Blue bloods : « ce qui nous captivait je crois, c’est que nous voulions montrer que l’on pouvait avoir des opinions différentes à la table du dîner, et que c’est toléré et encouragé ». Robin Green Productrice exécutive de la série. 

Blue bloods
Ça ressemble aux Clionautes à Blois !

Pour apprécier cette série créée par Robin Green et Mitchell Burgess en 2010, il faut avoir passé un peu de temps à New York et plus précisément entre Brooklyn et Manhattan. La série raconte la trajectoire d’une famille d’Irlandais catholiques, plutôt conservateurs, qui constitue une sorte de dynastie où l’on retrouve, autour de la table pour le déjeuner du dimanche, quatre générations de Reagan. Le nom n’est peut-être pas choisi par hasard, même si ce patronyme est assez commun, il est aussi celui d’un président des États-Unis, ancien acteur d’Hollywood, ancien gouverneur de Californie, et largement investi en son temps dans le maccarthysme lorsque cette chasse aux sorcières avait touché les milieux du cinéma.

L’acteur qui porte la série est Tom Selleck , né en 1945, qui a donné son visage à la série Magnum qui a occupé les écrans pendant huit ans. Il est aussi conservateur, a soutenu John McCain en 2008, et il est membre de la National Rifle association, l’association qui s’oppose aux mesures restrictives concernant les armes à feu, une des conséquences de ce fameux deuxième amendement qui fait des États-Unis le pays où la densité d’armes à feu rapporté à la population est la plus élevée du monde.

Le deuxième amendement de la Constitution américaine dispose : « le droit de chacun de posséder et de porter une arme ne doit pas être enfreint, pour ce qu’une milice bien organisée est nécessaire à la sécurité d’un Etat libre ».

https://frenchdistrict.com/articles/avoir-une-arme-aux-etats-unis/

Blue bloods est diffusée en France depuis 2012

La série semble avoir trouvé son public sur des chaînes spécialisées comme série Club. Le modèle de construction des différents épisodes présente l’intérêt d’associer trois histoires en parallèle qui parfois se rejoignent. Franck Reagan, chef de la police en exercice, veuf inconsolable, malgré quelques aventures, cohabite avec son père Henry, lui-même ancien chef de la police de New York, et qui constitue le point d’ancrage de la tribu.

Franck Reagan a eu quatre enfants, son fils aîné a été tué en service avant le début de la série, ce qui permet de donner un fil conducteur à la première saison. Deux de ses enfants sont policiers également, Dany est Lieutenant, Jamie officier en tenue, tandis que Erin, la fille est substitut du procureur de Manhattan.

Les quatre pôles de la famille, la direction de la police de New York, le bureau du procureur, le lieutenant de police et son équipier, et le policier en patrouille, sont confrontés, d’épisode en épisode, à toutes les péripéties qui peuvent engager, dans une ville comme New York, les forces de l’ordre.  Régulièrement, lorsque la menace contre l’ordre public devient majeure, les trajectoires des quatre équipes finissent par se croiser, et ils parviennent en général à ce que force demeure à la loi.

Car c’est bien la loi qui semble servir de socle constitutif à ce clan familial. Celui-ci évolue d’ailleurs avec la sortie de la série de l’épouse de Dany, une infirmière assassinée par un cartel mexicain, tandis que Jamie finit par épouser son équipière à la saison neuf. Pour la fin de la saison 10 on voit apparaître le fils de Joe, l’ainé mort en service qui devrait prendre une place plus importante dans la saison 12 à paraître.

 

 

Les paysages de Brooklyn et de Manhattan finissent par devenir familiers, lorsque l’on parcourt certaines rues du côté de Time Square, on s’attend à trouver à proximité d’une boutique qui vend des Donuts le binôme formé par Eddie Djanko et Jamie Reagan dans la voiture de patrouille. Plus dynamique et plus nerveux, ayant une conception assez particulière de la vitesse au volant, le binôme Dany Reagan et Maria Baez, une latino évidemment, peut déboucher à tout moment dans un grand bruit de sirène.

