Mémoire de PLC2 (2000-2001).
Bertrand QUENNOY a réalisé son mémoire professionnel sur cette problématique. Il est aujourd’hui en poste au Collège « les Allières », 58240, St-Pierre-le-Moutier.

INTRODUCTION

La Révolution française est un événement décisif dans l’histoire de France car il est prodigieux par son ampleur et ses effets. Aussi, il fourmille d’épisodes pittoresques, sanglants, émouvants et de personnages aux destinées extraordinaires. La Révolution française a suscité rapidement l’intérêt des écrivains, artistes, tout autant que des historiens.

Pourtant il semble que les réalisateurs de cinéma se sont montrés réservé vis-à-vis de ce sujet : la filmographie de la Révolution française comporte 300 titres produits pour moitié en FranceDallet (Sylvie), Filmographie mondiale de la Révolution Française, édition des Quatre-Vents, 1998. ; c’est un nombre peu élevé en comparaison des péplum ou des western. Et pourtant important vu la courte période, dix ans, de la Révolution française.

Pour l’étude de ce sujet, nous avons délimité dans le temps la Révolution française de façon classique. Nous considérons la Révolution française comme une période commençant par l’année 1789 et s’achevant par la prise du pouvoir par Bonaparte en 1799.

En remarquant cette vaste filmographie, nous avons choisi de traiter la Révolution française dans notre classe de quatrièmeCette classe de quatrième compte 23 élèves : 13 garçons pour 10 filles. Elle est assez homogène quand aux résultats scolaires en histoire géographie. en utilisant des films de fiction. Six films aux dates ont été sélectionnés pour être étudiés en classe :
Danton, d’Andrzej Wajda (1982) ;
1788, de Fravelic, (1988) ;
Napoléon d’Abel Gance, (1927) ;
La Révolution française : I. Les années lumières, de Robert Enrico (1989) ;
La Révolution française : II. les années terribles, de Richard T Heffron (1989) ;
Si Versailles m’était conté, de Sacha Guitry (1953).
Ils ont été choisis car ils présentaient des visions différentes de la Révolution française. Nous avons exclusivement utilisé des films sous forme de cassettes vidéo VHS.

Le film de fiction constitue un type de document filmique utilisable en classe. Le professeur d’histoire dispose également pour transmettre savoir et savoir-faire de documentaires ou d’images d’archive. Pourquoi un tel choix ? Qu’est-ce qui différencie le film de fiction des autres documents filmiques ? Doit-on l’aborder avec un usage ou une analyse spécifique dans un cours ?

Dans un film de fiction à caractère historique, le réalisateur reconstitue un moment historique. Aussi , il raconte ou démontre quelque chose. L’utilisation du film de fiction pour enseigner l’histoire dans le secondaire constitue un choix discutable : le document n’est qu’une reconstitution et le point de vue d’un réalisateur à un moment donné. Comment dès lors l’utiliser et l’intégrer dans uns cours d’histoire ? Comment concilier ce document à l’exigence des méthodes propres à l’histoire ? Comment enfin l’appliquer à un public précis ?

Nous exposerons d’abord quelles difficultés ont été rencontrées lors du choix du film de fiction. Nous montrerons ensuite comment utiliser le film de fiction en cours d’histoire en classe de quatrième. Enfin, nous examinerons comment ces films ont été reçus par les élèves.
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1. LE CHOIX DU FILM DE FICTION DANS LE CADRE DU COURS D’HISTOIRE

Le film de fiction à caractère historique n’est qu’une reconstruction, une reconstitution du passé. Le choix d’utiliser des films de fiction dans le cadre d’un cours d’histoire soulève alors deux types d’interrogations. Le film de fiction est-il un document comme un autre ? Doit-on l’aborder avec une démarche spécifique ? La fiction cinématographique ne constitue t elle pas un problème pour le professeur d’histoire et les élèves qui étudient des réalités historiques ?
Il convient d’abord de se demander si l’utilisation des films de fiction est recommandée dans le cadre un cours histoire.

1.1. La justification pédagogique

En 1975, les instructions Haby affirmaient pour la première fois, officiellement, l’importance de l’image comme un langage qui devait être appréhendé soit comme une source, soit comme un moyen d’expressionPoirier (B), Document filmique et apprentissage en histoire, enquête sur les représentations et les pratiques des professeurs des lycées et collèges, INRP, 1995, p 7.. Dans cette lignée, les instructions officielles de 1985 plaçaient l’image avec l’écrit et l’oral dans une trilogie indispensable que l’élève devait maîtriserAnnexes à l’arrêté du 14 novembre 1985, cité dans Bernard (D) /Farges (P) /Wallet (J), le film dans le cours d’histoire géographie, Armand Colin, 1995, p 11.. Même si les différents types d’images ne sont pas détaillés dans ces écrits, l’image filmique en fait partie. Dans les textes annexes aux Instructions officielles, l’usage de l’image en classe était ainsi fortement recommandé de manière qu’une lecture civique de l’image soit pratiquée. Ainsi, «dans l’univers des signes qui servent à communiquer, les professeurs de toutes les disciplines aident les élèves à mieux appréhender, la nature, le rôle, les supports et les formes des images. Des exercices d’observation d’images, d’identification de leur signification, de recherche de leurs codes selon le genre utilisé (documentaire, artistique, publicitaire) conduisent progressivement à ne plus les recevoir passivement, mais à les aborder avec lucidité et de manière critiqueHistoire, géographie, initiation économique- classes de collège, Ministère de l’ Education nationale, CNDP, Paris, édition 1991, p 14.

Les programmes mis en œuvre depuis 1996 placent au centre de l’exploitation pédagogique les documents patrimoniaux. Mais «il est possible de choisir d’autres documents que ceux suggérés par le programme à condition que leur valeur significative soit attestéeEnseigner au collège, histoire, géographie, éducation civique, programmes et accompagnements, Ministère de l’ Education nationale, CNDP, Paris, édition 1998, p 66.». Notre présente étude tend donc à donner un sens aux documents filmiques utilisés en classe.
Toutefois, il conviendra d’identifier et mettre en relation tous les documents utilisésIbid, p 90.. Les documents sont considérés comme un moyen de rendre l’histoire présente s’ils ne sont pas utilisés comme des preuves qui authentifient la parole du professeurIbid, p 89.. Les films de fiction rendent plus que tous autres documents l’histoire présente au regard des élèves. Les lieux sont figurés et les personnages historiques s’animent sous leurs yeux. En observant la séquence de l’exécution du roi Louis XVI le 21 janvier 1793 reconstituée par Robert Enrico dans les années lumières, les élèves se retrouvent alors dans la foule, le regard tourné vers l’échafaud.

Le film de fiction donne une vision dynamique de l’histoire plus que tout autre document. L’image animée est un support qui permet de mieux «voir» le passé, de pénétrer l’élève dans l’épaisseur d’un événement historique. L’image accentue ainsi la proximité avec le passé.

Voici une première raison qui peut justifier l’utilisation du film de fiction dans une leçon d’histoire.

Le film de fiction peut aussi aider à la mémorisation des personnages, des situations historiques. La mémoire visuelle de l’élève est alors largement sollicitée.
Il peut aussi servir de motivation aux élèves pour consulter d’autres documents et s’intéresser encore plus à la question.
Le film présente toujours un point de vue sur une période et «favorise ainsi les compléments, nuances et divergences qui enrichissent les enseignants et les élèvesBernard (D), Farges (P), Wallet (J) , le film dans le cours d’histoire géographie, Armand Colin, 1995, p 25.».

Il permet aussi de motiver les élèves. Dès leur entrée en classe, alors qu’ils aperçoivent le matériel audio-visuel, ceux-ci se montrent impatient de «regarder une cassette vidéo». Leur attention est ainsi plus facilement captée. De courtes projections permettent en outre de varier les documents présentés et ainsi alterner les types de leçons et rompre avec le quotidien des cours.

