L’histoire de la guerre d’Algérie reste encore très largement marquée par des concurrences mémorielles, qui opposent ceux qui se considèrent comme les protagonistes de ce conflit qui s’est terminé officiellement en 1962.
Pendant des années, une sorte de chape de plomb a été posée sur cet épisode de l’histoire des deux pays. Du côté de la France, en dehors de quelques milieux situés à l’extrême gauche, ce que l’on appelait encore « les événements d’Algérie », était passé sous silence. Des associations qui s’estimaient représentatives des rapatriés d’Algérie entretenaient de leur côté une sorte de crispation mémorielle, souvent revancharde, même si pour l’immense majorité de ce que l’on appelait « les pieds-noirs », il s’agissait sans doute de réapprendre à vivre après un drame qu’il ne faut en aucun cas oublier.
Les autorités algériennes ont voulu faire de cette guerre un épisode fondateur de leur histoire, mais aussi une justification du pouvoir qu’elles ont pu exercer à partir d’un parti unique qui a voulu imposer une histoire officielle.
Ce film documentaire, à Béziers, sans doute plus qu’ailleurs, mérite très largement d’être connu.
D’abord parce qu’il introduit, quelques mois avant le début des événements qui commencent le 1er novembre 1954, le contexte de ce qui sera la dernière guerre coloniale menée par la France.
Cette guerre coloniale est semblable à aucune autre. Le poids numérique des Européens en Algérie, mais aussi des Algériens en France, leur politisation au fil des événements, constituent l’une des données du problème.
À Béziers, comme dans d’autres villes de l’arc méditerranéen, en raison de l’importance numérique d’une population issue de la communauté rapatriée, on a voulu instrumentaliser cette histoire, et ce faisant, envenimer des cicatrices encore mal refermées.
Praticiens de l’histoire, enseignants pour la plupart, les Clionautes ne peuvent pas rester indifférents à cet événement.
Il n’est pas question ici de reprendre cette formule constamment rebattue de « devoir de mémoire », mais bien de faire de l’histoire, de donner à savoir et à comprendre.

Les balles du 14 juillet 1953. Durée 1H25

Résumé

Le 14 juillet 1953, un drame terrible s’est déroulé en plein Paris.
Au moment de la dislocation d’une manifestation en l’honneur de la Révolution Française, la police parisienne a chargé un cortège de manifestants algériens. Sept personnes (6 algériens et un français) ont été tuées et une centaine de manifestants ont été blessés dont plus de quarante par balles. Un vrai carnage.
Cette histoire est quasiment inconnue. Pratiquement personne n’est au courant de son existence. Comme si une page d’histoire avait été déchirée et mise à la poubelle. En France comme en Algérie.
Ce film, est l’histoire d’une longue enquête contre l’amnésie.
Enquête au jour le jour, pour retrouver des témoins, pour faire parler les historiens, pour reprendre les informations dans les journaux de l’époque, dans les archives et autres centres de documentation afin de reconstituer au mieux le déroulement de ce drame mais aussi pour comprendre comment ce mensonge d’Etat a si bien fonctionné.
Avant que les derniers témoins ne disparaissent, il est temps que l’histoire de ce massacre sorte de l’oubli.

Pour les enseignants

Le 14 juillet 2014, les militaires descendaient les Champs-Elysées. En 1953, ce même jour de célébration de la fête nationale, on défilait aussi dans Paris entre la Bastille et la Nation. La veille, comme de tradition, les parisiens s’étaient étourdis dans les bals populaires. Le lendemain 7 d’entre eux connurent d’autres bals, des balles qui leur ôtèrent la vie.
Des images de bals ouvrent le documentaire de Daniel Kupferstein consacré à ce très particulier et pourtant méconnu 14 juillet 1953 sous les balles. Le titre de son documentaire – affiche ci-contre[1] – joue astucieusement sur l’homophonie ; on pourrait rire de cette pirouette si l’événement n’était pas aussi tragique. Ce n’est pas la première fois que D. Kupfertsein s’intéresse à l’histoire. S’il se défend – et on le comprend – de s’être spécialisé dans les massacres policiers couverts par l’État, il se justifie très bien de cette nouvelle incursion dans un sujet qui lui est familier. En effet, l’auteur a déjà réalisé un documentaire sur le 17 octobre 61 et un autre, « Mourir à Charonne » qui s’attarde sur la manifestation du 8 février 62.

