Alice Winocour, dans son premier long métrage, porte à l’écran en la réinterprétant l’histoire d’Augustine, célèbre patiente du professeur Charcot…une histoire d’amour et de domination.
En 1885 à Paris, à l’hôpital de la Salpétrière, le professeur Charcot cherche à comprendre une mystérieuse maladie : l’hystérie. Augustine, jeune bonne de 19 ans va devenir son cobaye et la vedette des « Leçons du Mardi » où elle est exhibée au public.
Le film se structure autour de la relation entre le médecin et sa patiente, qui d’objet d’étude devient un objet de désir.
Si le film n’est pas a proprement parler un film historique, il explore en filigrane notre histoire intellectuelle, culturelle et sociale.
Le film se penche d’abord sur une grande page de l’histoire de la médecine.
Il montre comment Charcot, considéré comme le père de la neurologie moderne, fait de l’hystérie son objet d’étude principal. On le voit chercher à comprendre l’hystérie comme une pathologie. Avec son cobaye, il utilise la méthode expérimentale et est très attaché à la description clinique. Cependant ses efforts théoriques ne suffisant pas à soigner, il prend des risques et utilise l’hypnose, pour faire remonter les souvenirs traumatiques. Il ouvre ainsi les portes de la psychanalyse. C’est d’ailleurs en 1885, précisement que Freud a suivi les cours de Charcot à La Pitié.
Dans ce siècle encore imbu de ses valeurs scientistes, Charcot est présenté ici aussi, comme un homme de science saisi par le doute, en particulier, au moment où il est enfin accepté à l’Académie des Sciences. Il doit en effet la réussite de sa présentation à la simulation d’une crise d’hystérie par Augustine.
Ainsi se joue devant nous, spectateurs, un moment important de l’histoire de la psychiatrie.
Le film repose également sur l’histoire d’une double domination de genre et de classe.
La domination masculine totale qui caractérise l’organisation sociale de l’époque s’exprime au travers de plusieurs scènes.
A la Salpétrière les femmes sont considérées comme des objets par les médecins (qui sont des figures toutes puissantes) : on les observe, on les exhibe, on les palpe, on ne s’adresse pas directement à elles. A la « Leçon du mardi », des hommes respectables du haut de l’amphithéâtre, viennent observer l’hystérique (le rapport de domination étant exprimé dans les plongées et contre plongées). La femme bourgeoise est aussi asservie, l’épouse de Charcot elle même est maintenue par le carcan d’un corset.
En plus d’être une femme, Augustine est une bonne qui travaille dans une famille bourgeoise; comme les femmes enfermées à la Salpétrière, elle est une femme du peuple. Alors que Charcot et les médecins sont les représentants de la classe dominante.
Mais les rapports de domination s’inversent…Pour Charcot, Augustine devient peu à peu un objet de désir. Elle se délivre peu à peu de la domination masculine et d’une société qui impose à tous la frustration sexuelle. Elle va s’émanciper en amenant Charcot à transgresser les limites de sa fonction et à tomber du côté du désir.
Ainsi Augustine est devenue maîtresse de sa guérison, elle s’enfuit de la Salpétrière, elle est libre. Charcot lui semble rester prisonnier…
Si ce film dresse de manière subtile le portrait d’une époque et de l’un de ses symptôme : l’hystérie, c’est aussi ll’histoire d’un rapport de domination qui s’inverse et qui permet à Augustine de se libérer. A voir et à conseiller.