Exploitation pédagogique d’un extrait du documentaire passée sur ARTE en mars 2007 (L’Europe des Fronts populaires, Laurence Jourdan, Arte, 2006).

Présentation du travail

Cadre de la leçon : les Fronts Populaires en Europe et notamment en France : des expériences politiques qui ont marqué la mémoire collective.

Problématique : Pourquoi l’expérience politique des Front populaires en Europe et notamment en France a-t-elle marqué des changements profonds ?

Document 1 : Un extrait du documentaire L’Europe des Fronts populaires, Laurence Jourdan, Arte, 2006. (17 minutes : des élections municipales en France en mai 1935 au refus de L. Blum d’engager la France dans la guerre d’Espagne)

Document 2 : document 8 page 227 (Hatier, Première ES/L).

Questionnement

A l’aide de ces deux supports, répondez de manière précise aux questions suivantes :

  1. A partir de quel moment un rapprochement entre les partis de gauche apparaît-il en Europe ? Autour de quelles idées ce rapprochement a-t-il lieu ? Cette stratégie est-elle efficace ? Pour quels pays ?
  2. Quelle est l’attitude de l’URSS face à la mise en place de Fronts populaires en Europe ? Expliquez.
  3. Dans quelle atmosphère le Front Populaire s’empare-t-il du pouvoir en France au printemps 1936. Commentez les images d’occupation d’usines. Quelles sont les conséquences de ces occupations sur la politique du Front populaire ?
  4. Avec la mise en place des Fronts populaires en Europe, on assiste aussi à une montée significative du rôle des femmes dans la vie politique. Montrez-le par différents indices.
  5. Dès la mise en place du Front populaire en France en 1936, des difficultés surgissent pour des raisons internes et externes. Tentez de les retrouver dans ce documentaire.

Correction

1- A partir des années 1934/1935, on assiste à un rapprochement entre les partis de gauche en Europe en réaction à la montée des fascismes européens, notamment après la prise de pouvoir des Nazis en Allemagne et le procès des présumés incendiaires du Reichstag (notamment Dimitrov) qui sert de prise de conscience aux partis de gauche européens. Le rapprochement s’effectue autour :
– de la défense des valeurs démocratiques contre les pratiques fascisantes.
– de la défense des idées pacifistes face à l’attitude agressive des fascismes « la paix » , « contre la guerre »
– d’une meilleure répartition des ressources et du travail en temps de crise : « le pain, le travail », « contre la misère ».

Cette stratégie est efficace au moins dans deux pays européens : l’Espagne et la France où les Fronts populaires arrivent jusqu’au pouvoir. En France, aux élections municipales de 1935, avec le principe du désistement pour le candidat de gauche le mieux placé (principe pour la première fois mis en application), la gauche remporte beaucoup de mairies, notamment en banlieue parisienne (« la banlieue rouge »). L’Espagne est le premier pays européen où les forces de gauche rassemblées accèdent au pouvoir. Dans d’autres pays européens, les résultats sont moins évidents comme en Belgique où l’alliance des socialistes avec les communistes est rejetée au bénéfice du nationaliste Léon Degrelle et en Grèce où le roi met en place une dictature militaire.

2- L’URSS appuie la formation de Fronts populaires dès 1936. Maurice Thorez secrétaire général du parti communiste français se rend en URSS à la fin du mois de juillet 1935 pour souligner l’importance du Rassemblement populaire du 14 juillet 1935 qui a vu le rapprochement des forces de gauche : communistes, socialistes et radicaux. Au nom de la lutte contre le fascisme, les communistes peuvent s’allier avec d’autres forces. C’est la position notamment défendue par Dimitrov que les Allemands avaient accusé d’avoir incendié le Reichstag en 1933.