Erin et Franck Reagan sont surtout dans leurs bureaux respectifs, dans la salle d’audience plutôt pour Erin, et si la substitut du procureur poursuit des criminels, Franck Reagan doit gérer 35 000 hommes qui forment la police de New York, entre pressions politiques, contraintes budgétaires, tourbillon médiatique, et règles éthiques, parfois difficiles à suivre. On retrouve dans la série les différents thèmes sécuritaires auxquels les États-Unis sont confrontés. Le clan Reagan doit lutter contre le terrorisme, post 11 septembre, les cartels, les gangs de quartier, les tueurs en série, les psychopathes, les trafiquants de drogue, les braqueurs, bref tout ce que la société américaine peut produire comme déviances. Mais il n’y a pas que la société américaine qui est confrontée à ce type de fléau. Mais il est vrai que dans la ville qui ne dort jamais, une ville monde pour les géographes, les problèmes sont plus concentrés qu’ailleurs.

C’est évidemment sur les questions de société que l’on peut faire une analyse politique de la série et j’ai la faiblesse de croire qu’elle ressemble, par les valeurs qu’elle transmet, à ce que les Clionautes peuvent représenter dans le paysage de l’histoire et la géographie dans notre pays. Franck Reagan a transmis à ses enfants un certain nombre de valeurs, celle de l’indépendance et de la capacité à résister aux pressions de tous ordres, aux tentations parfois corruptrices du sérail politique. On retrouve également, dans différents épisodes, et malgré le côté plutôt sombre de certaines histoires, une approche empathique, toujours généreuse. Nous sommes loin du conservateur version Tea party ou du Red neck qui a permis l’élection de Donald Trump.

Blue bloods – Une série de droite ?

On est pourtant loin du politiquement correct qui vise à dédouaner des groupes ethniques particuliers de leurs responsabilités en matière d’insécurité. Les gangs ethniques sont clairement identifiés, qu’ils soient noirs ou latinos, de la même façon que les gangs de motards blancs, et suprémacistes. Les Reagan les combattent tous avec la même énergie, et la même rigueur.

Alors posons la question qui fâche : « peut-on aimer une série de droite ? » Car c’est bien ainsi que Blue Bloods peut être identifiée. Le clan Reagan se retrouve à la table du déjeuner du dimanche après avoir été à l’église. Ils entretiennent des liens particuliers avec l’évêché, les prêtres de leur paroisse et les enseignants de leurs écoles catholiques.

Mais en même temps les valeurs qu’ils portent, tirées d’un Évangile qu’ils connaissent, sont celles qui les rendent attachants. D’autant qu’en matière de sociabilité, leur table bien garnie et l’intérêt qu’ils portent tous sans exception, au whisky pur malt, le whiskey, plutôt car ils sont irlandais, le clan Reagan n’a rien n’a apprendre.

Chaque personnage a sa trajectoire, parfois originale comme celle de Jamie ou de Erin, ce qui crée à la table dominicale des discussions passionnées. Et cela ressemble beaucoup au Clionautes, tel qu’on a pu les voir se développer, depuis 2012. (Depuis que cette série existe, c’est une coïncidence certainement). Il y a des points communs en termes relationnels, puisqu’ils reposent sur des échanges autour d’une bonne table, que nul ne quitte en étant fâché. C’est du moins ce qu’il faut espérer pour l’avenir.

Pour en revenir aux différents épisodes des 11 saisons déjà diffusées, on retrouve les ingrédients habituels d’une série policière, très largement centrée sur New York et encore une fois sur Manhattan et Brooklyn. Des trafiquants de drogue, des tueurs en série, dont l’un, plutôt épouvantable est traqué pendant toute une saison par Dany Reagan, des manipulateurs, des braqueurs, s’opposent à ce clan familial qui sert sa ville depuis au moins trois générations. Les Reagan sont aussi des patriotes, le patriarche a servi en Corée, Franck Reagan au Vietnam, Dany en Irak. Ils attachent tous les trois une importance particulière aux vétérans dont certains se retrouvent parfois dans des situations particulièrement difficiles.

