Si sur Clio ciné, nous n’avons pas de problème particulier pour traiter des œuvres de fiction qui peuvent avoir un intérêt historique, dans le cadre de nos enseignements, c’est peut-être la première fois que nous nous laissons aller à traiter d’un genre qui me fascine à titre personnel, celui de uchronie. Dans la fiction, l’uchronie est un genre qui repose sur le principe de la réécriture de l’Histoire à partir de la modification d’un événement du passé. On utilise également l’anglicisme « histoire alternative » (alternate history).
Ce film qui avait longtemps disparu des écrans, et qui ressort aujourd’hui en DVD, appartient incontestablement à ce genre. Sorti en 1964, le film part de la défaite britannique lors de la bataille de Dunkerque en 1940. Les Allemands occupent l’Angleterre et imposent au pays un régime calqué sur celui de l’Allemagne national-socialiste.
Dans le DVD lui-même, le diffuseur Dorian film propose un entretien du réalisateur, dans lequel il raconte comment il a pu s’appuyer sur un collectionneur d’objets du troisième Reich pour filmer, avec une quasi totale absence de moyens, – 7000 £ pour réaliser le film – , et présenter une vision des années noires particulièrement réalistes.
Ce film en noir et blanc présente une photographie particulièrement léchée, et on ne voit pas apparaître l’absence de moyens dans le tournage des séquences sauf pour une scène d’action. Les visages sont filmés sans fard, au sens propre du terme et le piqué de l’objectif permet de véritablement rentrer dans l’intimité des sentiment des acteurs, amateurs évidemment.
La dimension historique du film, même s’il part d’un postulat qui ne s’est jamais produit méte largement que l’on s’y attarde. L’Angleterre, vieille démocratie, pays de la déclaration des droits et de l’habeas corpus, n’a pas été épargnée par la montée du fascisme. Oswald Mosley avec le National Front en a été un exemple. De plus, dans certains milieux de la gentry britannique, une certaine proximité avec l’Allemagne a pu s’affirmer, notamment avec des références historiques à un fond germanique commun.
Un antisémitisme montré sans détours
L’antisémitisme qui est débattu par les acteurs, lors de ces séances d’endoctrinement idéologique, est présenté sans détours ni tabous. Il est clairement fait allusion à la « culture » indoeuropéenne dont les juifs « peuple parasite » seraient exclus. De la même façon, la politique d’euthanasie est largement développée avec cet hôpital en milieu rural où Pauline Murray est affectée.
Les britanniques du film semblent s’adapter largement à la domination du Patri National socialiste de Grande Bretagne. La collaboration au quotidien est faite de cette lâcheté ordinaires, celle de Pauline Murray malgré ses problèmes de conscience, et de bien ‘autres qui en rajoutent pour se donner un statut social.
On mentionnera également dans ce film la précision des scènes de combat qui ouvrent le film, le détail des uniformes. Certaines armes ne sont pas conformes au matériel en usage de la période 1944 mais cela relève évidemment du détail. C’est plutôt l’ambiance générale qui forme l’intérêt. Dans un pays où la population serait en majorité acquise à l’occupant, ce qui est encore un postulat du film, on pourrait parfaitement imaginer cette atmosphère particulière, de gens affairés et indifférents. Seule cette scène dans le tramway, insoutenable de violence psychologique, montre que les collabos sont mal vus par la population.
Au final, on pourrait parfaitement imaginer une exploitation pédagogique de ce film. Sans doute avec des élèves particulièrement attentifs. Peut-être que dans une approche pluri disciplinaire avec un professeur de philosophie conduisant une réflexion sur l’engagement, l’historien pourrait développer une réflexion sur les objectifs politiques de Hitler pendant la seconde guerre mondiale. Et cela permettra de sortir de l’histoire commémorative dont nous sommes trop souvent abreuvés.
Dans un autre genre, on pourrait faire référence au roman Fatherland, un roman policier uchronique de l’auteur britannique Robert Harris. Paru au Royaume-Uni et en France en 1992. Un téléfilm de Christopher Menaul, est sorti en 1994. Il raconte une enquête sur la shoah conduite dans une Europe allemande, née de l’échec du Débarquement de Normandie et de la défaite de l’URSS.