Pour cette nouvelle enquête, la tache n’est pas simple. Tout d’abord, le contexte est quelque peu différent ; la guerre d’Algérie n’est pas commencée et le paysage politique indépendantiste côté algérien est dominé par la figure tutélaire de Messali Hadj. Hormis ces différences notoires, l’auteur conçoit son travail de documentation et de recherche d’archives comme une enquête sur des faits restés largement méconnus et dans l’ombre. Il ne s’agit pas ici simplement d’occultation ou de refoulement, le cas est plus complexe. Par son travail, D. Kupferstein réactive une mémoire vive, restée pendant un temps souterraine. Recueillir les témoignages avant la disparition des personnes qui assistèrent directement aux évènements n’est pas la dernière de ses motivations. Menée avec rigueur et méthode, l’enquête s’appuie aussi sur les travaux d’historiens qui viennent éclairer de leur expertise la recherche entreprise autour des « Balles du 14 juillet ».

Le documentaire de D. Kupferstein retiendra particulièrement l’attention des enseignants qui pourront aisément l’utiliser en classe de Terminale pour travailler le chapitre sur « L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie ». Il peut tout autant intéresser les enseignants de collège et, au delà, un large public qui ne manquera pas de consulter les quelques ressources en lignes disponibles sur l’événement[2]. La construction très claire du film en trois parties le rend très accessible, les nombreuses interviews qui le composent (témoins directs, historiens) sont aisément exploitables en classe, les enseignants s’empareront aussi des séquences qui donnent à voir l’atelier de l’enquêteur (déplacements aux archives, dépouillement de la presse, appels à témoin dans la presse étrangère, confrontation et contextualisation des témoignages ou des documents par les historiens sollicités).

La 1ère partie du documentaire se consacre à la mise en contexte de l’événement. Les lieux, les acteurs sont identifiés. Les précieuses analyses de Danièle Tartarowksy l’inscrivent dans la tradition, la culture politique de l’époque ; en effet, 14 juillet 53 est un prolongement des défilés qui ont lieu depuis les années 30 à l’instigation des partis de gauche qui disputent ainsi la rue aux ligueurs. Des images du cortège du 14 juillet 35, moment clé de la formation du Front Populaire, passent à l’écran.
Pourtant le défilé du 14 juillet 53 se singularise en intégrant dans ses rangs un cortège composé de messalistes. C’est Emmanuel Blanchard qui nous éclaire sur leur présence. Il est de mise depuis les années 50 de faire une place dans les cortèges du 1er mai aux Algériens de France réunis derrière la bannière du MTLD. Leur présence n’est donc pas inédite. Elle reste remarquable par sa dignité et son organisation ; un service d’ordre particulièrement efficace encadre cette partie du cortège. IL faut dire que les violences et les harcèlements policiers à l’encontre des algériens de France sont déjà à l’œuvre, la modernisation de l’équipement policier ne laisse pas présager leur disparition.

Cela étant dit, D. Kupferstein peut alors collecter les témoignages des militants participants qu’ils soient algériens ou français. La parole est aussi donnée à la fille de M. Hadj qui s’est jointe ce jour là au cortège – son père est alors en résidence surveillée, elle intègre les rangs des manifestants pour le représenter dit-elle.