On retrouve également les problématiques de cette nouvelle droite américaine suprémaciste et franchement raciste et même un homme de médias, – toute ressemblance avec Trump n’est pas une coïncidence – que Franck Reagan dénonce avec force, tout en lui permettant, au nom du premier amendement, de s’exprimer.

Le bureau du chef de la police dans lequel le spectateur se retrouve régulièrement apparaît comme un centre névralgique qui assure la sécurité d’une ville géante, et qui dirige l’équivalent de deux divisions de l’armée. La police new-yorkaise compte en effet 35 000 hommes et il s’agit, on ne le sait pas forcément, d’une police municipale, sous l’autorité du maire de la ville. Cette position est éminemment politique, et il s’agit, dans cette ville monde, de gérer de façon habile, équilibrée, des questions parfois sensibles comme les relations inter communautaires.

Blue Bloods – L’équilibre entre respect du droit et maintien de l’ordre

Les dialogues entre Franck Reagan et le pasteur radical, porte-voix de la communauté afro américaine, sont parfois savoureux, et la tension entre les deux personnages devient palpable. De la même façon Jamie et Dany Reagan sont confrontés à l’islam radical. Mais ils parviennent à défendre les valeurs de l’Amérique face à des adversaires particulièrement retors, encore une fois en restant attachés aux principes humanistes qui les guident en permanence.

On observera également les relations très particulières entre le chef de la police et ses collaborateurs les plus proches. L’attaché de presse, chargé de communication, doit jongler avec des médias omniprésents, et particulièrement critiques à l’égard des forces de police, et la nécessité d’ordre public dont le chef de la police et comptable. À ses côtés on trouve Sid Gorney, un lieutenant principal qui représente la voix de 35 000 policiers, soutenus par de puissants syndicats, souvent confrontés à tout ce qui peut se produire dans la rue, y compris un certain nombre de dérapages. Mais il est vrai que dans les différents épisodes les violences policières sont traitées avec un certain sens de la nuance.

Baker, l’assistante de Franck Reagan est également un personnage intéressant, lieutenant de police également, mais totalement dévouée à son patron avec qui il entretient des relations quasi filiales. Sa position l’expose à toutes sortes de pressions qu’elle parvient à gérer avec une certaine rigueur qu’il rend malgré tout sympathique.

Au fil des saisons on se prend à aimer ces personnages totalement investis dans leur métier au service de la loi. En même temps la série a une valeur documentaire car elle montre bien les différents protocoles, notamment en matière juridique, mais vus sous l’angle du bureau du procureur. Et dans ce domaine aussi la politique est largement présente. Franck et Erin Reagan, dans leurs positions respectivess, doivent gérer les liens entre la justice, la police et le monde politique. Et si les Reagan semblent exemplaires, dotés de solides valeurs morales, le personnel politique semble dépeint sous un jour assez peu flatteur, même si l’on peut avoir une certaine sympathie pour le maire noir de New York présent de la saison deux à la saison six.

Au final on pourrait montrer un épisode de cette série, ou plusieurs pourquoi pas, pour aborder différents thèmes. Celui d’une société multiculturelle, avec les conséquences que cela peut avoir dans les rapports entre individus. Celui également d’une société fracturée, où les inégalités sociales recoupent parfois les différences ethniques, mais en introduisant tout de même un certain nombre de nuances, et en l’espèce on retrouve parfois, dans la résolution des problèmes abordés, des compromis qui pourraient nous surprendre de ce côté de l’Atlantique.

Mais au final, l’attachement à des valeurs, celles de l’honnêteté, de l’intégrité, de l’attachement à ses racines, que l’on retrouve dans la trajectoire de ce clan familial, est éminemment sympathique. Au point que l’on aimerait bien participer à l’un de ces déjeuners du dimanche où l’on ne risque pas, et c’est une des qualités de la série, de devenir végétarien, vegan, ou prohibitionniste. Et par les temps qui courent, ce n’est pas forcément désagréable.

BLUE BLOODS RENOUVELÉE POUR UNE SAISON 12