3- Le Front populaire s’empare du pouvoir en France après les élections législatives de mai 1936 qui ont lieu dans un climat social très tendu (mouvements de grèves, occupations d’usines…). La crise économique a accentué la misère parmi les ouvriers et on assiste à une montée de leurs revendications, notamment à travers le développement des syndicats (« ruée syndicale » visible dans les effectifs de la CGT). Les images d’archives permettent de voir des boutiques fermées. Les occupations d’usines se multiplient dans une atmosphère pourtant joyeuse : chants, danses, bals se déroulent sur les lieux de travail. Ces occupations ont pour conséquence d’accentuer les réformes prises par le gouvernement du Front populaire qui vient de se former début mai 1936. Ainsi, la semaine de 40 heures de travail est décrétée, ainsi que des congés payés (2 semaines qui profitent à 500.000 travailleurs), la mise en place de conventions collectives pour régler les rapports entre ouvriers et patrons mais aussi la mise en place d’un office du blé pour assurer aux agriculteurs un revenu garanti et le prolongement de la scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans. Au mois de juin 1936, les grèves s’interrompent, notamment à l’initiative du parti communiste français qui soutient sans y participer le gouvernement Blum et de Maurice Thorez (« il faut savoir arrêter une grève ») car les avancées sont jugées suffisamment importantes et qu’il convient pour les forces de gauche de montrer qu’elles ont la main mise sur les milieux populaires.

4- Plusieurs indices permettent de voir le rôle des femmes dans la vie politique s’accentuer :
– en France, lors des élections municipales, on aperçoit la permanence d’une candidate dite féministe : Louise Weiss.
– Dans la foule, lors de la manifestation du Rassemblement populaire le 14 juillet 1935, on aperçoit des femmes, ainsi qu’en Espagne lors de la victoire des forces de gauche.
– Le documentaire présente le portrait et un court texte d’une philosophe engagée aux côtés des manifestants et témoignant de la force de la volonté populaire : Simone Weil.
– On aperçoit aussi Dolores Ibarruri dite la Pasionaria appeler à la résistance en Espagne lors de la guerre civile contre le fascisme : « nous ne les laisserons pas triompher ».
– Enfin, la voix off indique que le Front populaire en France pour la première fois accueille des femmes au gouvernement. C’est la première fois qu’elles participent à un gouvernement alors qu’elles n’ont pas encore le droit de vote. En fait, il s’agit de 3 sous-secrétaires d’Etat, ce qui n’est pas précisé dans le documentaire : « Il y a la dame aux cheveux gris, Mme Brunschwick [sic en fait Cécile Brunschvicg], la femme du célèbre philosophe qui s’est dévouée avec beaucoup de courage aux oeuvres charitables, il y a la savante célèbre dont les travaux font honneur à la France, Irène Joliot-Curie, et puis il y a, toute menue, modestement habillée, Suzanne Lacore la petite institutrice d’un village dans la Dordogne, la militante de toujours « .

5- Les difficultés apparaissent en effet rapidement pour les Fronts populaires.

Elles sont d’abord d’ordre externe :
– avec la montée inexorable des forces fascistes et dictatoriales en Europe : Belgique, Grèce mais surtout insurrection franquiste en Espagne qui précipite le pays dans la guerre civile dès 1936.
– avec l’attitude des sociaux-démocrates européens qui refusent une alliance avec les communistes et de soutenir l’Espagne républicaine.

Elles sont aussi d’ordre internes à la France :
– opposition des ligues de droite qui manifestent pour s’opposer aux réformes, notamment les Croix de feu (on aperçoit une banderole)
– fuite des capitaux de la bourgeoisie et du patronat vers les pays étrangers
– début de l’éclatement du Front populaire avec la rupture des communistes et des intellectuels (comme Romain Rolland) qui souhaitent que la France s’engage ouvertement dans la guerre d’Espagne. Mais au nom du pacifisme, Blum campe résolument sur le principe de la non-intervention sous la pression des sociaux-démocrates européens qui ne veulent pas d’un conflit généralisé.

L'Eruope des Fronts populaires
L'Eruope des Fronts populaires