La 2eme partie nous fait davantage entrer dans le défilé. Parti de la Bastille, il gagne la place de la Nation. À l’aide d’un plan simple de la place, D. Kupferstein accompagné de Djanina Messali, nous explique la configuration de fin de manifestation. Le cortège s’écoule en direction de l’avenue du Trône. Sur la place, un peu en amont, est dressée une tribune permettant aux organisateurs de saluer le passage du cortège. Les forces de police sont stationnées au plus haut du cours de Vincennes, dans les rues adjacentes. Ils surgissent lorsque les algériens issus du cortège passent aux abords des colonnes. Il tombe alors des trombes d’eau, ce qui contribue sans doute à accélérer les mouvements de tous. Dans la confusion les coups de feu éclatent, leur origine est policière mais le prétexte à leur déclenchement est discuté dans les témoignages recueillis. Les algériens résistent toutefois à l’assaut que les policiers pourront faire passer ultérieurement comme de la légitime défense.
Des manifestants reçoivent des balles perdues et se réfugient dans les cafés alentours ; d’autres entrent dans les immeubles qui entourent la place, ils sont alors poursuivis, molestés et blessés par les policiers qui les pourchassent dans les étages. D’autres intègrent les hôpitaux parisiens qui connaissent un afflux de blessés (le bilan d’une quarantaine de blessés est sans doute sous estimé) sans trop bien se souvenir, en raison des coups et de la peur sans doute, de leur parcours jusqu’à ces lieux sûrs : cuirs chevelus à recoudre, oreilles déchirées, œil miraculeusement sauvé, balles à extraire contusions variées attestent des violences policières qui ont touché les algériens mais également des militants participant à la manifestation républicaine. Pour 7 autres ce sera le cercueil : 6 sont algériens, 1 est français.[3] Ils ont tous moins de 40 ans.

La 3ème partie s’arrête sur l’après qui se prolonge jusqu’à aujourd’hui. Plusieurs particularités émergent. Tout d’abord, on traverse la Méditerranée car un appel à témoins dans El Watan et l’enquête du réalisateur lui permettent de localiser les tombes des tués du 14 juillet 1953. C’est alors l’occasion de rencontrer les proches des disparus et d’évoquer avec eux un autre aspect des choses : l’absence. En Kabylie ou à Alger, auprès des veuves, des fils, des frères endeuillés qui ont enterré le corps de leur proche au pays, on remarque que les tombes n’occultent pas l’événement ou les circonstances du décès. Le statut des victimes est quelque peu inhabituel. En effet, dans ce moment qui précède de peu la Guerre d’Indépendance Algérienne, ils ne sont pas considérés comme les martyrs de la Nation et ne rentrent donc pas dans le roman national algérien écrit par le FLN. C’est un aspect intéressant des choses qui ouvre des perspectives pour travailler sur les mémoires de la Guerre d’Indépendance Algérienne depuis les deux rives de la Méditerranée.
Cette partie du documentaire est aussi particulièrement opérante pour saisir quelques caractéristiques quotidiennes de l’immigration vue du coté de ceux qui n’ont pas migré. En creux se dessine le portrait du migrant de l’après guerre qui n’est pas vraiment celui de la période de la Guerre d’Indépendance Algérienne. Ces vies d’exil, sont celles d’hommes jeunes qui laissent derrière eux des enfants, des femmes. Certains fils expriment très clairement leur détachement au moment du rapatriement du corps de leur père qui n’est finalement pour eux qu’un étranger. L’absence issue du départ vers la métropole a distendu voire dissout les liens filiaux. Pour les épouses, ou les frères c’est différent. L’une des femmes des victimes a perdu l’enfant qu’elle attendait lorsqu’elle a su le décès de son mari. D’autres ne se consolent pas de la disparition de leur frère. Dans ces cellules familiales survivantes, D. Kupferstein donne une place assez importante au témoignage du fils de Maurice Lurot. Ce dernier a été très éprouvé par la disparition de son père qu’il apprend en rentrant de vacances dans l’escalier du domicile familial. Encore dévasté par le chagrin, il permet de poser la question de la reconnaissance du massacre par l’Etat français et par la justice. M. Lurot est décédé d’une balle en plein cœur tirée sur les lieux de la manifestation. Sa famille a entrepris des démarches pour obtenir la reconnaissance de son assassinat. Démarches qui n’ont pas été suivies d’effet. On se retrouve dans la configuration familière qui est celle des suites judiciaires de la manifestation de Charonne en 1962. Enfin, cette dernière partie du film est aussi l’occasion d’entendre longuement deux policiers sur la manifestation, mais aussi sur ses suites judiciaires qui furent, pour eux et leurs collègues, inexistantes, la légitime défense ayant servi de paravent aux meurtres et violences perpétrés en contexte colonial.
On l’aura compris, le documentaire de D. Kupferstein présente une multitude d’entrées pour faire travailler les élèves. Si on ne s’en saisit pas à des fins pédagogiques, on peut s’en emparer pour la rigueur de l’enquête et la richesse de la restitution de toutes les dimensions d’un événement qui va vraisemblablement intégrer le champ des demandes mémorielles dans un avenir proche. Il est donc très précieux de pouvoir en prendre connaissance de façon aussi précise.

