Congo – République démocratique depuis 1997 – Derrière le décor, la mort

Ce film réalisé en 2021 et qui devrait sortir en salle le 16 mars 2022, on le reçoit comme un coup de poing. Dans une actualité internationale quasiment anesthésiée par une pandémie dont le monde peine à sortir, on a tendance à oublier qu’à quelques heures d’avion de notre relative tranquillité, des criminels, des génocidaires, coulent des jours paisibles, chargés d’honneurs et de décorations, après avoir tué et massacré pendant près de 30 ans.

Congo 3
Thierry Michel, le réalisateur
Congo
Mobutu Président de la République du Zaïre – 24 novembre 1965 – 16 mai 1997

Cela se passe en République démocratique du Congo, dans ce pays qui s’appelait Zaïre, l’ancienne colonie belge devenue indépendante en 1960, et terrain de jeu des grandes puissances avant que ne s’installe au pouvoir, jusqu’à son départ forcé en 1997, l’homme à la toque léopard, Denis Mobutu.
À l’est de ce grand pays, de l’autre côté de la frontière, au Rwanda en 1994 a eu lieu le dernier génocide du XXe siècle. Une masse de réfugiés Hutus, dont les miliciens complices de crimes, se réfugie au Congo, tandis qu’au Rwanda le Tutsi Paul Kagamé s’installe au pouvoir.

Un opposant à Mobutu, Laurent Désiré Kabila s’installe au pouvoir, change le nom de son pays, en république démocratique du Congo, et sans doute pour que l’on comprenne bien que la démocratie n’a rien à voir dans cette histoire, ajourne les élections et interdit les partis politiques.
Pendant ce temps l’armée rwandaise soutenue par l’Ouganda pénètre au Congo, favorise la constitution de mouvements rebelles et c’est une véritable colonne infernale qui traverse le pays de l’Est vers l’Ouest se livrant à des viols, des pillages, des massacres contre les populations civiles.
Ce film montre cet enchaînement de violences multiples qui permet à des chefs de guerre de se constituer des territoires où ils peuvent se livrer à la prédation des matières premières, l’or et le diamant, le Coltan et le cobalt.

Congo – silence on meurt

Dans cette marche en avant, ce sont plus de morts qui s’accumulent. Les alliés d’hier deviennent les ennemis d’aujourd’hui pour s’assurer le contrôle d’un comptoir ou le diamant se négocie. Six jours de guerre à Kisangani, 6000 bombes sur cette ville, les morts ne se comptent plus.
Dans la province du Kivu, un milicien, adventiste du septième jour, proche de Kagamé, aujourd’hui réfugié au Rwanda s’est constitué un empire. Toujours la même violence, les mêmes massacres gratuits, qui n’ont autre but que de terroriser les populations.
C’est une galerie de portraits de criminels assumés que nous livre la caméra de Thierry Michel. Ce n’est pas un inconnu, il vient de terminer la réalisation de son 12e film sur le Congo. Le Docteur Mukwege, déjà connu pour avoir soigné les femmes victimes de viols pendant cette terrible période 1994 – 2004, s’est dressé à la tribune du prix Nobel de la paix à Oslo en 2018 pour rompre ce silence. Mais ce silence pèse encore. Alors que des criminels qui ont sévi en ex-Yougoslavie, au Cambodge, au Rwanda également, sont toujours poursuivis, une chape de plomb s’est abattue sur ce pays.

Est-ce que l’on sait que deux experts des Nations unies ont été assassinés le 12 mars 2017 ? Peut-on imaginer que des massacres ont pu être commis à moins de 800 m d’un camp de la mission des Nations unies au Congo, les casques bleus, forts de 20 000 hommes et totalement impuissants ?

Les Nations unies ont pourtant été à l’origine du rapport mapping. 600 pages parfaitement documentées d’horreur et de massacres. La liste des responsables existe pourtant, elle n’a jamais été publiée.
Voir ce film en avant-première est un privilège, car il apporte à l’historien un éclairage particulier sur ces « crimes de guerre, massacres de masse et génocides », sans mobiliser d’équipe particulière. Il s’agit des convulsions du temps présent, de celle que nous avons le devoir impérieux de faire connaître et d’expliquer.

Congo – La promotion des assassins

Caméra sur l’épaule, Thierry Michel qui parcourt ce pays depuis des décennies, donne à voir et à comprendre. Car il s’agit bien là d’une leçon de géopolitique, une fois que l’on a subi en direct la noirceur de l’âme humaine. Convoitises pour des ressources rares, celles qui alimentent les objets de notre quotidien, comme nos gadgets numériques ou nos voitures. Volonté de conquérir le pouvoir à tout prix, pour soi et pour son clan, son ethnie. Prédation des richesses d’un peuple traité comme du bétail et dont la vie n’a aucun prix.

Éric Ruhorimbere

Les images sont terribles, face à la révolte des habitants du Kansai, des militaires filment eux-mêmes leurs exactions. L’exécution des deux experts des Nations unies, Mickael Sharp et Zeïda Catalan est également filmée et leurs assassins portent des tenues civiles, avec les insignes du mouvement coutumier en révolte contre le gouvernement central congolais, mais il y a peu de doute sur les commanditaires réels de ce crime.
De la frontière rwandaise et ougandaise jusqu’au fleuve qui donne son nom au pays, le rapport Mapping dresse une cartographie des fosses communes et les charniers. L’impuissance de la communauté internationale qui détourne pudiquement le regard s’accommode finalement assez bien de cette situation. Les militaires massacreurs ont grimpé dans la hiérarchie, les dorures de leurs galons sont tachées de sang, et pour un certain nombre d’entre eux comme le sinistre Eric Ruhormbere, bourreau du Kivu et du Kansai, sont devenus généraux dans l’armée congolaise.
Pendant ce temps, dans ces forêts congolaises, les victimes mutilées qui ont survécu pansent leurs plaies, réclament justice, mais dans cet empire le silence demeure assourdissant.

Cinéaste, photographe et journaliste, des mines de charbon aux prisons, du Brésil et du Maghreb à l’Afrique noire, Thierry Michel dénonce les détresses et les révoltes du monde, mêlant parfois fiction et réalité. 
Né en 1952 à Charleroi en Belgique, dans une région industrielle surnommée “Le Pays Noir », Thierry Michel engage à 16 ans des études à l’Institut des Arts de Diffusion, à Bruxelles.
En 1976, il entre à la télévision belge où il réalise de nombreux reportages de par le monde. C’est ensuite le passage au cinéma. II va alterner deux longs-métrages de fiction et de nombreux documentaires internationalement reconnus, primés et diffusés.

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