Presque – Un fim de Bernard Campan, Alexandre Jollien – Avec Bernard Campan, Alexandre Jollien, Marilyne Canto, en salles le 26 janvier 2022
Ce film permet incontestablement d’ouvrir une réflexion en enseignement moral et civique sur la question du handicap et sur le regard que l’on peut porter, de façon générale, sur la diversité.
Cette question mérite très largement d’être posée, dans le contexte actuel, avec le choix qui est fait de « l’inclusion ».
Dans la pratique, il s’agit d’intégrer des élèves porteurs de pathologies diverses dans des groupes classes, avec ou sans l’accompagnement d’un ou d’une AESH. Si la démarche peut être considérée comme ouverte et généreuse, il ne faut pas se cacher la réalité. Dans les classes, mais aussi comme dans cet exemple raconté dans le film, dans le monde du travail, l’intégration du handicap n’est pas forcément un long fleuve tranquille.
Les entreprises doivent d’ailleurs s’acquitter d’une taxe lorsqu’elles ne remplissent pas leur quota de personnes en situation de handicap dans les effectifs de l’entreprise.
Il est possible de concevoir des postes adaptés qui permettent l’insertion des handicapés dans le monde du travail.
Force est de constater que c’est loin d’être le cas dans le système éducatif. L’adaptation des locaux constitue à cet égard un premier blocage. Au sein des classes, avec des groupes qui dépassent largement la trentaine d’élèves, surtout en enseignement moral et civique, un groupe naguère dédoublé que les plus anciens ont pu connaître, l’obstacle apparaît évident.
L’attention que l’on doit porter à des élèves, déficients visuels, moteurs, s’accommode mal, malgré l’investissement des professeurs et des assistants d’éducation d’élèves en situation de handicap, des contraintes d’un groupe important.
Pour autant, dans le cadre d’une projection, ce film permet d’ouvrir un échange sur le regard que porte la société de façon globale sur la différence. Car le handicap est vécu comme tel.
Le dossier pédagogique, pour ce qui concerne l’enseignement moral et civique, nous est apparu solide et bien documenté. Incontestablement les références permettent aux professeurs d’approfondir sa préparation de séquence, ce qui suppose que l’on y consacre du temps. Cela n’est malheureusement pas toujours possible, pas plus que l’accompagnement aléatoire de ces élèves, par des assistants d’éducation au statut précaire, mal formés, peu reconnus dans les établissements scolaires.
Presque en Enseignement moral et civique au lycée (EMC)
Adèle Van Reeth : qu’espérez-vous pouvoir changer avec ce film ?
Bernard Campan : On aimerait que le film touche les gens et toucher c’est modifier. Si en sortant de ce
film les gens se sentent un peu différents avec une envie de vivre différemment, de vivre moins dans la
mécanicité, d’être plus ouverts c’est déjà formidable !
Alexandre Jollien : L’idée est de convertir le regard sur la marginalité et sur l’autre. Et il y a aussi le thème
de la mort. Comment être face à cette échéance ? On va crever mais que fait-on de ce temps ensemble ?
Je crois beaucoup à la solidarité. La loupe de la caméra s’attarde sur deux personnages mais il y a quelque
chose qui dépasse de loin leur individualité. Il y a quelque chose qui est en jeu : nous ne sommes pas
autonomes, nous ne sommes pas dépendants. On est appelés à aller vers l’autre.
INTERÊT PÉDAGOGIQUE DU FILM
Le film PRESQUE de Bernard Campan et Alexandre Jollien met en lumière la perception du handicap en questionnant la norme implicite. L’apparence d’Igor qui lui apparaît comme un fardeau, les difficultés qu’elles occasionnent dans sa vie quotidienne sont présentées en questionnant, voire en renversant une partie de ses
représentations. Sa quête d’autonomie développe une approche du care fondée non seulement sur l’aide qui permette de dépasser la situation du corps empêché, mais qui fonde cette aide sur une bienveillance qui ne soit pas que fonctionnelle.
CLASSE DE SECONDE : EXTRAITS DU PROGRAMME
L’intériorisation de la liberté de l’autre ou le rapport à soi et aux autres : altérité, différence, discrimination La valeur de liberté n’engage pas que l’individu, mais interroge la liberté propre à chaque individu dans son rapport aux autres. La maxime héritée des philosophes des Lumières : « Ma liberté s’arrête là où commence celle des autres » et sa traduction dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 (article 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui »), reprise dans le préambule de la Constitution de 1793 (article 6 « La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui ») peut être proposée aux élèves pour discuter des rapports entre ma liberté propre et celle des autres dans le cadre de la vie en société. Découlent de cette tension entre ma liberté et celle d’autrui plusieurs notions :
l’altérité, la différence et la discrimination. L’altérité désigne d’abord celui qui est autre, qui est « extérieur à soi » […].
On tend très souvent à assimiler différence à tension ou/et opposition. La notion de différence tend à remplacer dans une acception négative la représentation de la diversité, elle interroge également les inégalités. La discrimination, au sens juridique du terme, est le fait de traiter de façon inégale deux ou plusieurs personnes placées dans une situation comparable, en s’appuyant sur des distinctions opérées sur le fondement de critères interdits par la loi.