NDLR Ces questions ont été posées au réalisateur par un journaliste algérien. Leur publication permet de comprendre comment la guerre d’Algérie reste encore perçue dans le pays. L’histoire de la guerre d’Algérie est entrée dans les programmes scolaires en France en 1982. L’auteur de ces lignes commençait sa carrière de professeur d’histoire et de géographie dans le second degré.
On restera tout de même étonné par ces références à une « histoire officielle » qui serait encore « imposée » en France. Si cela peut être encore le cas en Algérie, les historiens français ont pu largement travailler sur ce sujet. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils peuvent le faire dans un contexte apaisé, quelques courants politiques souhaitant encore instrumentaliser l’histoire, et cela ne concerne pas seulement, hélas, la ville de Béziers.

Daniel Kupferstein

  • Qui est Daniel KUPFERSTEIN?

Qui je suis ? Vaste question. Je suis un parisien. De l’est parisien c’est-à-dire des quartiers populaires… J’ai un enfant qui a maintenant 25 ans et sa maman est vietnamienne… Autant dire que j’ai toujours été élevé dans l’antiracisme et l’antifascisme.

  • Comment il a choisi sa profession ?

J’ai toujours été fasciné par l’image. Au début je voulais être photographe et puis je me suis mis à la vidéo… J’ai commencé par des films de mariage et des films institutionnels (d’entreprise) et j’ai fait aussi des court-métrages de fiction mais c’est au cours d’un tournage dans un film institutionnel pour une société fabriquait des composants électroniques que j’ai compris que là où je me sens dans mon élément c’est dans le film documentaire et ce depuis 25 ans maintenant. En effet, ce jour-là nous devions filmer la nouvelle machine ultra performante qui fixait les composants et autres iodes électroniques sur des circuits imprimés à une vitesse impressionnante que je me suis aperçu qu’au fond de l’usine, il y avait des dames d’un certain âge qui faisait le même travail mais à la main… Et pendant tout le tournage, je me sentais avec elle (ou plutôt j’aurais aimé être avec elle) pour savoir comment elle voyait cette équipe vidéo filmer la nouvelle machine qui allait les mettre probablement au chômage dans un ou deux ans. A partir de là, j’ai vraiment basculé dans le monde documentaire pour donner ma vision du réel.

  • Vous avez plusieurs films, qui traitent de la violence pratiquée par la police contre des Algériens.

Oui, j’ai fait trois films qui abordent ces questions. Le premier c’est « 17 octobre 61. Dissimulation d’un massacre » ce film explique pourquoi et comment cette histoire à été cachée pendant près de 35 ans…
Ensuite j’ai fait un film sur la répression au métro Charonne le 8 février 1962 « Mourir à Charonne, pourquoi ? ». Il ne s’agit pas d’un film sur les Algériens mais sur les français (des syndicalistes et des communistes) qui protestaient contre les attentats de l’OAS en France et qui se sont fait violemment chargés par la police au métro Charonne… Ce jour-là il y a eu 9 morts… En fait j’ai fait ce film pour expliquer les différences entre la manifestation d’octobre 61 et celle de Charonne mais aussi parler des ressemblances car les assassins sont les mêmes, sous les ordres du même préfet de police.
Et enfin, je viens de terminer un autre film sur une autre répression dans une manifestation, « les balles du 14 juillet 1953 ». Ce jour-là la police française a tiré sur un cortège du MTLD et elle a tué 7 morts (6 algériens et un français) et blessé par balles plus de 40 personnes. Un vrai carnage en plein Paris, avant la guerre d’Algérie qui a disparu de notre mémoire en France et en Algérie.