Une telle utilisation renforce aussi le discours de l’enseignant puisqu’il peut illustrer, attester la validité de ses proposPoirier (B), Documents filmiques, documents écrits, étude comparée de leur statut et de leurs usages dans l’enseignement de l’histoire, INRP, 1998, p 46.. Les élèves se montrent alors plus attentifs au questionnement sur ce support audiovisuel.

Enfin le film de fiction constitue une passerelle privilégiée entre les savoirs scolaires et la culture extrascolaire des élèves aujourd’hui peuplée d’images animées. Les films projetés en classe enrichissent ainsi les références culturelles et patrimoniales des élèves.

1.2. Le film de fiction : un document comme les autres ?

Le film de fiction n’est pas un document comme les autres. C’est d’abord une fiction puisqu’il raconte ou démontre quelque chose. Le réalisateur reconstitue un moment historique. Le film de fiction est donc à utiliser avec un esprit critique développé. Cet esprit critique est à mettre en œuvre dès le choix du film.
Quels films choisir parmi la filmographie si vaste traitant de la Révolution françaiseDallet (S), Filmographie mondiale de la Révolution française, édition des Quatre-Vents, Paris, 1988. ?
Si l’on travaille avec des séquences courtes, quels extraits du film privilégier ?

Pour sélectionner un film de fiction, il convient d’identifier et de critiquer le document filmique. Pour utiliser le film de fiction de façon raisonnée en classe, il faut se poser cinq questions :

  1. Quelle conception de l’histoire sous-entend le document filmique ? Le scénario est-il bâti autour d’un personnage, d’une classe sociale, d’un thème ?
  2. Y a-t-il un parti pris idéologique ?
  3. Quel est le public concerné par cette œuvre ?
  4. Le film est-il compatible avec une utilisation pédagogique ?
  5. Quels ajustements sont nécessaires à son utilisation pédagogique ?

Pour répondre aux trois premières questions, le professeur peut s’aider des nombreux ouvrages d’histoire du cinéma ou des travaux des historiens s’intéressant au cinémaLes travaux de Marc Ferro sont très instructifs pour replacer le film dans son contexte, notamment son ouvrage Cinéma et histoire, Paris, Folio, 1993. On peut aussi s’aider du petit ouvrage de Jean-Louis Bourget (J-l), L’histoire au cinéma le passé retrouvé, Paris, Gallimard, 1992. Ou pour les films traitant de l’histoire de France : Guibert (P) et Oms (M) , L’histoire de France au cinéma, Cinémaction, n° hors série, 1993. : l’enseignant doit alors replacer l’œuvre cinématographique dans son contexte historique pour une meilleure compréhension du document.

Ensuite, nous nous sommes demandés si les séquences sélectionnées correspondaient bien à «l’esprit» et au contenu du programme d’histoire de classe de quatrième. Lorsque le professeur d’histoire choisi un film ou un extrait de film, il doit le mettre en rapport avec la vulgate scolaire.

Il convient maintenant de rappeler le contenu des programmes d’histoire concernant la période étudiée. Nous devions examiner «les grandes phases de la période révolutionnaire en France, de 1789 à 1815Histoire, géographie, initiation économique- classes de collège, Ministère de l’ Education nationale, CNDP, Paris, édition 1991, p 75».

Les principaux repères chronologiques à étudier sont largement montrés dans les film de fiction traitant de cette période : la prise de la Bastille (14 juillet 1789), abolition des privilèges (4 août 1789), déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789), chute de la monarchie (10 août 1792), chute de Robespierre (27 juillet 1794). Ces événements glorieux ou dramatiques sont largement mis en scène puisqu’ils constituent des péripéties à fort degré émotionnel. Les années lumières de Robert Enrico et les années terribles de Richard T Heffron les présentent tous en présentant même une indication de temps sur l’écran ; une aubaine pour le professeur d’histoire ! Dans tous ces films, les épisodes majeurs et les principaux acteurs de la période révolutionnaire sont souvent présentés dans un récit synthétique comme le suggère le commentaire du programme. Néanmoins, la signification politique et sociale des phases de la Révolution française semble difficile à démontrer à partir d’un film de fiction. Ceux-ci présentent généralement les événements d’une manière simpliste: les causes et les conséquences des faits présentés sont fréquemment minimisés, voire occultés pour ne pas complexifier le récit. Par exemple, lorsque Robert Enrico dans les années lumières, montre Louis XVI face à la nécessité de convoquer le Etats-Généraux, il fait dialoguer le roi et son ministre à Versailles. Ce dernier explique que les dépenses de la cour sont trop importantes et que le royaume traverse une crise financière. Aucune explication de la crise financière n’est fournie. C’est alors au professeur de mettre en relation le document filmique avec le budget du royaume en 1788 présenté sous forme d’un tableauTableau présentant les comptes de l’Etat en 1788 (en millions de livres) : doc 6 p 159, manuel de seconde (histoire) sous la direction de Marseille (J), Nathan, 1996. ; les élèves, en comparant les postes de ce budget, pourront se faire une idée plus précise du déséquilibre des recettes face aux dépenses. Au contraire, certains films dits «d’auteur» comme le Danton d’Andrzej Wajda expliquent avec précision la période de la Terreur. Mais ce film franco-polonais est difficile d’accès pour des élèves de quatrième. Le téléfilm 1788 illustre merveilleusement bien les problèmes sociaux dans les campagnes à l’aube de la Révolution. Mais les programmes d’histoire de 1997 ne mettent plus l’action sur les causes de la Révolution française. Cette fiction peut néanmoins illustrer l’impact dans les campagnes des évènements parisiens du début de l’été 1789 et le mouvement de «Grande Peur»La fin du téléfilm présente la réception dans les campagnes par l’intermédiaires de colporteurs de la réunion des Etats-Généraux et de ses échecs, de la prise de la Bastille et la mise à sac du château seigneurial par les paysans..

Nous avons sélectionné des films d’histoire présentant une époque antérieure au XXè siècle ne contenant donc pas d’images d’archives. De tels films peuvent être classés en trois catégoriesBernard (D) /Farges (P) /Wallet (J) , le film dans le cours d’histoire géographie, Armand Colin, 1995, p 21..
La fiction reconstructrice met en scène des décors et des acteurs qui se veulent fidèles à la réalité historique. C’est le cas de 1788, téléfilm de Failevic ; des Années lumières de Robert Enrico et des Années terribles de Robert Heffron.
La fiction dramatisée met en scène des acteurs célèbres de l’histoire. Par exemple, Napoléon mis en scène par Abel Gance. Souvent, dans ce type de film, la réalité historique renvoie à une problématique explicitement contemporaine. Ainsi Andrezj Wajda, cinéaste polonais antimarxiste, réalise Danton en 1982. Il relie la Révolution française aux évènements qui secouent la Pologne au début des années 1980. On devine alors «sous l’ascétisme mélancolique de Robespierre, le portrait du général Jaruzelski, sous l’effusion sanguine de Danton, celui de son futur successeur à la tête de la Pologne Lech Walesa»Bourget (J-l), L’histoire au cinéma le passé retrouvé, Paris, Gallimard, 1992, p 126..
La fiction divertissante présente l’histoire comme un décor, un prétexte à l’intrigue. Sacha Guitry dans Si Versailles m’était conté réduit l’histoire à un déguisement : il veut exposer à l’écran l’histoire du château de Versailles des origines jusqu’en 1954, date de sa réalisation. Il présente son film comme un grand livre d’images. «Le lien avec le présent est occulté puisque le charme du passé historique vient précisément de son caractère autre, mais la spécificité du passé historique est elle-même niée puisqu’il ne s’agit que d’ «habiller» des situations et des sentiments qui nous demeurent familiers»Ibid, p52..

