Cet article synthétise une corute discussion menée en novembre 2005 sur la manière d’aborder les programmes de géographie qui traitent de la France en utilisant des extraits de films.

Laurent Gayme

– pour la construction des banlieues, à mon avis le passage par les films noirs des années 60-70 (dialogués souvent par Audiard) est indispensable : voir par exemple tout le début de Mélodie en sous-sol, quand Gabin, sorti de prison, cherche son pavillon dans les grands ensembles en construction (Sarcelles ?), ou Trois milliards sans
ascenseur
(Roger Pigaut, 1972, un hold-up dans une tour de La Défense, on voit le quartier en pleine destruction : avec Bouquet, Reggiani, Fresson). Penser aussi à Elle court, elle court la banlieue (1973).

– pour les problèmes des banlieues (vision futuriste), le très mauvais Banlieue 13 passe ces jours-ci sur une chaîne cryptée : que dit le ministre de l’Intérieur dans ce film de 2004 ? « La banlieue 13 est devenue incontrôlable. (…) Les contribuables en ont marre de payer pour cette racaille. Alors on nettoie. » Les productions Luc Besson ont un large public… Précision : on nettoie à la bombe une banlieue (le 92 et le 93) livrée aux gangs et enfermée en 2010 derrière un mur qui la sépare de Paris.

– il y a sûrement quelque chose à tirer des films de Claude Sautet

– on peut aussi penser à Farrebique et Biquefarre de Georges Rouquier pour le monde rural.

– pour Lyon, on doit pouvoir utiliser, mais c’est vieux, L’Horloger de St Paul, pour Marseille French Connection II, pour Paris il y a plein selon les quartiers (La Balance, Chacun cherche son chat, Rive droite rive gauche, Tchao Pantin, etc.), pour Nantes Mercredi, folle journée.

Mais ce n’est pas une question facile : contrairement au cinéma social britannique (Loach, The Full Monthy, Les Virtuoses par ex.), le cinéma français a plus tendance à se pencher sur les interrogations existentielles de la bourgeoisie. Quand même, sur le chômage, il y a Marche à l’ombre (1984), Rosetta (1999). Je pense que la meilleure source, pour les paysages urbains, ce sont les films policiers.

Lionel Lacour

– pour les espaces ruraux, on peut penser à « Canicule » de Boisset, « Western » de Poirier.

– pour la géographie urbaine, on peut croiser hist et géo avec un plan superbe de la construction des banlieues dans « Les valseuses« , quand Jeanne Moreau quitte la prison et que Depardieu lui propose de l’emmener. La scène se
passe en campagne, mais à l’arrière plan, on distingue nettement les grues nbses construisant ce qui sera un grand ensemble.

– croisé justement avec « la haine« , on pourra voir la même scène, mais cette fois-ci du toit de l’immeuble quand la police intervient. Cela permet de montrer que les « banlieues » sont souvent construites en périphérie lointaine de la ville (plus précisément Paris) et qu’il n’y a pas eu forcément de construction ensuite servant de continuum. D’où l’aventure vécue par les héros de « la haine » quant ils partent « découvrir » Paris!

JPierre Fournier

La Haine est très utilisable a plusieurs niveaux : pour la banlieue elle-même, pour Paris « vue par » (par un
regard banlieusard tel que le voit le cinéaste), avec des plans sur la gare et ce train raté, à tous les sens du terme… La qualité des images en fait un bel objet d’analyse, soit en collège dans un cadre disciplinaire (le
début : l’émeute, les tours), soit au lycée ou dans un cadre plus « lecture de l’image » pour d’autres parties. Avec des élèves pas habitués à des oeuvres un tant soit peu exigeantes, mais très en phase avec ce qui se passe « de l’autre côté du périph' » (tiens, très bon documentaire de Tavernier sur Montreuil, mais un peu long), ce film est
un très bon « passage ».

Caroline Tambareau

La séquence des « Valseuses » a été tournée à Rouen. La prison est la maison d’arrêt « Bonne Nouvelle » et la « campagne », c’est la banlieue sud de Rouen (banlieue proche, Grand Quevilly si je me souviens bien…, un
village ancien, siège du temple protestant de l’agglomération jusqu’à l’édit de Fontainebleau ) qui a connu une forte urbanisation dans les années 60 en liaison avec l’installation d’une zone industrielle. Pas d’espace « libre » entre ces banlieues et le centre. D’ailleurs, ils ne choisissent pas la route la plus courte pour aller de la prison à l’hôtel de la Poste (où meurt Jeanne Moreau ) dans le centre ville…..

Aude Erragne

– En 4ème, j’utilise aussi le court métrage de Jacques Tati intitulé « l’école des facteurs » (1947) dans lequel on perçoit la vie rurale des années 1940 en France, ainsi que les métiers souvent disparus aujourd’hui. C’est intéressant pour l’évolution de l’occupation de l’espace. Je vais plus loin en m’interrogeant sur le rôle de la Poste dans les questions d’aménagement du territoire, en complétant le film par une photo actuelle. Bon, ce n’est pas très clair, mais c’est une séquence qui marche bien. Désolée pour cette
vision très « historienne » d’un sujet de géographie.