  • Quelles sont les réactions des Français envers vos films ?

C’est difficile pour répondre à cette question. Quand le film passe à la télévision nous n’avons pas beaucoup de retour. En revanche quand il passe dans des salles de cinéma et que nous sommes présent, les débats sont souvent très riches. Hélas le cinéma documentaire est encore considéré comme un art mineur et il est peu distribué en France… Généralement les gens ressortent avec des émotions et c’est ce que je recherche… Une idée, un mot, une vison, un truc qui les fait réfléchir à leur vie, à leur histoire…

  • Avez-vous rencontré des difficultés pour trouver des témoins ?

Nous les documentaristes, nous ne sommes pas liés aux contraintes de temps comme les journalistes. Nous pouvons rechercher pendant plusieurs mois… Aussi, quand on cherche dans certains milieux, on arrive toujours à trouver des témoins. Cela dit, on est toujours plus ou moins aidé par des amis, des contacts etc. Sur mon dernier film, on m’a passé gratuitement plusieurs annonces de recherche de témoins (dans El Watan et dans Alger Républicain). Ainsi, j’ai retrouvé toutes les familles des victimes et plusieurs blessés de cette manifestation…. En France, je connais assez de gens qui travaille sur des questions de mémoire pour arriver à trouver des témoins dans ce domaine.

  • Qui sont les historiens et quels sont les textes vous ont aidé ?

Pour mon dernier film, j’ai été aidé par trois personnes Tout d’abord, Maurice Rajsfus, écrivain, qui a écrit le seul livre sur cette histoire. Il m’a donné des grandes information sur le contexte, sur les débats à l’Assemblée nationale et sur la tentative de procès. Ensuite il y a eu l’historienne Danielle Tartakowki qui avait écrit un gros chapitre très documenté sur cette manifestation dans son livre sur les manifestations de rue à Paris. Enfin, il y a eu le livre de l’historien Emmanuel Blanchard sur la police parisienne et les algériens entre 1944 et 1962 où là également il y a un gros travail sur cette manifestation. D’ailleurs c’est lui qui m’a conseillé d’aller aux archives de la police et de Paris où il y avait un certain nombre de documents.

  • Pouvez-vous nous dire comment vous les avez trouvés ?

J’en connaissais déjà deux sur trois et le dernier Emmanuel Blanchard, j’ai lu ses articles sur Internet.

  • Et comment le film a été achevé.

Jusqu’à maintenant je n’ai pas eu de production pour faire ce film, ce qui veut dire que je n’ai pas eu un centime non plus. Ce film s’est étalé sur 4 ans environ. Entre le moment où je décide de le faire et le moment où je fais l’avant-première le 8 juillet dernier. Faut dire que j’ai fait beaucoup de choses sur ce film (tournage, montage, réalisation) mais que j’ai été aidé bénévolement par beaucoup de monde. La liste des personnes que je remercie dans le générique est assez impressionnante et c’est sûr que sans leur aide, très souvent bénévolement je n’aurais jamais pu le finir.

  • Comment était votre relation avec «Einaudi»?

Jean-Luc était un ami. Je le connaissais depuis plusieurs années… Je voulais même faire un film lors de la sortie de son livre en 1991 « la bataille de Paris » sur le 17 octobre 61. Mais cela n’a pas pu se faire. Je l’ai réalisé 10 ans plus tard après avoir filmé autour de son procès contre Papon. Ensuite, je le revoyais régulièrement et on a même fait ensemble un scénario de film de fiction autour de l’affaire Iveton.

