Mica de Ismael Ferroukhi – Avec Zakaria Inan, Sabrina Ouazani, Azelarab Kaghat
22 décembre 2021 en salle / 1h 43min
Ce film que nous avons eu la chance de voir en avant-première mérite assurément le détour. Le scénario fait preuve d’une belle inventivité, et même d’une certaine violence que l’on peut qualifier de salutaire. On peut évidemment le prendre au premier degré, comme le récit de la trajectoire d’un gamin des bidonvilles qui se réalise grâce à un talent particulier pour un sport. Mais on peut aussi le regarder comme une réflexion sur les travers de cette société marocaine où les fractures sociales sont omniprésentes.
En dehors de ceux qui peuvent s’élever, et même réaliser leurs rêves, par leur courage, leur aptitude, et certainement une bonne dose de baraka, il ne reste à toute une jeunesse que les rêves d’émigration, avec les dangers que cela représente.
Mica, le surnom que l’on donne à cet enfant, évoque les sacs en plastique qu’il vend à la sauvette, pour un dirham, après les avoir trouvés dans une décharge. C’est aussi le fils aîné d’une famille dont le père handicapé ne peut subvenir à ses besoins. Il n’est pas question ici d’école, ni même d’avenir. Il faut nourrir cette famille et cet enfant de moins de 12 ans se retrouve ainsi placé comme « petite main » dans un club de tennis.
Son destin bascule lorsqu’il rencontre Sophia, une ancienne championne junior, écartée des courts de tennis par une blessure. La jeune femme se prend d’affection pour cet enfant qu’elle commence à entraîner.
Surtout pas d’assignation aux origines !
Au-delà de l’histoire, incontestablement émouvante, on appréciera la qualité de la photographie. Les images du bled, celles de ce port qui fait rêver Mica, cette terre battue qui sert de décor, entraînent le spectateur dans un tourbillon de sensations. Il y a cette violence aussi exercée par des pauvres sur d’autres pauvres, cette énergie que le jeune acteur déploie lorsqu’il frappe la balle de sa raquette. Ce n’est plus un jeu ici, et le match final est un combat. L’ocre de la terre battue, le sable d’une arène. De l’issue de ce combat dépend l’avenir de cet enfant. Celui qu’il saura construire, même si la route qu’il devra emprunter sera certainement moins facile que celle des autres. Ces rejetons de la bourgeoisie marocaine, francophones, tandis que Saïd ne parle que l’arabe, sont également cruels. Et c’est aussi une réflexion sur l’enfance à laquelle ce film nous invite.
Je suis hostile à toute utilisation de ce film qui viserait à renvoyer les élèves d’origine maghrébine auxquels il serait présenté à une sorte d’assignation identitaire. Ce serait sans doute une tentation forte et bien des enseignants, sur fond de bonnes intentions tomberaient dans ce piège. Bien au contraire, c’est sans doute le message complexe, associant la brutalité des relations sociales, et en même temps l’empathie, qui doit être mis en avant. À cet égard le tuteur du jeune Mica évolue de façon intéressante. Lui-même issu d’un milieu pauvre, victime des moqueries des enfants privilégiés qui le ramènent à sa condition de domestique, se prend d’affection pour son protégé. C’est aussi le message d’espoir que ce film laisse entrevoir. Les pauvres ne sont pas toujours des loups pour leurs semblables.