Makala été tourné en République Démocratique du Congo ; l’on y suit Kabwita, un jeune villageois qui espère offrir un avenir meilleur à sa famille et qui a pour seules ressources ses bras, la brousse environnante et une volonté tenace. Kabwita travaille comme « charbonnier » dans la région du Katanga, au sud du pays, plus précisément autour de la ville de Kolwezi. On le suit sur des routes dangereuses et épuisantes pour aller jusqu’à la ville, où il va vendre le fruit de son travail.

Proposé sur Clio-Ciné en visionnage bien avant sa sortie en salle, le 6 décembre prochain, ce film documentaire grand format d’Emmanuel Gras a été tourné au sud du Congo, dans cette région que l’on appelle le Katanga, et qui fut, au moment de l’indépendance du Congo belge en 1960 le lieu de combats particulièrement violents avec l’intervention de mercenaires occidentaux venant défendre les intérêts des compagnies minières belges implantées dans le secteur.

La ville principale de cette région est Kolwezi, le lieu où le charbonnier Katwiba Kasongo cherche à vendre sa production de charbon de bois issu de l’abattage des arbres dans la brousse. Installée à 50 km de Kolwezi, la famille de Katwiba dispose de très peu de moyens pour vivre. Des prélèvements de rongeurs leur permettent de se nourrir, avec quelques cultures de manioc, tandis que les ressources monétaires sont issues de la production de charbon de bois, la principale source d’énergie pour la population du pays.

Avec des moyens très rudimentaires, une hache, une pelle et une pioche, Katwiba abat les arbres, et construit à la main un four en terre dans lequel il réalise la transformation du bois en charbon. Ce charbon de bois que l’on utilise dans les pays développés de façon festive pour les barbecues est essentiel à la cuisson pour près de 90 % de la population du pays.

La croissance démographique de cette population, autour de 75 millions d’habitants, entraîne une pression très forte sur cette ressource en bois qui n’a plus vraiment le temps de se renouveler. La forêt recule, au rythme de 80 millions de mètres cubes de bois par an. Les conséquences sur la biodiversité sont énormes, d’autant que la pratique de la culture sur brûlis contribue également à la déforestation.

Le visionnage de ce documentaire d’une heure et 30 minutes peut surprendre. On assiste véritablement à une tranche de vie qui se déroule avec une certaine lenteur. L’abattage d’un arbre avec des outils manuels, – on est très loin de la tronçonneuse industrielle des sociétés d’abattage ! –, La construction du four à charbon, tout cela se déroule au rythme de journées qui sont bien remplies.

Transport sur 50 km

Ce charbon, Katwiba va devoir le transporter avec un vélo, sur lequel il attache en utilisant des sangles de récupération confectionnées avec une chambre à air de camion, plus de 60 kg de charbon. Le vélo sert de brouette, il n’est pas question ici de pédaler. Au fil de la route, à travers des pistes, parfois accidentées, le charbonnier croise finalement peu de monde. Les contacts sont rares, et Katwiba, en plus de son chargement doit emporter son eau et sa nourriture. Sur la route un camion renverse son vélo, et le spectateur souffre avec lui lorsqu’il doit ramasser morceau par morceau le précieux charbon répandu hors d’un sac éventré.

Au fil de cette route qui le conduit à Kolwezi, on retrouve toutes les problématiques du sous-développement en Afrique. À l’entrée de la ville un policier rançonne littéralement les charbonniers, et exige de l’argent ou tout simplement un sac de charbon. Près de 2000 Francs congolais, soit 1,10 €.
Sur le marché de Kolwezi, Katwiba se retrouve confronté à la dure loi du marché. Les revendeuses de charbon cherchent à obtenir le meilleur prix, et au final, alors que la vente se termine, le prix espéré de 3500 Fr. congolais pour un sac de charbon fini par tomber à 2000, transport compris.

Ce jeune homme n’a pas d’autre ambition que d’acheter des plaques de tôle pour se construire un toit. 11 500 Fr. Congolais pièce. Ce que sa cargaison de charbon de bois représente au final. Il repartira sans avoir réalisé son rêve. Le bénéfice qu’il a tiré de ce travail sera utilisé pour acheter des médicaments pour soigner sa fille malade, et le documentaire montre, en filigrane, ce fléau qui est celui des médicaments contrefaits qui sont vendus en Afrique dans des conditions sanitaires déplorables.

11000 Francs congolais – 7 euros pour 60 kg de charbon

Le documentaire se termine curieusement par une scène religieuse, qui montre l’implantation de la diffusion des églises évangéliques sur le continent africain. Des prières collectives ou des références à l’Évangile viennent se mélanger à des pratiques animistes apportent une certaine forme de réconfort à celui qui est le héros de ce documentaire. Il repartira vers son village de Walemba, la charge sera plus légère et il pourra pédaler, ce qui représente tout de même, avec ce type de vélo et sur les routes de brousse plus de deux bonne journées d’efforts.

En matière d’exploitation pédagogique, il y aurait beaucoup à faire sur ce film, malgré quelques longueurs qu’il faudrait réduire. La question des ressources, de la pression démographique sur celle-ci, sur le développement, sur l’impact de la déforestation, peuvent trouver dans ce documentaire de très nombreuses illustrations. De la même façon la scène avec le policier corrompu, filmé à distance forcément, susciterait de très nombreuses interrogations de la part de collégiens ou de lycéens qui ont du mal à imaginer que ce type de situation est d’une banalité affligeante sur tout le continent.

Cela pourrait ouvrir des pistes pour traiter cette question du programme de terminale sur le continent africain face au développement et à la mondialisation. Mais cela aurait été sans doute plus pertinent si le lien avec la richesse minière du Congo, et principalement du Katanga, avait été évoqué. En effet, sans doute quelques dizaines de kilomètres de ce village où la famille de Katwiba vit au rythme de cette production informelle de charbon de bois, se trouve l’un des plus importants potentiels miniers d’Afrique. Mais cette richesse est détournée depuis l’indépendance par des gouvernements prédateurs, et notamment celui de Joseph Kabila, successeur de son père

Laurent Désiré en 2006. On avait beaucoup espéré pour le Congo lors du départ de Mobutu, plus corrompu encore probablement que ses successeurs et qui a fini ses jours en exil au Maroc. L’instabilité politique de ce pays, qui subit les répercussions des conflits chez ses voisins, notamment au Rwanda, tout comme les troubles graves au Nord Kivu, constitue probablement les freins les plus importants au développement.

Pour ce charbonnier de la brousse qui rêve de construire un toit pour sa famille, avec une maison de trois pièces,– quelle folie ! – les perspectives sont aussi sombres que le charbon qu’il extrait de la forêt, participant ainsi, peut-être de façon irréversible, à la destruction de la forêt primaire. Il n’en est évidemment pas responsable, et c’est le principal mérite de ce documentaire, qui est de montrer cette situation bloquée dans lequel une bonne partie des Africains se retrouvent, alors que leur continent connaît, sur des secteurs bien privilégiés, de très importantes perspectives de croissance.

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