Les enseignants trouveront sur le site Zéro de conduite
— Un dossier pédagogique comprenant une analyse du film et deux entretiens avec le politologue Jean-Sylvestre Mongrenier et avec l’amiral François Dupont, ancien commandant de sous-marin nucléaire — 3 fiches d’activité dont une en Histoire : « Étudier le déclin de la puissance russe après la Guerre froide à travers le film Kursk » — Le supplément édité par le magazine HISTORIA

Clio-ciné en avant première !

Largement présenté dans les différents dossiers proposés par nos partenaires et amis de zéro de conduite, ce film que nous avons eu la chance de voir en avant-première peut s’inscrire dans la tradition de ces huis clos sous-marins, un genre très classique dans le cinéma d’action.

https://fr.rbth.com/art/81567-films-sous-marins-nucleaires-russie

Comme peut le constater sur le lien ci-dessus, depuis 1965 et jusqu’en 2018, pas moins de huit films à suspense ont été consacrés à cet univers très particulier des sous-marins construits pendant la période soviétique.

Pendant la période de la guerre froide l’Union soviétique a cherché à rattraper son retard dans le domaine maritime, notamment avec la propulsion nucléaire pour les sous-marins. Dans ce domaine les États-Unis ont fait la course en tête avec le lancement du Nautilus en 1955. C’est en 1958 que ce bâtiment parvient sous la banquise, ce qui permet bien évidemment le lancement, en cas de guerre, de missiles balistiques au plus près du territoire soviétique.

Dès 1957, les soviétiques font de même, et lance le premier K3, qui ne sera retiré du service qu’en 1988.

Pendant toute la période de la guerre froide, et notamment à partir de l’épisode de la crise des fusées à Cuba, l’Union soviétique n’a eu de cesse de développer une marine pouvant s’opposer sur tous les fronts à l’U.S. Navy.

Dans ce contexte très particulier la priorité pour l’amirauté soviétique a été de privilégier les armes d’interdiction, c’est-à-dire très concrètement les sous-marins capables, en cas de guerre contre l’OTAN, de prendre le contrôle de l’océan Atlantique. Cette démarche rappelle d’ailleurs celle de l’Allemagne pendant la bataille de l’Atlantique.

Disposant de grandes quantités de matières premières, et notamment le titane, à l’échelle industrielle, les chantiers navals soviétiques ont développé différents modèles de sous-marins, avec comme choix privilégié celui des sous-marins nucléaires d’attaque, un choix qui ne s’est pas démenti encore aujourd’hui.

Le film nous ramène au tout début de la période qui voit l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir. Mes séjours en Russie post soviétique, entre 1991 et 2000 m’ont permis de constater, à proximité de la mer de Barents, l’état de délabrement de la flotte soviétique. À Saint-Pétersbourg, jusque devant le bâtiment de l’amirauté, des matelots de la marine Russe cherchaient à trouver des dollars des euros auprès des touristes, en leur vendant des pièces d’uniforme. On retrouve cette atmosphère de décomposition avancée dans les premières images du film. Les soldes ne sont pas versées, l’essentiel de l’activité des marins consiste à organiser leur survie et celle de leur famille, parfois en travaillant à l’extérieur. Inutile de dire que dans cette situation toutes les tâches de maintenance, d’entraînement, ont été forcément négligées, faute de moyens.

Malgré tout, les officiers du bord du Koursk, un sous-marin lance-missiles de 154 m de long et de 13 500 t de déplacement, restent soudés. Ils vendent leurs propres montres de sous-mariniers pour offrir du champagne à l’un des leurs qui se marie avant de partir en patrouille.

Le film reprend la thèse communément admise d’un accident lié à une fuite du combustible d’une torpille, même si plusieurs incertitudes demeurent. Les zones d’ombre que la marine Russe a volontairement entretenues ont permis en 2005 la réalisation d’un documentaire éponyme « un sous-marin en eaux troubles ». Pendant les manœuvres, à la suite d’une collision accidentelle entre le Toledo, un sous-marin nucléaire américain, et le Koursk, le Memphis, associé au Toledo, aurait lancé une torpille contre le Koursk pour protéger la fuite premier submersible endommagé.

Les États-Unis pourraient donc être à l’origine du naufrage du Koursk. Au nom de la raison d’État, Vladimir Poutine aurait volontairement laissé mourir les survivants, car révéler ce qui s’était réellement passé aurait rendu impossible tout rapprochement avec les États-Unis, avec possibilité d’un conflit armé. L’enquête officielle aurait ensuite laissé filtrer des explications en rapport avec une alternative plausible acceptable par les opinions publiques, que les médias institutionnels ont relayé.

Cette thèse de l’implication américaine est, entre autres, défendue dans un film documentaire de Jean-Michel Carré : « Koursk : un sous-marin en eaux troubles ».

