). Le gouvernement tchécoslovaque est prêt à accepter le plan Marshall en juillet 1947 mais sous la pression de l’URSS, il ne se rend pas aux conférences pour le mettre en place. En février 1948, l’URSS fait basculer définitivement la Tchécoslovaquie dans le camp des démocraties populaires, c’est le « Coup de Prague ». Le 20 février, les 12 ministres libéraux souhaitant un nouveau gouvernement débarassé de l’influence des communistes démissionnent. L’URSS par le Kominform agite l’opinion, les milices ouvrières, les syndicats ouvriers, pour que les communistes soient appelés au gouvernement par le président libéral Benes. Un nouveau gouvernement est donc formé par Gottwald dominé par les communistes. La Tchécoslovaquie organise alors de nouvelles élections en mai, mais selon le modèle soviétique : une liste unique établie par le nouveau Front national contrôlé par les communistes. En juin, le président libéral Benes démissionne et Gottwald prend sa place.

Les procédés de manipulation :

  1. les accusés récitent un texte appris par cœur visant à prouver leur culpabilité.
  2. Les accusés sont confinés dans une sorte d’isoloir en bois qui les empêche de communiquer entre eux.
  3. Tous les témoins sont à charge (déposition de la veuve de héros de guerre)
  4. La police d’Etat et les avocats font pression sur les accusés pour que « le procès soit de haute tenue politique » : allusions à leur famille, fausses promesses de peines modérées, de grâce pour les condamnés à mort.
  5. Les accusés sont sans doute drogués (médecins qui leur donnent des médicaments…)
  6. Les accusés ne font pas appel et acceptent tous la sentence les condamnant sous la pression de leurs propres avocats qui les manipulent (allusion à une conspiration internationale et notamment américaine contre la Tchécoslovaquie communiste avec l’élection du président Eisenhower aux Etats-Unis en novembre 52).

Conclusion : Le procès est une véritable parodie de justice, ce qui est dénoncée symboliquement par une courte scène où un des accusés frappe les trois coups avec ses doigts avant la reprise des auditions.
Ils sont accusés de :

  1. servir les intérêts de la bourgeoisie ou leurs propres intérêts au détriment de ceux de la classe ouvrière (ne pas être de bons communistes)
  2. espionner aux bénéfices de puissances occidentales, en particulier les Etats-Unis et le Royaume-Uni : « centre de conspiration contre l’Etat ». Etre des agents au service de l’impérialisme. (accusation de titisme qui s’inscrit dans cette logique).
  3. « cosmopolitisme » : relent d’antisémitisme qui est une des caractéristiques de la période stalinienne.

– Au niveau politique, on remarque l’utilisation de la propagande d’Etat avec notamment un contrôle sur tous les moyens d’information :

  1. retransmission radiodiffusée en direct du Procès
  2. caméras derrière les accusés qui filment le procès pour le diffuser aux actualités cinématographiques
  3. bande enregistrée qui passe à la radio en cas de défaillance d’un accusé sous l’ordre du président du tribunal.
  4. Presse politique à la solde du pouvoir qui manipule l’opinion par des comptes rendus très orientés : « crimes qu’ont commis les vampires de la trahison », « aux chiens, une mort de chiens ! »

Au niveau social, on retrouve l’intrusion de l’idéologie d’Etat dans la vie professionnelle et personnelle :

  1. diffusion du contenu de la ettre de l’épouse d’A.L écrite au président de la République pour condamner les agissements de son mari, par les hauts-parleurs de l’usine où elle travaille.
  2. Le directeur de l’usine redevenu simple ouvrier à la suite de l’embauche de la femme d’A.L (allusion lors de la scène dans le car) : rôle du parti communiste qui peut faciliter ou empêcher l’ascension sociale.
  3. Autres scène non contenues dans l’extrait mais indiquées dans le document 2 : perte de l’emploi de la femme d’A.L, déscolarisation de ses enfants, déménagement dans un appartement presque insalubre…

– En 1968, A.L décide d’aller faire éditer son ouvrage à Prague. Depuis le début des années 60 (déstalinisation) et la montée de la contestation sociale et intellectuelle (Congrès des écrivains de 1967), le régime communiste tchécoslovaque s’est assoupli. En 1968, un communiste réformateur, Dubcek accède au secrétariat du parti communiste tchécoslovaque. Il défend une ouverture de la vie politique à d’autres partis, l’abolition de la censure, la liberté de circulation. A.L pense que le moment est venu pour faire connaître son calvaire à la Tchécoslovaquie car le communisme change de nature (il est resté lui-même communiste). Le film montre qu’au moment où il vient faire éditer son livre une répression s’exerce contre le peuple tchécoslovaque réprimée par les forces du Pacte de Varsovie qui mettent fin à ce « printemps de Prague » le 20 août 1968.

– Le film s’achève par un gros plan sur un mur de Prague avec la célèbre formule : « Lénine, réveille-toi, ils sont devenus fous ». Cette phrase est le symbole du sentiment de la trahison par les forces du Pacte de Varsovie du communisme libérateur tel que le rêvait Lénine au début du XXe siècle, qui s’est transformé en force d’oppression.

Sur le WEB

http://www.imdb.com/title/tt0065439/
http://www.allocine.fr/personne/fichepersonne.html?cpersonne=4318