  • Que dites-vous à propos de lui ?

J’ai dédié mon film à Jean-Luc Einaudi car il est décédé alors que je terminais le montage de ce film. Jean-Luc m’a toujours soutenu. et aidé dans ma démarche et puis c’est un peu lui qui est à l’origine du titre car un jour, on parlait des bals populaires à Paris les 14 juillet et il m’a dit, il ne faut pas confondre les balles et les bals et je me suis écrié ce jour-là : « Ca y est, j’ai le titre du film, c’est les balles du 14 juillet ! »

  • Est-ce que votre travail a été honoré par des associations culturelles/ou/ cinéma algériens ?

Pour l’instant en Algérie je n’ai rien vu venir ??? Le film va passer en France le 31 octobre prochain au Centre culturel algérien de Paris mais en Algérie, je ne sais pas pourquoi cela semble compliqué… J’ai bien essayé de contacter la cinémathèque algérienne et l’institut français d’Alger mais cela n’a rien donné pour l’instant. Par exemple, je voulais faire une avant-première en Algérie et en France le même jour. Cela relève évidemment du symbole. Il s’agissait juste de projeter le film dans une salle d’Alger en même temps que la projection en France et bien je n’ai pas bien compris les réticences mais on m’a dit qu’il fallait envoyer le film avant au ministère de la culture ou au ministère de l’intérieur voir à la présidence de la République… J’avoue avoir été interloqué par cette réponse…

  • C’est une mémoire blessée… Après 50 ans d’indépendance de l’Algérie, les autorités des deux pays sont encore en train d’enterrer les faits. Pourquoi, à votre avis ?
    C’est difficile de répondre à cette question. D’abord, je ne suis pas algérien, donc c’est un peu compliqué pour moi. Une chose est sûre, c’est que les morts de 53 sont morts avant le 1er novembre 54 et du coup ils ne sont pas reconnus comme martyrs… L’histoire de l’Algérie semble commencer pour certains qu’à partir de cette date… Ensuite, le fait que le leader du mouvement nationaliste algérien en 1953 s’appelait Messali Hadj (qui deviendra plus tard, l’ennemi du FLN) n’arrange pas les choses. Du côté français c’est une autre histoire. La reconnaissance des massacres ou des pages sombres de la France comme la collaboration avec les nazi, se fait toujours dans la douleur. Généralement c’est à la suite de long combat pour la vérité historique comme celui mené de Jean-Luc Einaudi que l’on arrive à ce que l’Etat français reconnaisse le massacre du 17 octobre 1961 (François Hollande en 2012 soit 51 ans après) Alors, pour le 14 juillet 1953, on verra si mon film peut contribuer à poser une plaque sur la place de la Nation comme le demande certains militants.
  • Que faut-il faire pour remédier la situation?
    Toujours, dire, parler, témoigner. Ne jamais se taire.
    Il y a beaucoup d’historiens en France qui ont tenté de découvrir quelques faits, mais l’histoire officielle continue d’ignorer leurs voix.
  • Comment un citoyen français peut vivre dans cette contradiction

Je ne sais pas ?? Comme beaucoup de gens qui vont se préoccuper surtout d’eux-mêmes ou de choses plus matériels ou plus urgentes pour eux (trouver du travail, se loger, se nourrir, élever ses enfants… »

  • Est-ce que le cinéma peut corriger les erreurs de l’histoire officielle ?
    Le cinéma peut contribuer à questionner le monde mais c’est les historiens, les chercheurs, les témoins qui peuvent faire changer l’histoire officielle..
  • Quels sont les rêves de Daniel: homme .. et .. réalisateur?

Là il est 2H du matin et je voudrais dormir… Sinon, à quoi je rêve ??? D’amour, de paix, de fraternité, et d’égalité… Mais là, j’ai l’impression que l’on va justement dans le mauvais sens