Sylviane Tabarly

– Gabin toujours, mais avec Signoret dans « Le chat« , adapté de Simenon par Granier – Defferre (1971) : « Julien et Clémence Bouin, lui ancien typographe, elle ancienne trapéziste, vieillissant dans un pavillon de Courbevoie promis, comme tout le quartier avoisinant, à la sestruction. Ils ont autour d’eux, comme paysage sonore et visuel, le vacarme des démolisseurs et l’apparition de grands immeubles modernes qui les repoussent peu à peu dans un no man’s land…. etc. » (in Jacques Lourcelles,
Dictionnaire du cinéma, collection Bouquins)

– Et, pour la géo de la France en films, on peut rappeler l’existence de cette belle série Paysages proposée par Jean-Loïc Portron et Jacques Bidou (coproduction La Sept ARTE, JBA Production). Par exemple : La porte de Bagnolet ; Fos sur mer, etc. On les trouve en dvd. Certains titres datent un peu à présent. Dommage.

Bertrand Laude

– ne pas oublier certains films dits « documentaires ». Je pense par exemple aux films d’Arianne Doublet : « Les terriens » et « La maison neuve« , pour évoquer le monde rural et ses évolutions – « Les sucriers de Colleville » pour parler de l’usine, de l’industrie et du monde ouvrier.

– dans le domaine du cinéma dit de « fiction »: « Ressources humaines » de Laurent Cantet, « Buffet froid » (les tours en construction et leur ambiance très glauque), « Ca commence aujourd’hui » de Tavernier. Voilà quelque idées qui me viennent spontanément, mais il serait sans doute intéressant de creuser la question…

– autre suggestion / question : pourquoi ne pas utiliser les téléfilms et séries de fiction qui permettent de dire pas mal de choses sur la France, ses paysages, les composantes de la société, etc. et la façon dont la télévision en parle (!). Je pense aux incontournables Navarro, Julie Lescaut et autres héros du petit écran. C’est un prolongement qui pourrait être envisagé en ECJS : étudier un thème au programme de façon classique (recherche, dossier, exposé, etc.) et travailler sur la façon dont la TV ou le cinéma en parle. Il me semble que cela constitue un très bon travail d’éducation à l’image : regarder des images pour analyser la distance entre
les faits objectifs et la manière dont ils sont « mis en scène ». Au passage, cela permet de poser des questions de fond: point de vue, rapport entre le réel et son image, comment les techniques cinématographiques permettent-elles de tenir un discours sur (choix de cadrage, de mouvements
de caméra, de lumière, de montage, etc.)…

Samuel Serre

– un film qui n’a pas été cité (je l’espère !) c’est l’Esquive qui retrace la vie d’ados dans une cité de la banlieue parisienne. Les grands ensembles, le désœuvrement ressortent assez bien. Dans un style plus politique il y a aussi Ma 6-T va craquer de JF Richet je crois, un peu plus axé sur la violence si je me souviens bien et peut être moins facilement utilisable.

JC Diedrich

A propos de Ma6Tva craquer…

De mémoire, ce film est pour le moins tendancieux. En plus, de décrire la violence, façon Luc Besson, le film se termine en dénonçant l’oppression des forces de police et dans le générique, cerise sur le gateau il appelle à la révolte et à la désobéissance en citant la constitution de 1793 tout cela de mémoire. Mais je me souviens avoir été très énervé quand un élève m’avait prêté la cassette de ce film en me parlant de film culte. IL est préférable de voir l’Esquive, film beaucoup plus fin avec de l’espoir tout en dénonçant dans une scène très violente certaines interventions de la police.

C.Poncelet

– Sur les banlieues , il y a aussi en 1984 , de Mehdi Chareff , « le thé au harem d’archimède » , d’aprés une séquence dans le film où l’un des protagonistes croit entendre cette expression, alors qu’il s’agit du théorème d’Archimède . Voici le résumé , pêché sur un site internet consacré à un des 2 acteurs principaux , Rémy martin :

« Madjid et Pat sont amis depuis leur plus jeune âge. Le premier est « beur » et Pat est français de souche et vit au sein d’une famille marquée par le départ du père. Liés par une amitié à toute épreuve, Madjid et Pat habitent en banlieue, à la Cité des Fleurs, dans un de ces ensembles d’appartements en béton à bas prix, seul paysage visible des fenêtres de ces cages à lapins. Se sentant rejeté par la société, les deux amis recherchent tendresse et compréhension. Le père de Madjid est incapable de faire face à ses responsabilités de père de famille. Sa mère, Malika, est obligée de tout régenter avec patience et fermeté. La soeur de Pat, Chantal, a conquis son indépendance en trouvant un emploi de secrétaire…
Ce film a reçu le Prix Jean Vigo 1985 « 

Je ne sais plus si dans ce film il y a la chanson « banlieues  » de Karim Kacel , ou si elle date à peu prés de la même époque . Mais l’essentiel sur les banlieues y était déja ( dans le film comme dans la chanson ) .