Les mémoires de la guerre d’Algérie avec Cinéma éducation
René Vautier
Avoir vingt ans dans les Aurès
La mise en œuvre de ce dossier de présentation du film de René Vautier « Avoir 20 ans dans les Aurès », est liée à l’action menée par l’agence cinéma éducation -zéro de conduite, de diffusion d’œuvres documentaires et de fiction assorties de dossiers pédagogiques. L’acquisition des supports numériques de diffusion permet de disposer des droits d’utilisation et de diffusion publique des œuvres dans le cadre pédagogique et de la possibilité de télécharger le dossier pédagogique.

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Synopsis

Avril 1961. Dans le massif des Aurès, un commando de l’armée française, formé d’appelés bretons, affronte un groupe de l’Armée de libération nationale lors d’une embuscade. Les soldats parviennent à faire un prisonnier mais l’un d’entre eux est blessé au cours de l’accrochage.
Instituteur dans le civil, il se rappelle les événements vécus avec ses camarades au cours des derniers mois. Leur opposition à la guerre en Algérie les a conduits dans un camp réservé aux insoumis. Il se remémore la façon dont leur chef a su les transformer, de jeunes Bretons antimilitaristes qu’ils étaient, en redoutables chasseurs de fellaghas, prêts à tuer et y prenant goût. Tous sauf Nono… Une plongée dans les contradictions de la guerre d’Algérie autant que dans celles de l’âme humaine.

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Alors que l’on a célèbre cette année le cinquantenaire de la fin du conflit (1962), les nouveaux programmes officiels d’Histoire réservent une place pleine et entière à la Guerre d’Algérie : étudiée en tant que telle en Première au chapitre de la décolonisation, elle fait également l’objet d’un approfondissement en Terminale L/ES, sous l’angle mémoriel (« L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie »).
Depuis 2006, de très nombreux films ont été réalisés comme La Trahison, Nuit noire 17 octobre 1961, Mon Colonel, L’Ennemi intime, Hors la loi par une génération de cinéastes postérieurs au conflit (enfants ou pas encore nés à l’époque des faits).
Avoir vingt ans dans les Aurès a été réalisé en 1972 seulement 10 ans après l’indépendance de l’Algérie en 1962. R.A.S. réalisé par Yves Boisset est sorti en salles le 15 août 1973.

Analyse

Dans une certaine mesure, l’histoire de ces deux films est la même, avec tout de même des différences dans le traitement plastique et dans la mise en scène. RAS est plus proche des films de guerre classiques, tandis que « Avoir vingt ans dans les Aurès » est un film plus militant mais avec une préoccupation esthétique très marquée notamment dans les plans qui montrent les habitants des Aurès et leurs vêtements très colorés où les décors sculptés dans les grottes où l’in voit nettement étoiles de David et Chandeliers à sept branches, ce qui montre d’ailleurs que le monothéisme juif a été très présent avant la conquête arabe.

Pour le professeur d’histoire qui aurait à utiliser ce film pour traiter cette question des « mémoires de la guerre d’Algérie », il y aurait sans doute plusieurs difficultés.

L’action est rare et n’a rien à voir avec les blocksbusters du cinéma de guerre avec des rafales incessantes de tirs d’armes automatiques.
Le prestige de l’uniforme en prend un coup avec des soldats, rappelés du contingent, originaires d’unités disparates, composés en commando de chasse sous le commandement d’un chef de section, le lieutenant Perrin, magnifiquement interprété par Philippe Léotard. Inutile aussi de chercher la moindre posture réglementaire dans les attitude de ces appelés bretons dépenaillés.

L’histoire du film est basée sur une compilation de témoignages confirmés et authentifiés et se déroule précisément pendant le putsch des généraux en avril 1961.
On pourra compléter cette évocation avec ces photos de l’ECPAD
http://www.ecpad.fr/le-putsch-des-generaux-21-26-avril-1961-a-travers-les-archives-de-lecpad

On entend dans le film des extraits du discours du Général de Gaulle écouté par les appelés qui utilisent leur poste à transistor.

http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/accueil/discours/le-president-de-la-cinquieme-republique-1958-1969/message-au-lendemain-du-putsch-des-generaux-23-avril-1961.php

Un des éléments du discours de Charles de Gaulle « L’argument suivant lequel il pourrait être localement nécessaire d’accepter leur commandement sous prétexte d’obligations opérationnelles ou administratives ne saurait tromper personne. Les seuls chefs, civils et militaires, qui aient le droit d’assumer les responsabilités sont ceux qui ont été régulièrement nommés pour cela et que, précisément, les insurgés empêchent de le faire. » n’est pas dénué de conséquences pour le soldat blessé, le sergent instituteur qui y laissera finalement sa jambe puisque pendant le putsch l’hélicoptère d’évacuation sanitaire est indisponible.

Ce film présente aussi une certaine vision de l’armée de métier, incarnée par le lieutenant Perrin, parachutiste et ancien de l’Indochine qui utilise un groupe de jeunes appelés, sanctionnés pour attitudes hostiles à la guerre d’Algérie mais soudés en groupe, pour constituer l’un de ces commandos de chasse qui porteront des coups très durs aux Wilayas du FLN.

Pour les soldats de métier, comme le lieutenant Perrin, anciens d’Indochine, l’idée de l’abandon de l’Algérie, malgré la parole donnée a été vécue comme un drame personnel, d’autant plus que sur le terrain, leur mission était remplie et que le FLN n’a remporté aucune victoire militaire.