1.3. Le problème de la fiction pour l’enseignant et les élèves

Le cinéma, puis la diffusion de la fiction grâce à la télévision ont permis la diffusion d’une fiction de masse.

Au premier regard, les extraits de films de fiction présentent une réalité : les personnages existent (Danton, Robespierre…), les faits sont attestés. Par exemple, le film de Robert Enrico, Les années lumières, indique avant chaque événement sur l’écran la date et le lieu de l’action. Mais le cinéma ne représente que les objets filmés et n’essaye pas, à la différence du documentaire, de montrer des documents ayant réellement existés. Le film historique n’est qu’une reconstitution des évènements du passé. Il a donc fallu, avant toute projection, caractériser le document et ainsi distinguer le film de fiction du documentaire.

Ce problème est d’ailleurs apparu aux élèves. Dès la fin de la première projection ils me questionnaient en me demandant si tous les personnages avaient existés si les évènements s’étaient réellement déroulés comme dans le film. Ces interrogations m’indiquaient que les élèves distinguaient difficilement le monde du film, c’est à dire le monde tel qu’il apparaît sur l’écran, et le monde filmé.

Pour tout spectateur, l’image cinématographique crée un problème dans son rapport au réel. Ainsi, le cinéma donne-t-il la réalité qu’il présente ou ne montre-t-il qu’un artefact ? Si on définit le réel comme quelque chose dont nous n’avons que l’apparence, l’image fixe comme animée se situe du côté de l’illusion. L’image cinématographique est lieu d’interventions : elle dit quelque chose à propos du réel mais présente avant tout une interprétation du monde.

Tout film de fiction présente donc une fiction, un produit de l’imaginaire. Le rapport du film à la réalité dépend de son degré de fictionPoirier (B), Documents filmiques, documents écrits, étude comparée de leur statut et de leurs usages dans l’enseignement de l’histoire, INRP, 1998, p 12.. Pour distinguer ces différents degrés nous devons examiner le rapport du film à la vérité : le réalisateur recherche-t-il la vraisemblance ou la véridicité ? Analyser quel est l’attitude de locution dominante : l’instance d’énonciation s’efface tandis que dans le discours celle-ci veut convaincre et influencer le spectateur. Enfin, il faudra se demander quel type de réalité historique recherche le réalisateur. Nous pouvons dès à présent catégoriser les films présentés aux élèves selon leur degré de fictionCe tableau est inspiré de Poirier (B), Ibid..

Film présenté en classe en fonction de son degré de fiction

|Film présenté|Quelle recherche de la vérité ?|Stratégie d’élocution|Quelle recherche de la réalité ?|Film présenté et son degré de fiction|
|Les années lumières ; Les années terribles|Recherche de la vraisemblance(qui a l’apparence de la vérité)|Récit|Recherche de la réalité|Reconstitution évènementielle : reconstruction du passé à partir d’une logique chronologique|
|1788 ; Danton ; Napoléon|Recherche de la véridicité( dire la vérité)|Récit et discours|Recherche de la vérité(caractère conforme à la réalité)|Essai historique : reconstitution du passé à partir d’une logique au discours historique.|
|Si Versailles m’était conté|Recherche de la vraisemblance (qui a l’apparence de la vérité)|Récit|Affirmation de l’imaginaire|Fiction romanesque : invention d’un passé largement fictif à partir d’une logique chronologique.|

Les années lumières, les années terribles et si Versailles m’était conté sont construits à partir d’une logique chronologique. Les deux premiers films évoquent les évènements de la période révolutionnaire ; et le film de Sacha Guitry raconte l’histoire du château de Versailles, de ses origines jusqu’en 1954, date de sortie dans les salles obscures.

Les films de fiction sélectionnés pour traiter de la Révolution française mettent en scène des évènements du passé. Un passé antérieur à l’invention du cinéma : donc présentant une réalité historique. L’enseignant doit alors s’interroger sur le rapport du film sélectionné à la réalité historique. Cette réalité dépend de son authenticité et de son contenu scientifiqueBernard (D),Farges (P),Wallet (J) , le film dans le cours d’histoire géographie, Armand Colin, Paris, 1995, p 16.. Comment mesurer la réalité historique d’un film ? Il faudra d’abord placer le film sur l’axe d’authenticité qui relie la dimension fictionnelle à la réalité la plus stricte. Ainsi, les films sortis dans les salles au moment du Bicentenaire de la Révolution française tentent de coller au plus près des évènements et recherchent ainsi la réalité. Tandis que 1788 Maurice Failevic ou le Danton de Wajda en reconstituant le passé, tels des romanciers décrivant une communauté paysanne ou un révolutionnaire au cœur de la Terreur, recherchent le maximum de caractères conformes à la réalité. Sacha Guitry, à la manière d’une pièce de théâtre, laisse son imaginaire conter dans une logique chronologique. Il faudra alors détailler le contenu scientifique de l’œuvre. Quel traitement scientifique a subi le film ? Le film a-t-il été homologué par un historien ?

Le recours à des historiens comme conseillers historiques est de plus en plus fréquent lors de l’élaboration d’un film. Il est possible de mesurer le degré de scientificité du film grâce aux réactions des historiens dans la presse spécialisée ou non. Certaines publications traitent des films historiques et présentent une aide précieuse pour les enseignants d’histoireLes cahiers de la cinémathèque de Perpignan consacrent de nombreux numéros sur le rapport cinéma et histoire. Claude Aziza publie périodiquement des articles dans le magazine l’Histoire sur le sujet..

Les problèmes engendrés par l’utilisation de la fiction cinématographique peuvent être atténués grâce à une analyse filmique pratiquée dans le cadre du cours d’histoire. «Une lecture critique d’une image animée permet de relativiser l’illusion de réalité dont le document est porteur.Bernard (D),Farges (P),Wallet (J) , le film dans le cours d’histoire géographie, Armand Colin, Paris, 1995 p 21.» Aussi, afin d’identifier plus facilement chaque film choisi et d’ajuster au niveau des élèves notre futur questionnement à son sujet, nous avons réuni toutes les informations précédemment exposées sous forme d’un tableauCe tableau est inspiré de Poirier (B), Documents filmiques, documents écrits, étude comparée de leur statut et de leurs usages dans l’enseignement de l’histoire, INRP, Paris, 1998, p 43-44..

|Document d’origine|Les années lumières (Robert Enrico, 1989) et Les années terribles (Richard T Heffron, 1989)|1788 (Maurice Failevic, 1988)|Si Versailles m’était conté (Sacha Guitry, 1954)|Danton (Andrzej Wajda, 1982)|Napoléon (Abel Gance, 1927)|
|Données historiques présentées par le film|Reconstitution évènementielle de la Révolution française|Reconstitution de la vie sociale d’un village à la veille de la Révolution française|Versailles, un lieu de la Révolution française|Biographie d’un personnage majeur de la Révolution française au cœur de la Terreur|Présentation de certains évènements de la Révolution française et de Bonaparte jusqu’en 1796|
|Attitude de locution dominante|Récit sous-entendu par un propos didactique|Récit sous-entendu par un propos didactique|Récit|Récit et discours entremêlés|Articulation récit / discours|
|Rapport à la réalité|Fiction mettant en scène les lieux et les personnages principaux de la Révolution française|Fiction s’appuyant sur des travaux d’historiens|Fiction théâtralisée|Fiction reposant sur un soucis de vraisemblance|Fiction romanesque|
|Rapport à l’histoire savante|Vulgarisation des évènements de la de la Révolution française|Vulgarisation du discours savant|Vision théâtrale et anecdotique de la Révolution française|Biographie engagée|Biographie romanesque|
|Rapport à la vulgate scolaire|Conformité, mais façon de présenter la Révolution française trop évènementielle|Non-conformité, sauf pour la dernière partie du téléfilm(Conformité pour les programmes antérieurs à 1997)|Non-conformité|Conformité, mais façon de présenter la Révolution française difficile pour une classe de quatrième|Conformité, mais difficultés pour des élèves de quatrième d’appréhender l’omniprésence esthétique de l’œuvre|

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2. L’UTILISATION DU FILM DE FICTION EN CLASSE

Comment maintenant insérer les films de fiction choisis dans le cadre d’une leçon ? Quelles pratiques pédagogiques mettre alors en place au sein de la classe ?

