Ce mercredi 29 avril se tenait l’ouverture de la dixième Décade Cinéma et Société à Tulle. Partenaires de l’événement, les Clionautes étaient évidemment au rendez-vous.
L’École, aux frontières de la République ? C’est la question que tente d’aborder cette Décade Cinéma et Société à travers des œuvres cinématographiques. Et les films qui se développent autour de l’institution scolaire ne manquent pas. La soirée de pré-ouverture de la Décade s’ouvre donc sur un film de Jean Vigo :
Zéro de conduite.
Adultes contre élèves
Dans cette œuvre parue en 1933, le réalisateur aux inspirations anarchistes raconte l’histoire d’une révolte étudiante après une punition jugée trop sévère. Jean Vigo en profite pour dépeindre le carcan d’une institution bête et anti-jeunesse tout en mêlant burlesque et surréalisme. Ce qui ne manquera pas de faire rire le public. Federico Rossin, critique et historien du cinéma, rappelle à la fin de la séance que le film a d’abord longtemps été censuré et considéré comme anti-français, jusqu’à la Libération en 1945. Pour cause, des enfants jettent des tuiles sur un préfet français de l’époque, portant encore l’épée à la taille.
High School : l’endoctrinement à l’école
Le film High School de Frederick Wiseman est également projeté pour cette première journée.
Ce documentaire datant de 1968 est vierge de tout commentaire et laisse le spectateur juger de ce qu’il voit, c’est-à-dire une société patriarcale qui s’infiltre jusque dans l’école et formate les jeunes au lieu de les former. La fin du documentaire est particulièrement forte : un professeur, visiblement émue lit devant le lycée une lettre qu’elle a reçu d’un ancien élève parti au Vietnam. Elle félicite le jeune homme qu’elle porte en exemple et comme un modèle de réussite américain. On y apprend aux femmes à marcher élégamment, à taper à la machine pour devenir une bonne petite secrétaire. La vision machiste de l’époque est imposée comme s’il s’agissait de vraies leçons. Un film qui rappelle le rôle primordial et essentiel de la formation par les enseignants.
If : une fiction pas si irréelle
Enfin, la soirée s’ouvre réellement sur le film de fiction If de Lindsay Anderson. L’histoire est celle d’un internat britannique, dont les méthodes et traditions apparaissent vétustes.
Maltraitance, homosexualité, pédophilie : Anderson sort du placard tous les tabous de la société de l’époque. Ce film largement inspiré des œuvres de Jean Vigo s’attaque à toutes les formes d’institutions et aux piliers de la société. La Reine, le domaine public, l’Eglise, l’Ecole : personne n’est épargné. Pour Lindsay Anderson, ce sont ces institutions qui créent les monstres. La société est la cause de la violence. Dans la continuité de Zéro de conduite, un fort rappel de la tâche de l’enseignant, associé dans ces œuvres à la propagande d’état.
Une réflexion toujours d’actualité
Bien sûr, ces films traitent d’une époque révolue. Mais ce qui apparait aujourd’hui comme des dérives insupportables était la norme d’hier.
Il y a beaucoup d’enseignements à tirer de ce type de films, qui peuvent éclairer sur l’histoire de notre institution, et peut-être ramener un peu plus de réalisme ceux qui sont les tenants d’une sorte d’âge d’or en matière d’éducation. Les blouses grises du passé étaient loin d’être vierges de toute tâche, et dissimulaient parfois bien des perversités. C’est aussi ce que montrent ces films particulièrement représentatifs de leur époque. Et donc à ce titre, ils interpellent les praticiens de l’histoire qui peuvent bien évidemment les partager avec ce que l’on appelle dans la « novlangue pédagogique », les apprenants.
On pourrait d’ailleurs traduire cela dans les documents d’accompagnement du socle commun en utilisant l’expression suivante : « conduire les apprenants par le visionnage d’images animées à une rétrocession réflexive sur les formulations éducationnelles des sociétés modernes ».
En langage courant, on pourrait dire, plus simplement : « à partir de films documentaires ou de fiction montrer le regard de cinéastes sur les systèmes éducatifs d’une période donnée dans son contexte. »
Pour nous, acteurs et intervenants de l’Histoire et de la Géographie, ces films proposent en quelque sorte une remise en cause perpétuelle sur l’évolution de nos enseignements par rapport à notre société, pour que les élèves deviennent les citoyens et acteurs responsables de demain.
De notre envoyé spécial Paul-Arnaud Boudou