Pour les appelés, la logique de la guerre amène des jeunes de vingt ans, sans aucune implication dans le conflit en raison de leurs origines géographiques à se comporter comme des pillards, des violeurs et des assassins. La logique de la contre-insurrection est ici montrée dans toute sa brutalité, même si elle a été présentée comme « visant à gagner les cœurs et les esprits » par la suite. David GalulaContre-insurrection, théorie et principe. Ce lieutenant-colonel né en 1919 avait émis de fortes réserves à propos de la doctrine de « la pacification » basée sur le regroupement forcé des populations qui était pratiqué par l’armée française sur le terrain des opérations.

Interprété par Alexandre Arcady, Noël, dit « Nono » a refusé de charger son arme. IL fait office d’infirmier et finalement, au moment où le prisonnier FLN Youssef va être exécuté, il s’évade avec lui. L’histoire est inspirée par des faits authentiques et cette attitude a concerné quelques soldats qui sont allés au bout de leur engagement contre la guerre coloniale. Le film n’est pas à priori un document historique même si les faits de désertion ont été réels mais extrêmement rares. (120 pour plus de 1,3 millions de soldats mobilisés) La plupart des soldats du contingent ont obéi aux ordres qui leurs étaient donnés et ont pour beaucoup gardé le silence sur les actes que certains ont été amenés à voir et à commettre.

Ce qui est intéressant se trouve dans la conclusion du film. Le corps de Noël est retrouvé, une balle dans le dos. Pour le lieutenant Perrin, et quelles que soient les idées de Noël qu’il rejette, « Nono » doit être vengé. La guerre continue.

Dans cette guerre, dans toutes les guerres, c’est le groupe que forment les soldats qui compte, au niveau de la section le plus souvent, du peloton. Et le principe de la guerre d’Algérie qui a largement été repris lors de la guerre d’Afghanistan, celui de la contre insurrection, associe la présence sur le terrain et la poursuite des éléments que l’on souhaite éradiquer avec des moyens léger en s’appuyant sur les voilures tournantes pour le transport des personnels et désormais le drône pour l’observation. Cette forme de guerre réhabilite l’homme par rapport au matériel même si les évolutions techniques en cours permettent au niveau du groupe de combat la numérisation du champ de bataille.

Sur le film lui-même et sur sa réalisation, le manque de moyens et de connaissances militaires est évident mais cela n’enlève rien à sa portée esthétique et au message humaniste qu’il transmet. En classe il permet, si l’on diffuse certains extraits comme l‘annonce du putsch et son échec, d’illustrer le rôle des medias pendant la guerre d’Algérie, un des thèmes du programme. (Le transistor utilisé est bien d’époque par contre).
Sur les mémoires de la guerre d’Algérie, ce film de René Vautier est bien une représentation d’une contestation militante de ce silence sur les « évènements d’Algérie », effectivement reconnus comme guerre en 1999 tandis que les anciens d’Algérie ont eu accès à la carte du combattant après 1974. Mais entre 1968 et 1972, la loi d’amnistie de 1968 qui libère les anciens de l’OAS, réveille les mémoires sur ce conflit.
Les nostalgiques de l’Algérie Française se découvrent de nouveaux héros tandis que l’extrême gauche encore très active à cette époque dénonce la guerre coloniale menée par des « fascistes ». Ce sont les nouveaux programmes d’histoire de terminale de 1982 qui ont intégré la « guerre d’Algérie » en tant que telle, ce qui n’a pas été évident à faire passer dans les départements et région du Sud de la France où les cercles algérianistes sont actifs. Dans les années soixante dix, les salles qui diffusaient ce film ont été l’objet de menaces et de pressions, y compris à Montpellier et les services d’ordre des mouvements d’extrême gauche assuraient d’ailleurs la protection de ces projections.

Fiction
16mm // 90 minutes // couleur

  • Scénario et réalisation : René Vautier
  • Assistant réalisation : Denis Epstein
  • Scripte : Nicole Le Garrec
  • Stagiaire réalisation : Éric Lambert
  • Directeur de production : Yves Benier
  • Prises de vues : Pierre Clément,
  • Daniel Turban
  • Prise de son : CÉRÉSI, Antoine Bonfanti, Michel Desrois, J.F. Chevalier
  • Régie : José They, Mahmoud Djemni
  • Photographies : Félix Le Garrec
  • Générique : Étienne Yanzi
  • Montage : S. Nedjma Scialom, Hamid Djellouli, Jacques Michel
  • Maquillage : Fatiha Rahou

Interprétation

  • Alexandre Arcady (Noël)
  • Hamid Djellouli (Youssef)
  • Philippe Léotard (le lieutenant Perrin)
  • Jacques Cancelier (Coco)
  • Jean-Michel Ribes (le curé)
  • Alain Scoff (Lomic)
  • Jean-Jacques Moreau (Jacques)
  • Michel Elias (Robert)
  • Yves Branellec (Yaouenn)
  • Philippe Brizard (la Marie)
  • Charles Trétou (Charles)
  • Alain Vautier (Lanick)
  • Pierre Vautier (Pierrick)
  • Bernard Ramel (Nanard)

Production : U.P.C.B. 1972 // N° Visa : 38801
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