2.1. L’insertion des films de fiction dans le cours d’histoire

Les problèmes de matériel demeurent un obstacle majeur à l’utilisation du film de fiction en classe. Outre l’équipement en télévisions et magnétoscopes souvent partiel, voire inexistant dans certains laboratoires d’histoire géographie de collèges ou lycéeCes observations sont confirmées par Brigitte Poirier dans son étude sur Document filmique et apprentissage en histoire, enquête sur les représentations et les pratiques des professeurs des lycées et collèges, INRP, 1995, chapitre II : Équipements, ressources, pp 14-24., l’enseignant doit parfaitement savoir utiliser le matériel dont il dispose au risque de subir un relâchement de la part de son auditoire. En effet, les élèves ne pardonnent pas à l’enseignant la maîtrise insuffisante du matériel.

L’insertion du film dans un cours d’histoire suscite de nombreuses interrogations. A quel moment de la leçon doit-on l’utiliser ? Comment contrôler la projection ? Les consignes données diffèrent-elles de consignes données lors de l’étude de documents écrits ?

Il convient d’abord de s’interroger sur la longueur du film projeté.

Faut-il privilégier la projection d’un film dans sa totalité, ou au contraire, en montrer uniquement des extraits courts ? Des pratiques pédagogiques différentes dépendent de la réponse à cette question.
La plupart des ouvrages de pédagogie et de didactique traitant de l’exploitation des documents filmiques ou audiovisuels recommandent de ne pas montrer des films dans leur totalité. Ainsi, «les séquences courtes sont à privilégierVigié (dir), Clés pour l’enseignement de l’histoire, p 49.» .Nous avons mené une expérience à ce sujet en début d’année. Le film de Patrice Leconte Ridicule avait été étudié comme un support d’apprentissage dans l’étude de la monarchie absolue en France : de courtes séquences avaient alors été choisies. Ce film a été projeté dans sa quasi-totalité au cours de la séance précédant les vacances. Mais il semblait qu’une heure relevait plus d’un divertissement, d’une séance récréative pour les élèves. Les élèves se comportaient comme des spectateurs passifs et ne montraient aucune interrogation quant au contenu historique du film. Au contraire, il faut travailler avec des extraits. Les élèves se montraient beaucoup plus interrogatifs face aux objets filmés lors de la projection de courtes séquences dans le cadre des leçons précédentes. Le travail par extraits «évite d’être happé par la totalitéVanoye (F), Précis d’analyse filmique, Paris, Nathan, 1993, p 7.» du film et permet de débarrasser le spectateur de la charge émotive de la fiction et de son esthétique.
Néanmoins, un film de fiction est réalisé pour être vu dans sa totalité pour comprendre l’intrigue et le point de vue du réalisateur.

Nous avons donc choisi, pour notre présente étude, d’utiliser uniquement de courts extraits de films de fiction.

Une fois ce choix effectué, à quel moment placer les extraits ? A quel moment de la leçon doit-on utiliser le film de fiction ?

Le film de fiction peut servir de document pour accrocher l’attention de la classe au début de la leçon. Par exemple, dans le Danton de Wajda, nous avons projeté aux élèves une séquence présentant un tribunal révolutionnaire pour introduire la problématique de la Terreur. A partir de cet extrait, la leçon a été problématisée ainsi : en quoi consiste la politique de la Terreur ?
Le film constitue alors un document point de départ. Il permet d’introduire le sujet et fixer la problématique de la leçon.

Le document filmique peut aussi être projeté au cours de la leçon pour nourrir le développement. Pour montrer les troupes françaises en déroute en 1792, un extrait des années lumières a été projeté. Le film présentait une bataille opposant les troupes françaises et prussiennes à la frontière belge. C’est alors de l’histoire récit. Les soldats français étaient en déroute face à la puissance de la cavalerie ennemie. Le film illustrait alors la République en danger.

Cependant, le document filmique ne doit pas rester qu’illustratif.«Ilvautmieuxutiliserle film pour faire découvrir l’histoire en posant des problèmesBernard (D) /Farges (P) /Wallet (J) , le film dans le cours d’histoire géographie, Armand Colin, 1995, p 8.».

La projection de la séquence concernant la tenue des Etats-Généraux à Versailles extraite du film de Robert Enrico permettait de poser cette problématique : en quoi la réunion des Etats-Généraux constitue-t-elle un événement révolutionnaire ?

Enfin, le film historique peut servir comme récapitulatif après le cours. L’élève vérifie alors si les savoirs transmis par l’enseignant sont acquis. Ainsi, une séquence du Napoléon d’Abel Gance a été présentée à la fin de la leçon sur la République bourgeoise : Bonaparte passe alors en revue les troupes de l’armée d’Italie en 1796. Ce court extrait permet de faire rappeler aux élèves le rôle important de la guerre aux frontières françaises pendant la Révolution. Les élèves se remémorent aussi l’entrée fracassante d’un jeune général ambitieux sur la scène politique et sa conquête rapide du pouvoir. Mais une telle pratique soulève peu de discussions et ajoute peu à la culture des élèvesIbid, p 8.. Nous ajoutons que ce type d’utilisation est difficile. D’une part, il faudrait projeter le film dans sa totalité : cela prendrait une séance entière au minimum. D’autre part, récapituler le cours en utilisant un extrait de film nécessite que celui-ci soit parfaitement narratif et éclairant la problématique de la leçon donnée.

Comment contrôler la projection ?

Il apparaît comme nécessaire de contrôler la projection. En effet, il faut maîtriser la masse de sensations que le film renvoie aux élèves : l’intrigue, les dialogues, décors.
Face à des élèves d’une classe de quatrième, nous avons choisi de rediffuser assez souvent (deux ou trois fois) les extraits projetés. A chaque rediffusion, les élèves saisissent ainsi de nouveaux éléments qui viennent éclairer leur lecture du film. De plus lorsque les extraits apportaient trop d’informations, nous avons décidé d’utiliser des pauses pour réfléchir collectivement.

-Les consignes données aux élèves

Le rôle de la consigne donnée aux élèves se révèle fondamentale dans l’analyse d’un document filmique.

L’énoncé des consignes et du questionnement est soit écrit, soit oral. Nous avons utilisé les deux méthodes. Les extraits de film furent souvent présentés plusieurs fois pour laisser le temps aux élèves de découvrir puis analyser le document. Des consignes claires permettaient une meilleure attention des élèves lors des projections.
Le degré d’autonomie laissé aux élèves pour l’exécution de la tâche fut généralement faible. En effet, des élèves de classe de quatrième ne maîtrisent pas encore le langage filmique et ont rarement analysé ce type de document : il fallait donc les guider fortement. Des questions fermées furent privilégiées pour les mêmes raisons.

De telles consignes posent néanmoins des problèmes. De telles orientations sélectives dans la formulation des consignes et du questionnement du document conditionnent la réception du film par les élèves[footnote]Poirier (B), Documents filmiques, documents écrits, étude comparée de leur statut et de leurs usages dans l’enseignement de l’histoire, INRP, 1998, p 44.. Par exemple, quand le professeur donne ce type de consignes : «repérez…. » ; « attachez-vous à montrer…. » ; « attention à …. ». Ainsi, lorsque nous voulions illustrer la Grande Peur qui saisit les campagnes au début de l’été 1789, nous avons projeté un extrait du téléfilm 1788 qui montrait la révolte des paysans et l’assaut du château. Avant de projeter le film, nos consignes orales furent les suivantes :
«dans ce film, repérez
– Qui attaque le château ?
– Qui rend-on responsable de ces méfaits ?
»

Les élèves n’ont alors questionné le document qu’avec ces approches indiquées par l’enseignant.

