Afghanistan – l’intervention française

Le contexte dans lequel ce film a été réalisé, avec le soutien de l’armée française, et avec un budget de près de 8 millions d’euros, à comparer avec celui de War machine, ( 60 millions de dollars) est celui du changement de nature de l’intervention dans ce conflit commencé à la toute fin de l’année 2001.

Plus atlantiste que son prédécesseur, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy a souhaité renforcer le dispositif français en Afghanistan. L’effectif atteint alors 4000 hommes et les groupements tactiques interarmes sont déployés sur différents théâtres comme La Kapissa et Surobi. En août 2008 10 soldats français meurent au combat lors de l’embuscade d’Uzbeen. Ces soldats, essentiellement du 8e RPIMa, ont combattu jusqu’au bout pendant des heures contre des forces largement supérieures en nombre. Leur nom sera rappelé au bas de cet article.

Peu de temps avant la sortie du film, deux journalistes français otages en Afghanistan pendant 18 mois avaient été libérés.


Le Point – Les journalistes français otages en Afghanistan libérés Publié le 29/06/2011 à 22h29

Les deux journalistes français Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, otages en Afghanistan depuis 18 mois, ont recouvré la liberté mercredi, ont annoncé les autorités françaises qui ont assuré n’avoir versé aucune rançon pour cette libération.

Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, qui travaillaient pour un magazine de la chaîne publique France 3, avaient été enlevés le 30 décembre 2009 à 60 km de Kaboul, dans la province de Kapisa, région dont sont chargées les troupes françaises dans le cadre de la coalition.

L’interprète afghan des deux journalistes, Reza Din, a également été relâché mercredi. Leurs deux autres accompagnateurs ont été libérés « il y a un certain temps », mais cette libération n’avait pas été rendue publique pour des raisons de sécurité, a précisé le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé.

Les deux journalistes sont « dans un état de santé physique et moral étonnamment bon », a déclaré à l’AFP un responsable de l’ambassade de France à Kaboul, où se trouvent les deux hommes.

Les deux reporters de France 3 ont été « récupérés quelque part dans la province de Kapisa (au nord-est de Kaboul), qu’ils n’ont jamais quittée depuis leur enlèvement », selon cette même source.


Afghanistan – une guerre asymétrique

Le synopsis du film est assez simple, puisque il raconte, plus que la mission de libération de la journaliste prise en otage, (Diane Kruger), la poursuite par les talibans de l’unité de forces spéciales dans une zone particulièrement hostile, aux confins de l’Afghanistan et du Pakistan.

Le réalisateur est connu pour de nombreux documentaires, et si cela a pu être considéré comme un défaut par la critique, on ne peut pas lui reprocher le souci de l’exactitude et d’un réalisme incontestable. Les process du combat d’infanterie sont parfaitement réalistes, ce qui est une distinction notable par rapport à des films de guerre du même type.

L’unité de forces spéciales est assez hétérogène, ce qui peut sembler surprenant puisque cela associe des commandos de marine, donc la marine nationale, le premier régiment parachutiste d’infanterie de marine, (armée de terre), et les commandos parachutistes de l’air. ( Armée de l’air). Alain Alivon, dit Marius, est également dans la distribution. Ce personnage qui a quitté le service actif en 2006 est un ancien béret vert, commandos de marine et instructeur. Il est connu pour différentes participations à des émissions de télévision, et il est le personnage principal du documentaire « à l’école des bérets verts » qui montre le processus de sélection impitoyable de cette unité d’élite de l’armée française. On notera que les deux personnels morts au champ d’honneur pendant la libération d’otage au Burkina en 2019, en faisaient partie.

Cela traduit sans doute la volonté de l’armée française et de ses services de communication de n’oublier personne, et de bien mettre en valeur les trois armes.

La première partie du film se déroule dans deux espaces différents, le cadre dans lequel évoluent certains membres du commando, y compris leur vie sociale, et la ville de Kaboul dans laquelle la journaliste se livre à un travail d’investigation.

Le débouché est assez prévisible, la journaliste et son accompagnateur afghan sont pris en otage, et l’autorité politique décide la mise en place de l’opération commando pour assurer leur libération.

 

Afghanistan – Entre contre-insurrection et action commando

Il n’est pas évident de montrer, sans remettre en cause certains procédés qui relèvent du secret défense, le processus qui permet de détecter les preneurs d’otages, la chaîne de contact et d’intermédiaires qui doit être mis en place, avant que ne commence l’opération commando elle-même.

Dans le film on retrouve les ingrédients classiques du genre, avec le conseil de défense et son président de la république qui exige que l’on ramène l’otage vivante, et les chefs militaires qui montrent les différentes solutions possibles avant que la décision ne soit prise. Cela est moins spectaculaire que la salle de crise de la Maison-Blanche, et son décor high-tech, mais les dorures de l’Élysée ne sont pas mal non plus.

Le chef taliban retient ses otages dans les zones tribales du Waziristan ce qui ne va pas sans poser de sérieux problèmes puisque ce territoire est sous souveraineté pakistanaise. Le réalisateur n’hésite pas à montrer le rôle assez particulier des services secrets pakistanais dont une partie significative avait des liens avec certains chefs de guerre talibans.

