1. Histoires d’une nation (1870-1927). Le pays où l’on arrive.
  2. Histoires d’une nation (1927-1954). Des héros dans la tourmente.

Les simples d’esprit dénonceront sans doute le politiquement correct devant ce documentaire qui entend montrer la variété des mémoires françaises d’aujourd’hui avec la complexité et la multiplicité des itinéraires qui permettent aux derniers arrivés de faire France aux côtés de leurs nouveaux compatriotes. On est donc loin d’une monographie vidéo sur les immigrés venus de tel ou tel lieu.

L’émission est rafraichissante et accroche son public au moyen d’individus connus comme Michel Cimes, Ramzi Bédia ou Michel Drucker racontant sans exhibitionnisme leur propre expérience de la différence. Le site de France TV annonce un film novateur, où les héritiers racontent l’histoire au présent pour mieux lui donner chair et toucher un large public. Le choix est louable et naïf. C’est oublier qu’on ne fait pas d’histoire avec la seule mémoire des héritiers, voire des protagonistes eux-mêmes, en se passant de tout appareil critique. Si on n’a pas une telle exigence pour les témoignages, il n’en est pas de même lorsque le récit prend un ton qui trahit sa prétention historique. On aurait préféré davantage de distance avec le sujet colonial. La narration peine à demeurer dans le registre de la présentation et semble peiner sans cesse à ne pas s’avouer tentée par la dénonciation.
Le jeu des témoignages croisées a l’inconvénient de pas filtrer les coquilles. On note deux énormités des frères Légitimus sur leur aïeul, selon eux uniquement perçu comme noir et dérangeant alors que le regard porté sur lui, s’il fut effectivement raciste, fut aussi indissociable d’une série de scandales électoraux et politico-financiers). On n’échappe pas au stéréotype paresseux sur les tirailleurs qui auraient systématiquement été placés en première ligne (ce qui est faux). Certes, c’est une parole de descendants et non d’experts mais on aurait gagné en pertinence à la faire commenter par un historien. Il y a quelques années, un autre documentaire avait permis à un réalisateur (qu’on a vu en d’autres temps dans une mémorable passe d’armes avec un philosophe-salonnard médiatique hors-de-lui) à on ne sait quel titre affirmer la même ineptie avec autant d’aplomb. Chacun sait que, pour les médias, comme pour les brèves de comptoir, n’importe quel cinéaste, acteur ou animateur TV radio est un historien en puissance. La présentation du 6 février 1934 donne lieu à la bourde rituelle et routinière à propos du Palais Bourbon qui, à cette date, abrite la Chambre des députés (qui n’est pas encore de Front populaire) et non l’Assemblée nationale (réunion extraordinaire de tout le parlement à Versailles … ou à Vichy le 10 juillet 1940). C’est pourtant sur cet amalgame d’institutions distinctes que se fonde une certaine mauvaise foi (en particulier un polémiste connu pour ce genre de perles) pour faire de Vichy l’enfant du Front populaire. C’est une raison pour y prêter attention.

Une fois passé l’agacement que suscitent toujours les approximations de nombre de documentaires historiques (mais reconnaissons que d’autres volent beaucoup plus bas), il reste un récit centré sur la France où l’on parle d’étrangers qui font France au côté de ceux qui sont déjà français? Cela donne quand même une bouffée d’oxygène même s’il manque beaucoup d’éclaircissements historiques dans un propos où la mémoire semble régulièrement l’emporter sur l’histoire.

 

Dominique Chathuant, 10 septembre 2018