2.2. Comment questionner un document filmique ?

La mise en place d’une méthode de questionnement d’un document filmique s’est progressivement mise en place.

La description de l’extrait filmé constitue une première étape. Cette description s’est souvent faite à l’oral avec les élèves. Il n’éprouvaient pas de difficultés à décrire les séquences cinématographiques même s’ils se focalisaient sur les détails (les décors, les personnages secondaires…). Cette activité descriptive leur permet de transposer le récit filmique sous une autre forme : écrite ou orale.

Il faut ensuite leur permettre d’identifier dans le temps et l’espace faits présentés dans les extraits. Les élèves devaient généralement localiser l’action. La question «où se déroule l’action ?» peut ainsi être mise à profit (cf. annexe 2). La remise en contexte des séquences cinématographiques projetées est essentielle : c’est une démarche fondamentale pour la compréhension des évènements en histoire. Par exemple, lors de l’étude du serment du jeu de paume (cf. annexe 2), cette question était posée : «pourquoi les grilles sont-elles fermées ?» . Grâce à cette interrogation, les élèves devaient comprendre que le serment du jeu de paume, le 20 juin 1789, résulte du refus du roi d’accepter les revendications du Tiers-état. De même que l’étude de la fuite du roi dans la nuit du 20 au 21 juin 1792 nécessitait une remise en contexte (cf. annexe 2). Nous avons demandé aux élèves où vivait le roi le 20 juin au matin pour leur rappeler que le roi demeurait alors au Palais des Tuileries au contact des sans-culottes. La remise en contexte et la localisation dans l’espace des évènements constitue une première étape dans le processus d’explication des faits.

Pour expliquer avec rigueur un extrait de film de fiction, les élèves doivent aussi identifier les personnages (cf. question n°1 de l’annexe 2). Une fois ces démarches effectuées, les élèves pourront se lancer dans des explications. Par exemple, lors de la projection d’un extrait des années lumières présentant la prise de la Bastille, deux questions posées aux élèves leur permettait d’expliquer l’événement (cf. annexe 2) :
– quoi ressemble la Bastille ? A quoi sert-elle ?
– Par conséquent, pourquoi s’attaquer précisément à la Bastille ? Que symbolise-t-elle ?

La démarche interprétative est beaucoup plus difficile à saisir par des élèves de classe de quatrième. L’interprétation historique des faits était présentée lors de la mise en commun ou de la correction des questionnaires, puis remise en place sous forme d’une trace écrite sur le cahier des élèves.

Nous pouvons donc maintenant présenter une grille de questionnement face à un film de fiction :

Lecture (ce que l’on voit) : description pure
Argumentation (ce que l’on comprend) : ce que l’on comprend de l’histoire, ce que la scène présente
Interprétation (but et portée du film) : expliquer sa valeur historique

Cela donne, pour chaque scène : Une scène/une idée : pour chaque scène, décrire la scène, évoquer ce que l’on comprend de l’histoire et expliquer son intérêt historique :
– Scène 1 : Lecture – Argumentation – Intérêt historique
– Scène 2 : Lecture – Argumentation – Intérêt historique
– Scène 3 : Lecture – Argumentation – Intérêt historique

Nous avons appliqué cette méthode pour analyser l’extrait du film si Versailles m’était conté de Sacha Guitry qui montrait les parisiennes allant le 5 octobre 1789 chercher le roi à Paris. Les élèves visionnaient deux fois le film puis répondaient à ces questions en rédigeant des phrases :

  1. Décrivez la scène (Que voyez-vous ?)
  2. Que nous apprend cette scène ? (Que comprenez-vous ?)
  3. Cet épisode a eu lieu le 5 octobre 1789, en quoi cet événement est-il un tournant dans la Révolution française ?
  4. Donnez un titre à cet extrait.

Une telle méthode introduit une progression dans la difficulté du questionnement du document cinématographique :

  1. Description et compréhension (question 1).
  2. Sélection des informations guidée par une approche notionnelle(question 2)
  3. Activité de synthèse permettant la formulation d’une idée générale (question 4).
  4. Raisonnement personnel : trop difficile pour des élèves de quatrième.

Un tel questionnement se révèle souvent insuffisant pour décoder des images animées : le film de fiction possède son langage propre.

2.3. Pourquoi et comment pratiquer l’analyse filmique dans un cours d’histoire ?

Nous l’avons montré, la projection d’un film de fiction historique peut engendrer chez les élèves une confusion entre la fiction et le réel, car des acteurs sont présents à l’écran dans une situation fictionnelle. Les lieux où se déroulent l’intrigue sont situés dans une époque passée : la Révolution française. La pratique d’une analyse filmique avec les élèves permet-elle de rompre cette confusion ? Nous avons tenté progressivement une initiation à l’analyse filmique.

Un premier objectif visait à montrer que le film de fiction projeté en classe était une reconstitution du passé. Nous avons donc présenté un extrait du film les années lumières de Robert Enrico qui montrait une séance des Etats-Généraux dans la salle des menus plaisirs à Versailles. Puis les élèves devaient comparer cette scène cinématographique avec une gravure présentant le même fait (cf. Annexe 1). Il était demandé par écrit si le réalisateur s’était inspiré de la gravure pour construire cette scène. Tous ont répondu affirmativement, en justifiant que le décor et la place des personnages dans l’assistance étaient identiques. Certains ont même remarqué qu’un lustre se tenait au plafond dans l’extrait du film et non dans la gravure (cf. annexe 1). Ensuite, ils devaient restituer sous forme d’un schéma le plan de la salle et de ses occupants à partir des documents proposés. Cette démarche visait à faire figurer leur représentation dans une dimension spatiale et ainsi leur montrer pleinement la reconstitution historique. Les plans réalisés par les élèves se révélaient souvent justes ( voir par exemple la production d’un élève en annexe1). Enfin nous avons fait indiquer sur le plan l’endroit où le réalisateur a placé sa caméra. Nous voulions ainsi initier les élèves à la maîtrise de l’espace filmé.

Cette démarche visant à comparer une image fixe (gravure ou tableau) a été effectuée encore deux fois au cours de notre étude. La peinture d’après David, le serment du jeu de paume, a été envisagé comme une source pour le réalisateur dans la construction de sa mise en scène de l’événement (cf. annexe 2). Les élèves ont ensuite entouré sur une reproduction du tableau les éléments similaires entre le tableau et le film ( décors, public accroché aux fenêtres, mouvement du vent dans les tentures suspendues aux fenêtres…). La même méthode a été expérimentée dans l’étude de la prise de la Bastille (cf. annexe 2).
Dans l’extrait du film de Robert Enrico présentant les évènements du 14 juillet 1789, aucun élève n’a remarqué que la musique correspondait à l’action malgré la question posée. Il nous est apparu nécessaire de développer un peu plus l’analyse filmique avec cette classe.

Une première méthode d’analyse filmique a été expérimentée à partir d’un extrait des années lumières montrant l’arrestation du roi Louis XVI à Varennes dans la nuit du 20 au 21 juin 1792. la classe fut divisée en trois groupes (cf. annexe 3) :
– le premier s’attachait à décrire l’espace, les personnages, les couleurs et l’éclairage, et le temps.
– le second décrivait la bande image : prises de vue, mouvements de caméra, montage.
– le troisième la bande son, les bruits et l’origine des voix.