Cette hypothèse a pu être entretenue par le développement, par la marine soviétique, dès les années 70, de systèmes permettant de « tuer les porte-avions » de l’U.S. Navy, avec de véritables missiles sous-marins, comme la torpille à cavitation Chkval. Cette torpille de deux tonnes, de conception initiale relativement ancienne (années 1970), pourrait filer à 500 km/h sous l’eau.

Les scènes d’action, dans un huis clos sous-marin, sont évidemment limitées. Pendant plusieurs minutes, une fois la patrouille commencée, l’équipage prend ses marques, et l’on peut comprendre l’extrême rigueur nécessaire pour réaliser toutes les opérations dans un milieu fondamentalement hostile. L’officier d’armement signale une légère montée en température de la torpille destinée à être testée, il en demande le lancement sept minutes avant l’instant prévu, en vain. Le combustible particulièrement corrosif et instable de la torpille déclenche une première explosion suivie d’une deuxième causée par l’incendie et le dégagement de chaleur.

Le deuxième huis clos se situe dans ce face-à-face entre les familles des marins et l’état-major de l’amirauté.  La nécessité du secret, une certaine forme également d’orgueil national, interdisent que l’on fasse appel aux États-Unis et à la Norvège pour venir en aide aux sous-mariniers survivants, 23 sur 118 dans le compartiment 9 situé à l’arrière.

La réalisation est particulièrement soignée. Les paysages particulièrement mornes qui entourent la base navale de la flotte du Nord sont bien montrés, et la reconstitution de ces intérieurs domestiques dans lesquels vivent les familles absolument remarquables. C’est très exactement le type de décor dans lequel on pouvait se retrouver lorsque l’on a pu voyager en Union soviétique, et pendant la première période post communiste.

La construction de l’histoire est évidemment particulière. Le spectateur connaît évidemment la fin, inéluctable, même si des incertitudes demeurent encore sur la durée exacte pendant laquelle les rescapés ont pu survivre. On imagine sans peine la montée de l’angoisse au fur et à mesure que le froid gagne les corps, que le niveau de l’eau monte, tandis que l’espoir de survivre s’éloigne. Dans le film pourtant, Mikhaïl le personnage principal, se bat jusqu’au bout, les hommes suivent, toujours soudés, en espérant le miracle, et l’arrivée d’un navire de sauvetage qui ne viendra jamais.

Les images les plus fortes se déroulent pendant la cérémonie religieuse, pour les obsèques des marins. Les enfants refusent les condoléances de l’amiral de la flotte, réponse terrible à celui qui est rendu responsable de cette tragédie.

Le dossier de Zéro de conduite

Un film de Thomas Vinterberg Avec : avec Matthias Schoe-naerts, Léa Seydoux, Colin Firth, Peter Simonishek… France, 2018 Durée : 117 min

Le 10 août 2000, le sous-marin nucléaire lanceur de mis­siles de croisière russe K-141 “Koursk” appareille pour prendre part à un exercice naval dans la Mer de Barents, au nord de la Russie occidentale. Il s’agit du premier exercice naval de grande ampleur depuis la chute du bloc soviétique, réunissant trente navires de surface et trois sous-marins. Selon les mots du nouveau président russe, un certain Vla­dimir Poutine, l’opération doit « rappeler au monde que la Russie est une force incontournable sur les océans de la planète ». Mais l’opération de prestige tourne à la catas­trophe : le 12 août, une première explosion est enregistrée, à l’avant du Koursk, fleuron de la Flotte du Nord. Deux mi­nutes plus tard, une deuxième explosion, d’une magnitude si forte qu’elle est enregistrée par des sismographes jusqu’en Alaska, achève d’envoyer le sous-marin par le fond. À son bord, au moins 23 des 118 membres de l’équipage ont sur­vécu, et se réfugient dans un compartiment à l’arrière. Pen­dant neuf jours, le monde entier va suivre les opérations de sauvetage, qui échouent une par une, tandis que la Russie refuse catégoriquement l’aide internationale. La communi­cation de l’état-major, opaque et contradictoire, est désas­treuse. La Russie décide finalement d’accepter la main ten­due des forces britanniques et norvégiennes présentes dans la zone, mais il est trop tard. Quand les plongeurs norvégiens finissent par ouvrir la trappe d’accès au compartiment où s’étaient réfugiés les survivants, c’est pour le découvrir com­plètement inondé.

L’histoire

KURSK relate le naufrage du sous-marin nucléaire russe K-141 Koursk, survenu en mer de Barents le 12 août 2000. Tandis qu’à bord du navire endommagé, vingt-trois ma­rins se battent pour survivre, au sol, leurs familles luttent désespérément contre les blocages bureaucratiques qui ne cessent de compromettre l’espoir de les sauver.