Ainsi, l’article 225-1 du Code pénal énumère vingt critères de discrimination parmi l’origine, le sexe, la situation de famille, le patronyme, le lieu de résidence, le handicap, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’âge, les opinions politiques, les activités syndicales… Dans le champ social et politique, la discrimination va à l’encontre du principe d’égalité des hommes ou d’égalité des citoyens devant la loi. La discrimination porte également atteinte à l’égalité des droits et à l’égalité des chances.
« La reconnaissance des différences, la lutte contre les discriminations et la promotion du respect d’autrui : […] lutte contre les discriminations faites aux personnes porteuses d’un handicap. Dans l’idéal républicain, les individus jouissent d’une égale dignité et bénéficient des mêmes droits, comme l’affirme l’article premier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La proclamation d’un idéal n’est cependant pas suffisante pour accorder réellement des droits, de la même manière que sa portée se modifie avec l’évolution de la société. […] L’extension des libertés et des droits de chacun est le fruit de mouvements de lutte, de combats individuels et collectifs ou d’une démarche volontariste de l’État.
Du point de vue de l’État, la lutte contre le racisme, le sexisme et toutes les formes de discrimination est une manière de parachever l’idéal républicain de l’égalité de droit de tous les citoyens. Du point de vue des catégories de la population qui se mobilisent parce qu’elles se sentent victimes de rapports de domination, il peut y avoir une
tension entre la volonté d’être pleinement reconnues et intégrées à la République d’une part, et d’autre part la tentation de rejeter la société dont elles estiment qu’elle les met à l’écart, en se repliant sur leur identité. […] L’État garant de l’unité nationale se doit tout à la fois de garantir les droits de chacun dans son identité et de permettre à
chacun, quelle que soit son origine, son sexe, sa religion, de bénéficier des mêmes libertés.
Le modèle républicain doit réussir à trouver un équilibre entre la reconnaissance des différences et la promotion du respect d’autrui sans accepter une communautarisation de la société ni tout ce qui porte atteinte à la dignité de l’individu et à l’unité de la Nation. Certaines focales sont privilégiées dans ce jalon, elles permettent toutes d’appréhender l’altérité en la considérant comme le « caractère de ce qui est autre » et « la reconnaissance de l’autre dans sa différence ». La finalité de ce jalon est de faire réfléchir les élèves sur l’intégrité et la dignité de la personne humaine. Il s’agit donc de lier la reconnaissance de la diversité avec la lutte contre toutes les formes de discriminations. Peuvent être étudiés : […] la participation à la vie du pays et la citoyenneté des personnes handicapées (avec les applications politiques comme les débats sur l’extension des droits à une vie intime des personnes porteuses de handicap). »
CLASSE DE PREMIÈRE : EXTRAITS DU PROGRAMME
Intégration – exclusion sociale – déclassement
L’intégration sociale désigne le processus par lequel les individus d’un même groupe ou société acquièrent les normes et valeurs centrales à ceux-ci. Dépassant la diversité des individus par l’établissement de valeurs et de buts communs, elle leur permet de posséder des croyances et des représentations, des comportements semblables et de
se sentir solidaires, prêts à s’entraider et à s’assurer des protections réciproques. Les individus s’accordent ainsi une confiance mutuelle y compris sans se connaître et participent à des échanges. Ils ressentent, voire revendiquent, leur appartenance à cette société. L’intégration sociale permet de penser une cohésion sociale.
[…] Souvent perçue comme « l’envers de l’intégration », l’exclusion sociale doit être comprise comme un processus de rupture progressive des liens. Elle est liée à un phénomène cumulé de désocialisation ou de désaffiliation.
La fragilisation d’un individu conduit progressivement à la perte des moyens de protection, de valorisation et de reconnaissance. […] Les individus dits « exclus » sont alors isolés, atomisés, en marge des instances de socialisation et d’intégration classiques (famille, amis, sphère professionnelle, voisinage). […]
Égalité et équité
L’égalité, malgré l’apparente simplicité du terme, peut avoir différentes formes. On peut distinguer l’égalité de droit (égalité des individus devant la loi), l’égalité des chances (les individus disposent des mêmes possibilités, de conditions, de probabilités d’atteindre différentes positions sociales, indépendamment notamment de leur
origine sociale), et l’égalité des situations (les individus disposent tous des mêmes avantages et ressources socio-économiques). L’équité est plutôt un correctif de l’égalité qui la rapproche de la justice. Une répartition inégale des avantages, des ressources, ou des droits est équitable si elle paraît légitime à ceux qui reçoivent ces biens comme à ceux qui par naissance, par situation sociale ont un capital suffisant. L’équité renvoie donc à des valeurs et à des choix collectifs. Aucune distribution de ressources, de droits ou d’avantages n’est juste ou équitable « par nature ». […] L’égalité est une mesure objective des avantages, droits ou ressources disponibles. L’équité renvoie
à un sentiment de justice dans leur répartition, même inégale. L’équité n’est donc pas opposée à l’égalité, ni aux inégalités. Il peut exister des inégalités équitables, comme des égalités injustes.