Une grille générale d’analyse de films de fiction a ainsi été bâtieCette grille d’analyse a été construite d’après l’étude de ces trois ouvrages : Aumont (J), L’esthétique du film, Nathan, 1991 ; Baticle (Y), Clés et codes du cinéma, Magnard, 1973 ; Vanoye (F), Précis d’analyse filmique, Pais, Nathan, 1993.

Dans un premier temps, toute la grille de lecture a été expliquée aux élèves : les termes du langage cinématographique on été définis ensemble (prises de vues, voix-in…). Ensuite, les extraits furent projetés trois fois pour permettre aux élèves de remplir leurs grilles (cf. les productions des élèves en annexe 3). Enfin, les réponses ont été mises en commun (cf. annexe 4). Les élèves se montrèrent très enthousiastes et sensibles face à cette analyse : leurs réponses s’avérèrent souvent justes. Ce travail a mobilisé deux séances de deux heures et leur a permis d’expliquer plus précisément les causes et les conséquences de la fuite du roi et de sa famille (cf. annexe 5). Ils ont sans difficulté réutilisé leurs connaissances en repérant les principaux acteurs de cet événement (cf. doc2 annexe6).

Une seconde méthode d’analyse filmique a été expérimentée. A partir d’un extrait du film de Robert Enrico présentant l’exécution de Louis XVI sur la place de la Révolution le 21 janvier 1793, les élèves étaient invités à reconstituer une partie de la mise en scène de l’extrait grâce à une activité proposée (cf. annexe 6). Les plans étaient montrés plusieurs fois en ralentissant le mouvement de l’image. Les élèves devaient alors utiliser leurs connaissances du langage filmique. Certaines productions effectuées par les élèves furent particulièrement réussies (nous en avons reproduite une en annexe 6).

Nous pouvons maintenant présenter le résultat de nos conclusion sous la forme d’un tableau :

|Elève visionnant un film de fiction|Elève visionnant un film de fiction en pratiquant une analyse filmique|
|Passif|Actif|
|Voit et entend|Observe et écoute|
|S’identifie aux héros ou autres éléments du film ; est soumis aux émotions dégagées par le film (= Processus d’identification par rapport au film de fiction)|Peut distinguer le monde du film du monde filmé ; regarde le film comme une reconstitution historique (= Processus de distanciation par rapport au film de fiction|
|Soumis au film, se laisse guider par lui|Regard critique sur le film et la réalité historique qu’il présente|
|Oisiveté|travail|

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3. LA RÉCEPTION DU FILM DE FICTION CHEZ LES ÉLÈVES

Les évaluations effectuées en classe tentaient de mesurer deux objectifs fondamentaux : le savoir notionnel acquis par les élèves grâce à l’utilisation de documents filmiques et les savoirs faire liés à l’analyse filmique. Grâce à ces évaluations, nous nous sommes demandés comment les élèves recevaient et percevaient la réalité historique d’un film de fiction ?

Avant de répondre à cette question, nous présentons quelques difficultés rencontrées face à l’utilisation du film de fiction en histoire.

3.1. Les limites de l’utilisation du film de fiction en histoire

Interrogeons-nous d’abord sur la faible place du film de fiction utilisé dans le cadre des cours d’histoire du secondaire ? Nous pouvons avancer quelques tentatives de réponseBrigitte Poirier a étudié plus en profondeur ce problème dans : Document filmique et apprentissage en histoire, enquête sur les représentations et les pratiques des professeurs des lycées et collèges, INRP, Paris, 1995. Nous nous contentons ici de faire part de nos observations..

Les enseignants peuvent éprouver quelques difficultés face à l’utilisation du film de fiction en classe. Ils doivent d’une part parfaitement maîtriser l’utilisation du matériel, quasiment exclusivement composé d’une télévision et d’un magnétoscope, pour effectuer un bon déroulement de leurs séances. D’autre part, les professeurs d’histoire géographie ont rarement reçu dans la scolarité une formation pour appréhender l’objet film de fiction.

Aussi, la discipline historique reste encore trop souvent associée à son aspect littéraire. Pour certains enseignants, le film de fiction ne saurait donc être utilisé comme un agent important de la transmission du savoir historique. Il reste alors cantonné dans sa fonction illustratrice.

Dans de nombreux esprits, l’utilisation du film de fiction dans un cours d’histoire serait pratiquée pour distraire les élèves, notamment lors de séances précédant les vacances. Au contraire dans les disciplines linguistiques, le film de fiction est plus largement utilisé car il permet de s’exercer à la compréhension d’une langue et de s’initier à la civilisation étudiée.

Les documents filmiques sont généralement insuffisants pour expliquer en profondeur des faits historiques. Il faut alors recourir à des documents plus largement utilisés. Par exemple, Robert Enrico dans les années lumières montre la colère du Tiers-état face au roi lors de la réunion des Etats-Généraux. Le réalisateur ne s’attarde pas sur la colère de ce troisième état. Nous avons donc utilisé une lettre d’un député du Tiers-état de ClermontUn extrait de cette lettre du 5 mai 1789 est reproduite dans le manuel d’histoire 4ème sous la direction de Bouvet (C) et Lambin (J-M), Hachette, 1998 (doc 1 p 58). pour démontrer pourquoi le Tiers-état était déçu : la monarchie n’abordait pas les réformes fiscales et politiques attendues. Dans le même film, les députés de l’assemblée nationale abolissaient les privilèges et les droits seigneuriaux dans la nuit du 4 août 1789 parce qu’ils étaient injustes. Une lettre du marquis de FerrièresUn extrait de cette lettre est reproduite dans le manuel d’histoire 4ème sous la direction de Ivernel (m) , Hatier, 1998 (doc 1 p 66)., député de la noblesse de Saumur permet de nuancer les propos énoncés dans le film : les députés de l’Assemblée craignent en fait les insurrections provinciales et ne veulent pas s’opposer « au vœu général de la nation ».

Nous avons particulièrement étudié la fuite du roi dans la nuit du 20 au 21 juin 1792 ; l’extrait des années lumières projeté reconstituait fort bien cet épisode. Mais une fois l’extrait décrit par les élèves, il fallait l’expliquer. Or celui-ci ne permettait pas de répondre à notre objectif : il ne montrait ni pourquoi le roi fuyait, ni dans quelle direction il se dirigeait. Il aurait fallu préalablement disposer d’une table de montage pour isoler et monter les séquences précédentes du film qui montraient le roi préparant sa fuite. Grâce à une carte, les élèves furent questionnés sur les raisons de cette fuite. Cette carteCette carte figure dans le manuel d’histoire 4ème, ibid. (doc 5 p 79.) situe et présente les troupes étrangères massées aux frontières. Ce document complémentaire a donc permis de répondre à notre objectif.

L’utilisation du film de fiction en cours d’histoire pose donc trois principaux problèmes. D’abord, les séquences de films exposant des faits historiques se révèlent souvent inadaptées ou insuffisantes pour expliquer des faits historiques : les évènements sont présentés soit d’une façon trop compliquée, soit ils s’insèrent dans une ou des intrigues qu’il ne convient pas de d’expliquer en cours d’histoire.

Ensuite, les films de fiction sont généralement construits comme un récit, une narration. Par exemple, dans les années terribles ou les années lumières, les évènements se succèdent rapidement. Ces films ne font pas d’histoire-problème : c’est au professeur de problématiser les faits. Enfin, nous avons été confronté à une difficulté spécifique à notre sujet : les films de Richard T Heffron, les années terribles, et de Wajda, Danton, se révèlent difficile à utiliser pour traiter la Terreur et la dernière partie de la Révolution française. Le scénario du premier film développe une intrigue entre de nombreux personnages. Nous devons évoquer le rôle des jacobins et des montagnards dans la Révolution, mais sans entrer dans les détails. Or ce film développe son intrigue autour de cette lutte entre les grands personnages acteurs de la Révolution. Le Danton de Wajda se révèle, lui, comme une approche trop difficile pour des élèves de quatrième de la Terreur. Dans ce film, nous avons uniquement sélectionné une séquence d’un tribunal révolutionnaire et la mort de Danton.

