On lira avec intérêt cette étude de Lionel Lacour, qui serait sans doute particulièrement pertinente pour travailler en première sur les années trente. Encore une fois, la réorientation de Clio-lycée et de CinéHIG s’incrit dans une démarche de veille scientifique au service des enseignants.
Après autour du Premier Mai, (Voir l’article précédent), le travail avec Cinesium, apparait prometteur. Et une fiche de travail pourrait être mise en ligne sur Clio-Lycée

Drôle de drame: une comédie pas si légère que ça

En octobre 1937 sortait le film Drôle de drame réalisé par Marcel Carné, plaçant l’action comme celle du livre d’où est tiré le film, dans l’Angleterre victorienne. Le jeune réalisateur avait rassemblé une somme de talents vertigineux pour cette comédie loufoque immortalisée par le fameux dialogue entre le Docteur et l’évêque: « Bizarre, vous avez dit bizarre ». En effet, le film affiche une distribution de premier choix: Michel Simon, Louis Jouvet, Françoise Rosay sans compter des petits nouveaux qui allaient faire du bruit ensuite: Jean-Louis Barrault et Jean-Pierre Aumont, le tout animé par la grâce d’un scénario et de dialogues de Jacques Prévert, qui avait déjà collaboré avec Carné pour son précédent film Jenny. Bizarre, tout est bizarre dans le film.

http://cinesium.blogspot.fr/2012/11/drole-de-drame-une-comedie-pas-si.html

Par Lionel Lacour

Personne ne sort véritablement vainqueur de l’histoire, et sûrement pas la vérité. Seul l’amour entre Eva et Billy peut avoir une chance d’exister désormais. En plein front populaire, Prévert et Carné ne sont tendres avec personne. Pas avec les bourgeois qui ne se satisfont que de leur image et de vivre dans le confort; pas les détenteurs de la morale comme l’évêque qui imposent aux autres ce qu’ils ne savent pas s’imposer à eux, pas la police qui se satisfait d’un aveu sans preuve et qui a l’avantage de résoudre une affaire, et même pas le peuple qui en masse n’est animé que de pulsion finalement autoritaires. Ce n’est pas le premier film à étriller cette vision angélique que la victoire du Front populaire avait fait naître, celle d’une vérité, d’une pureté populaire. Duvivier dans La belle équipe et même dans L’homme du jour n’avait pas manqué de tempérer cet élan romantique. Renoir qui avait magnifié l’idéal du collectif dans Le crime de Monsieur Lange n’allait pas tarder à être plus critique vis-à-vis de la réalité de la sagesse et bienveillance populaire dans La règle du jeu en 1939 où personne n’était non plus épargné. Carné lui-même reprendra ce thème d’une foule pouvant être animée par des haines et des passions néfastes dans Le jour se lève. Et si Billy et Eva ont toutes les chances de pouvoir s’aimer, l’amoureux que jouait Gabin dans ce film n’allait pas avoir d’autres solutions que de mourir. Et avec lui, les illusions des spectateurs peut-être, de Carné sûrement.

DRÔLE DE DRAME (1937)

FICHE TECHNIQUE

_* Scénario : d’après The Lunatic at Large, His First Offence de Storer Clouston.

_* Adaptation et dialogues : Jacques Prévert.
Images : Eugen Schüfftan assisté de Louis Page et Henri Alekan.

_* Assistants réalisateurs : Pierre Prévert et Claude Walter.

_ * Décors : Alexandre Trauner.

_* Costumes : Lou Tchimoukov.

_* Musique : Maurice Jaubert.

_* Directeur de production : Charles David.

_* Son : Antoine Archimbaud.

_* Montage : Marthe Poncin.

Interprètes :

Françoise Rosay (Margaret Molyneux), Michel Simon (Irwin Molyneux/Félix Chapel), Louis Jouvet (Archibald Soper, évêque de Bedford), Jean-Pierre Aumont (Billy, le laitier), Nadine Vogel (Eva), Pierre Alcover (l’inspecteur Bray), Jean-Louis Barrault (William Kramps, le tueur de bouchers), Henri Guisol (le journaliste Buffington), Agnès Capri (la chanteuse de rue), René Génin (le balayeur), Marcel Duhamel (le fêtard qui aime les enterrements), Ky-Duyen (l’hôtelier chinois), Jeanne Lory (la tante Mac Pherson), Jean Sinoël (le gardien de prison), Madeleine Suffel (Victory, gouvernante de la tante), Yves Deniaud (un policier en civil), Max Morise (James, le valet de chambre), Fabien Loris (le policeman à l’œil au beurre noir), Guy Decomble (le maquereau), Jenny Burnay (Mme Pencil), Annie Carriel (Elisabeth Soper), Claudie Carter, Fabien Loris, Maurice Marceau, Francis Korb, Frédéric O’Brady, Margot Capelier (une cliente du salon de thé).

_* Production : Édouard Corniglion-Molinier.

_* Tournage : mai-juin 1937, studios Pathé-Cinéma (Joinville).

_* Distribution : Pathé puis (1951) Les Grands Films classiques.

_* Sortie : 20 octobre 1937, au Colisée (Paris).

Durée : 105 minutes.