Zaiev le chef de guerre taliban n’est pas présenté comme guerrier inculte. La journaliste, Elsa Casanova, rappelle les sept années d’études de ce dernier à Cambridge et la prestigieuse lignée à laquelle il appartient. Remarque assez étonnante mais qu’il convient de relier aujourd’hui à la capacité qu’ont pu avoir les talibans, à partir de 2018, à mener à bien, face aux États-Unis, des négociations qui leur ont permis au final de l’emporter. Le retrait des troupes américaines, l’arrêt du soutien à l’armée nationale afghane dont la valeur est à tout le moins relative, expliquent aussi cette défaite.

Mais au moment où se situe l’action du film, on voit bien une armée française assez seule, sans lien avec la coalition, alors qu’elles représentent la quatrième force numérique de celle-ci.

Cela est somme toute logique, sans doute pour simplifier le scénario, certainement pour des raisons matérielles, mais aussi pour montrer le savoir-faire de l’armée française avec des scènes remarquablement filmées. On appréciera notamment la pénétration commando sous voile permettant à partir d’un largage à haute altitude d’atteindre, de façon discrète, les zones tribales où les otages sont détenus.

L’opération de libération des otages semble assez évidente, ce qui amène certains critiques qui n’y connaissent rien à considérer que cette scène manque de réalisme. À cela deux explications, la première est que les procédés tactiques ne sont jamais présentés dans le détail, la seconde c’est que la fluidité avec laquelle se déroule cette opération est le résultat de milliers d’heures d’entraînement, dont certains à balles réelles. L’objectif est d’associer la pénétration discrète de la zone, et un effet de choc au moment de l’action. On appréciera le travail du sniper qui apporte la couverture, on dira l’appui feu, au groupe engagé au contact.

Le déroulement de l’action se révèle assez prévisible, mais se déroule dans des décors grandioses, au Tadjikistan pour les besoins de la réalisation. À partir de la libération des deux otages, l’imprévisibilité du combat, la perte d’un poste de radio, conduisent le commando à entreprendre une longue marche sur les lignes de crête en direction de l’Afghanistan.

Une scène montre le décalage de niveau de formation technique avec les talibans, certes courageux, mais qui ont du mal à tenir le choc face à une série de tirs concentrés particulièrement meurtriers.

Afghanistan–forces spéciales

Malgré cette supériorité technique, le poids du nombre et l’acharnement des poursuivants finit par décimer le groupe et la plupart des personnages sont abattus. Seuls deux commandos et la journaliste Elsa finissent par survivre au bout de ces 10 jours de traque.

Le film ne doit pas être considéré comme un chef-d’œuvre, loin de là, mais aussi comme une sorte d’hommage au courage de ces hommes qui, dans la vie réelle, et dans un monde de plus en plus conflictuel, sont prêts à aller au bout de leur engagement. On n’y trouvera certainement pas les effets spéciaux spectaculaires d’un blockbuster américain, mais les personnages sont plutôt attachants, et avec un sens de l’humour sympathique.

On n’y trouve même une petite ébauche d’histoire romantique entre la journaliste et le capitaine Tic-tac qui finit par survivre tout comme le chef du Commando. On pourra noter que dans le dialogue entre le capitaine tic-tac et la journaliste, les deux logiques, celle de l’information et celle de l’accomplissement de la mission se retrouvent. Au passage, et on y verra une sorte de démarche en faveur de la diversité, celui-ci est incarné par Djimon Hounsou, acteur et réalisateur béninois qui joue le commandant Kovax.

Alors soyons clair, ce film ne méritait assurément pas d’être éreinté par la critique qui a pu dans certains cas faire assaut d’un antimilitarisme plutôt hors de saison. Bien des productions américaines avec des budgets infiniment plus importants sont très largement inférieures du point de vue du scénario comme de la réalisation. Voir un réalisateur français s’engager dans cette aventure n’est certainement pas anodin. Il montre également que l’armée française en termes de communication a énormément évolué, et que le réalisateur a été largement soutenu. Et finalement nous n’avons pas à en rougir.

Bien entendu il sera intéressant de comparer cette production française avec son homologue américaine, en 2013, Du sang et des larmes …. objet de l’article numéro 6 !

France : 2011 – Titre original : Forces spéciales – Durée : 1h47 – Genre : Action, Guerre – Date de sortie : 2 novembre 2011

Acteurs : Diane Kruger, Djimon Hounsou, Benoît Magimel Distribution : StudioCanal – Sortie 2011

Stéphane Rybojad réalisateur et scénariste

 

In Memoriam :

 Adjudant Sébastien Devez, 8e RPIMa

Sergent Damien Buil, 8e RPIMa

Sergent Nicolas Grégoire, 8e RPIMa

Sergent Rodolphe Penon, 2e REP

Caporal Melam Baouma, RMT

Caporal Kévin Chassaing, 8e RPIMa

Caporal Damien Gaillet, 8e RPIMa

Caporal Julien Le Pahun, 8e RPIMa

Caporal Anthony Rivière, 8e RPIMa

Caporal Alexis Taani, 8e RPIMa

  89 soldats français sont morts en Afghanistan.