De plus, de nombreux film ont été projeté aux élèves : une confusion s’installait lorsque qu’un nouvel extrait était montré. Nous avons donc dû distribué une fiche de repérage des films étudiés en pour aider à les élèves à les situer les uns par rapport aux autres (cf. annexe 7). Ces fiches permettent, une fois complétées, de montrer aux élèves la pluralité des approches de la Révolution française par les réalisateurs.

Une dernière limite concerne la représentation de l’image animée que se font les enseignants comme les élèves.

3.2. Les problèmes de représentation du film de fiction en histoire

Chaque spectateur se représente-t-il de la même façon l’image animée ? Lui donne-t-il les mêmes significations ?

Les élèves peuvent facilement se fixer dans leur esprit une représentation d’une image animée. Nous avons présenté l’acteur Gérard Depardieu sous les traits de danton. L’image de ce personnage, filmé par Andrzej Wajda, montant le 16 germinal an II (5 avril 1794) sur l’échafaud pour être guillotiné est frappante. Le film de fiction déclenche alors des images mentales. «L’image filmique relève de l’émotionChilouard (A), « Film documentaire, film de fiction, comment contribuer à l’éducation du regard ? », in Gaudin (G) et Maréchal (J), Image et pédagogie en histoire géographie, CNDP, 1995, p 43.» . Les spectateurs réagissent à la force esthétique du film. Mais ils regardent différemment le film selon leurs expériences personnelles ou leurs références culturelles ou idéologiques, conscientes ou inconscientes. Ainsi, «regarder n’est pas recevoir, mais ordonner le visible, organiser l’expérience. L’image tire son sens du regardDebray (R), La transmission symbolique, Paris, Gallimard, réédition Folio, 1994, p 56.» . Le regard du professeur sur le film est donc différent de celui de chaque élève. L’élève constitue donc sa perception de l’image animée. Il les relie à ses propres représentations sur le sujet : ses référents iconographiques ou ses connaissances par exempleBernard (D),Farges (P),Wallet (J) , le film dans le cours d’histoire géographie, Armand Colin, Paris, 1995,p 25.. L’élève arrive en classe avec ses propres représentations de la Révolution française.

Cela entraîne donc des écarts dans la réception du film de fiction chez les élèves. Il est extrêmement difficile de saisir ces représentations différenciées. Brigitte Poirier a abordé ce problème dans ses études sur l’utilisation du document filmique dans un cours d’histoire du secondairePoirier (B) (dir), Texte filmique et apprentissage en histoire, INRP, 1993 ; document filmique et apprentissage en histoire, enquête sur les représentations et les pratiques des professeurs des lycées et collèges, INRP, 1995 ;documents filmiques, documents écrits, étude comparée de leur statut et de leurs usages dans l’enseignement de l’histoire, INRP, 1998.. Nous avons, nous aussi, grâce à un petit questionnaire distribué en classe, tenté d’évaluer les sentiments des élèves provoqués par l’utilisation de films de fiction en cours d’histoire

3.3.La réception du film de fiction par les élèves

Brigitte Poirier a comparé chez des élèves du secondaire la réception de documents filmiques et écritsPoirier (B), documents filmiques, documents écrits, étude comparée de leur statut et de leurs usages dans l’enseignement de l’histoire, INRP, 1998.. Elle a confronté deux séries de données : les unes liées au traitement cognitif du document écrit, les autres à celui du document filmique. Elle conclue que l’information est mieux comprise, mieux mémorisée, restituée ou réélaborée par écrit lorsqu’elle est proposée aux élèves sous formes de documents écritsIbid. p 131. Mais dans certains cas, la tendance s’inverse si l’on s’attache aux compétences mises en œuvre. A partir de d’un travail sur documents filmiques, l’élève appréhende le document de façon globale et en dégage les idées générales. Il perçoit mieux la structure formelle du document et repère facilement le point de vue de son énonciateur. De plus, il formule ensuite de manière plus synthétique les informations dégagéesIbid. p132. Ainsi, «l’expression filmique se prête particulièrement à l’inscription de données historiques lorsque celles-ci relèvent du récit, de la narration d’évènements se déroulant dans un espace-temps circonscrit avec précisionIbid. Ces conclusions confirment celles dégagées dans Texte filmique et apprentissage en histoire, INRP, 1993.».

Nous n’avons pu mener une telle étude. Par contre, nous nous sommes intéressés au sentiment des élèves à la fin de la séquence sur la Révolution française. Trois questions ont été posées aux 23 élèves de la classe. Ceux-ci ont répondu par écrit, individuellement et de façon anonyme. Les réponses ont ensuite été traitées.

Une première question laissée volontairement ouverte tentait de montrer comment les élèves appréhendaient la distinction entre le monde du film et le monde filmé et le problème de la fiction dans un film historique.

1) Les extraits de films présentés en classe traitant de la Révolution française représentent-t-ils la réalité ? Expliquez votre réponse.

Quatre élèves ont insisté sur la reconstruction historique : « la vraie histoire de la Révolution se passe dans les films » ; les films projetés « étaient basés sur des histoires vraies ». Ils qualifient les films de reconstitution car le réalisateur reprend les décors, les modes vestimentaires et même les gestes d’époque. Cinq autres insistaient sur le réalisme des extraits ; tandis qu’un écrivait : « ce qui n’est pas réel, c’est la musique derrière les voix des personnages ». L’analyse filmique a donc permis à certains de comprendre que le film est une construction, une création : « les personnages du film n’appartiennent pas à la réalité, les lieux sont créés artificiellement ». Un élève montrait même qu’il ne pouvait donner son jugement sur le film car il ne l’avait pas vu dans son intégralité : cela montre donc qu’il le perçoit comme une œuvre qu’il faut regarder dans sa totalité.

Ensuite, les élèves étaient questionnés pour savoir comment ils jugeaient l’utilisation du film de fiction dans un cours d’histoire.

2) Est-ce plus facile de comprendre un événement historique avec un extrait de film ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ?

Les élèves ont tous répondu affirmativement : ce fut un véritable plébiscite ! Les élèves se montrent donc très enthousiastes face à ce type de document. Nous savions déjà grâce aux travaux des pédagogues que l’image fixe ou animée constituait un levier pour dépasser les blocages et les inerties des élèves : c’est le pouvoir figuratif des imagesTisseron (S), Psychanalyse de l’image, Paris, Dunod, 1995.. Selon les élèves, les films de fiction favorisent la mémorisation et permettent de fixer leur attention . Un élève à même répondu : « on est plus attentif aux scènes du film qu’aux explications du professeur » ! L’image animée favorise donc l’engagement de l’élève dans la relation pédagogique. Les films bénéficient d’avantages aux yeux des élèves par rapport aux autres documents étudiés en classe car ils « sont plus explicatifs et marquants », et permettent de se mettre dans la peau des personnages.

Enfin nous nous sommes demandés quel a été l’impact du film de fiction sur les élèves.

3) En ayant analysé des extraits de film (repérage des plans, mouvements de caméra, bande son…) voyez-vous maintenant les films différemment ? Expliquez pourquoi ?

Quatre élèves ne se sont pas exprimés, et huit d’entre-deux ont répondu négativement. Une minorité des élèves se montrent insensibles aux apports de l’analyse filmique. Toutefois, trois de ces onze élèves ont nuancé leurs réponses et remarquent que décomposer un film présente quelques intérêts. Enfin onze élèves ont ressenti cet apport. D’une part ils ont remarqué le processus d’élaboration du film (« je me rends compte du travail effectué pour les spectateurs ») . D’autre part, ils pratiquent maintenant une analyse filmique lorsqu’ils regardent un film : « maintenant je regarde le mouvement de la caméra ; « cela aide dans le repérage des plans et de la bande son ».
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CONCLUSION

L’étude du document filmique est un excellent complément à l’étude de documents classiques si un travail de réflexion préparatoire est mené par l’enseignant pour utiliser ce média. Le professeur d’histoire doit alors définir des objectifs notionnels et surtout mettre en place des objectifs méthodologiques (Quelle analyse de l’image animée pratiquer ? Quelles consignes et questionnement face au document filmique adopter?). Le document filmique doit être sélectionné avec beaucoup d’attention : le choix de l’extrait doit s’effectuer en fonction de(s) objectif(s) notionnel(s) choisi(s) par le professeur.

Ainsi, dans le cadre du cours d’histoire, pour la Révolutionfrançaise,nous n’avons pas utiliséfilmdefictioncommeundocument original. Grâce à l’analyse filmique pratiquée, nous avons pu montrer aux élèves que le film de fiction historique n’était qu’une reconstitution, une réinvention même. Ainsi : « en reconstituant un espace, un environnement du passé, nous réinventons, car nous sommes confrontés à un problème d’étrangeté des formes coupées du présent. Faire l’histoire, c’est retrouver les formes d’une réalité de l’époque qui nous paraissent étrangères.René Allio (1977), cité dans Bourget (J-L), L’histoire au cinéma le passé retrouvé, Paris, Gallimard, 1992, p 109.».

Malheureusement, nous n’avons pu aborder avec cette classe la dimension historique du film de fiction. Certains films permettent de comprendre le climat, la contradiction d’une époque. La Marseillaise de Jean Renoir (1937), par exemple, est moins un travail de reconstitution historique qu’une illustration de l’idéologie du Front Populaire : celle-ci y est illustrée et magnifiée dans le film. Le film est alors source d’histoire. L’histoire de la réalisation d’un film peut ainsi en faire un document d’histoire. De plus, le film permet d’exprimer une force dont l’auteur ne peut pas avoir conscience. Le cuirassé Potemkine d’Eisenstein (1905) exprime le souffle de la Révolution. Il permet d’atteindre une vérité et un climat bien plus profond que des images authentiques telles que celles des actualités cinématographiquesFerro (M), Cinéma et histoire, Paris, Folio, 1993, p 103.. Certains films de fiction sont tellement parlants et paraissent si véridiques qu’ils sont utilisés comme des images authentiques : des images d’Octobre d’Eisenstein (1927) figurent dans de nombreux documentaires présentant les évènements de la Révolution russe. La confusion images authentiques-images de fiction s’installe alors dans nos esprits. Le film de fiction est alors un agent de l’histoire.

Ces deux dimensions du film de fiction mis en valeur par Marc Ferro Ces deux dimensions sont développées dans son ouvrage Cinéma et histoire, Paris, Folio, 1977 (nouvelle édition refondue 1993)
Marc Ferro a créé de nouveaux rapports entre cinéma et histoire en modifiant la place et le statut des films. Depuis son article paru en 1971 dans les Annales E.S.C « le film, contre analyse de la société » (n° 1, pp 109-124) et son ouvrage Analyse de films, analyse de sociétés, une source nouvelle pour l’histoire (Paris, Hachette, 1976), le film de fiction a acquis le statut de document historique.
n’ont pu être examinées avec des élèves de quatrième. Elles peuvent l’être avec des élèves de première ou terminale qui étudient la période contemporaine de l’invention du cinéma et sont aptes à comprendre de tels phénomènes.

Nous avons ainsi abordé le document filmique non comme un document historique, mais comme une médiation dans la transmission de connaissances historiques.

Nous nous sommes appuyés sur l’iconicité, la représentation analogique du réel, de l’expression filmique pour faciliter l’accès au savoir historique chez les élèves. Nous affirmons que l’étude de documents filmiques répond à des objectifs disciplinaires et transdisciplinaires.

Le film de fiction permet d’abord de transmettre des connaissances : c’est un excellent support pour l’acquisition par les élèves du savoir notionnel. Mais le film de fiction n’est pas seulement un vecteur d’informations qui apporte ou modifie des connaissances. C’est aussi un support très utile pour structurer et éprouver des connaissances. La projection d’extraits de films de fiction permet également d’initier l’élève à la méthode historique et de développer son approche critique de l’histoire. En outre, la présentation d’un film historique permet aux élèves grâce à la ressemblance à la réalité de faire le lien entre l’histoire individuelle et collective.

L’initiation au langage du cinéma et à l’analyse filmique que nous avons pratiqué entraîne les élèves à une lecture active et critique d’un document audiovisuel. Ces élèves de quatrième pourront par la suite développer ce regard sur d’autres types d’images animées : des séquences d’actualités cinématographiques ou des films de propagande envisagées dans le cadre du programme de troisième d’histoire, au lycée, en première et terminale. L’utilisation du film de fiction en classe prend alors une dimension civique puisqu’elle permet à l’élève de réfléchir face aux images animées diffusées par les médias.

Enfin, cette utilisation est une formidable passerelle entre les savoirs scolaires et la culture extrascolaire au sein de laquelle les images abondent.
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FILMOGRAPHIE ET BIBLIOGRAPHIE

Films étudiés en classe

– Danton, Wajda Andrzej, 1982 (couleur)
– 1788, Fravelic, 1988 (téléfilm couleur)
– Napoléon, Gance Abel, 1927. (N&B)
– La Révolution française : I. Les années lumières, Enrico Robert, 1989 (couleur) et II. les années terribles, Heffron Richard T, 1989 (couleur)
– Si Versailles m’était conté, Guitry Sacha, 1953. (N&B)

Ouvrages sur la révolution française et le cinéma

– Dallet Sylvie, La Révolution française et le cinéma, Paris, Quatre vents, 1988
– Icart (Roger), La Révolution française à l’écran, Toulouse, Milan, 1988
– « Regards sur la Révolution », Les cahiers de la cinémathèque n°53, Perpignan, 1989
– « La Révolution vue par le cinéma », TDC n°299, janvier1983

Ouvrages sur le cinéma et l’histoire

– Bourget (J-L), L’histoire au cinéma le passé retrouvé, Paris, Gallimard, 1992
– Ferro (M), Cinéma et histoire, Paris, Folio, 1993
– Guibert (P) et Oms (M) , L’histoire de France au cinéma, Cinémaction, n° hors série, 1993

Ouvrage sur la Révolution française

– Vovelle (M), La Révolution française 1789-1799, Armand Colin, 1992

Ouvrages sur l’utilisation du film de fiction en histoire

– Bernard (D) /Farges (P) /Wallet (J) , le film dans le cour d’histoire géographie, Armand Colin, 1995.
– Carnet (A) et Torset (D), « L’image animée en histoire », in Gaudin (G) et Maréchal (J), Image et pédagogie en histoire géographie, pp 125-139, CNDP, 1995.
– Chilouard (A), « Film documentaire, film de fiction, comment contribuer à l’éducation du regard ? », in Gaudin (G) et Maréchal (J), Image et pédagogie en histoire géographie, pp 37-48, CNDP, 1995.
– Poirier (B) (dir), Texte filmique et apprentissage en histoire, INRP, 1993.
– Poirier (B), Document filmique et apprentissage en histoire, enquête sur les représentations et les pratiques des professeurs des lycées et collèges, INRP, 1995.
– Poirier (B), Documents filmiques, documents écrits, étude comparée de leur statut et de leurs usages dans l’enseignement de l’histoire, INRP, 1998.

Ouvrages sur l’analyse filmique

– Aumont (J), L’esthétique du film, Nathan, 1991
– Baticle (Y), Clés et codes du cinéma, Magnard, 1973
– Vanoye (F), Précis d’analyse filmique, Pais, Nathan, 1993

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