Louise Violet en cette rentrée 2024 est l’occasion de nous (re)plonger dans une époque qui semble bénie. Alors que les études se multiplient pour dire combien le niveau des élèves s’effondre, combien ces derniers ne sont pas intéressés par autre chose que les écranshttps://www.bfmtv.com/societe/education/rentree-scolaire-une-ecrasante-majorite-de-parents-et-de-professeurs-estiment-que-le-niveau-des-eleves-se-degrade_AN-202409020062.html, Éric Besnard nous propose un voyage au paradis.
Synopsis
1889. Envoyée dans un village de la campagne française, l’institutrice Louise Violet doit y imposer l’école de la République (gratuite, obligatoire et laïque). Une mission qui ne la rend populaire ni auprès des enfants… ni auprès des parents.
1889, la mission sacrée pour la République au cœur de la France profonde
C’est entre Haute-Loire et Cantal qu’Alexandra Lamy a donné vie, avec beaucoup de sincérité, à Louise Violet. Ancienne communarde, la jeune femme trouve dans le costume de hussard noir de la République une raison de vivre. Dans cette campagne française reculée, la modernité arrive avec les nouvelles plus que dans la vie quotidienne. Le centenaire de la Révolution est l’occasion pour le facteur, nommé Thermidor (Jérôme Kircher), d’expliquer que dans la lointaine Paris la Tour Eiffel se dresse. Là-bas la fée électricité déploie ses merveilles. Là-bas les héritiers de la Révolution, les Républicains, ont eu la drôle d’idée d’imposer l’école gratuite, laïque et obligatoire. Pour tous. Là-bas semble se dessiner un futur bien différent des réalités de la terre.
Dans cette campagne reculée la mission aux atours de rédemption pour Louise Violet, en quête de sens plus que de pardon pour ses convictions communardes, n’est pas aisée. La vie à la campagne est bien reconstituée, son rythme singulier, l’enclavement, les périples d’une journée pour rejoindre deux fermes éloignées, la vie avec les bêtes, la vie d’une communauté avec ses codes.
« C’est bien gentil tout ça, faire des lois ça rend pas les choses possibles »
Le maire qui accueille Louise Violet, Joseph, joué par un formidable Grégory Gadebois, ne laisse pas trop d’espoir à l’institutrice découvrant sa salle de classe, une étable, ses logis, la même étable, son aide, une vache.
C’est rustique, mais chaleureux
La campagne française de 1889 c’est une forme d’esclavage ritualisé des enfants. Il faut aider au champ. Les ouvriers que l’on retirer des usines pour l’instruction, c’est une chose. À la campagne manquer de bras c’est faire peser un risque sur les récoltes et donc l’existence même de la communauté. La foi incarnée par Louise, aux accents de socialisme, de féminisme, s’écrase vite sur la réalité d’une campagne dure et hermétique aux progrès.
Pour convaincre les parents, encore faut-il être accepté par le curé, avec qui la méfiance est réciproque, plus que l’hostilité. Viennent ensuite les parents, avec des hommes qui s’inquiètent de la perte de bras, des femmes qui se retrouvent au lavoir pour baver sur cette jeune femme, un peu trop jolie, un peu trop indépendante pour être une bonne chrétienne. Quant aux enfants, l’intérêt peut exister mais le risque de perdre du temps, alors que l’on pourrait jouer dans la nature, ou travailler du bois, constituent des freins qu’il n’est pas aisé de faire tomber. Jules Ferry et sa loi pèsent bien peu face à ces réalités.
« Ce n’est pas un métier pour une femme, il faut de la poigne »
La missionnaire de la République en jupe mène dès lors un combat difficile. Seule, elle doit convaincre. Boire quand il le faut, aller au-devant des parents, des enfants, compter sur l’appui du maire qui désire finalement, lui aussi, apprendre. Tout est affaire de codes et Éric Besnard parvient finement à dresser un tableau juste de ce monde rural. Si parfois on pourrait avoir l’impression de se retrouve dans la série La petite maison dans la prairie, avec moins de bigoterie et plus de République laïque, le film se suit avec plaisir.
Les personnages sont attachants, chacun ayant une histoire personnelle le rendant crédible. Le passé communard de Louise, le poids de la vie ses les épaules du maire, Joseph, pilier pour sa fille, sa mère et tout une communauté. Le facteur éclaire de nombreuses scènes, lien unique avec le monde extérieur. Le curé accompli sa mission, lui aussi visiblement abandonné là par les hasards d’une vie modeste.
L’institutrice doute, mais elle ne lâche rien et finalement sa « poigne » fini par lui permettre de s’imposer, autant que sa capacité à comprendre ces gens.
Faire l’école, avec Louise Violet
Cette communauté, avec ses rituels, ses soirées au coin du feu, ses chants, son alcool frelaté, fini par se réunir, autour du maire, dans un projet. L’émancipation des enfants, l’instruction, prennent la forme d’une classe avec sa carte de France, son Alsace-Lorraine en noir sur la carte, son squelette humain, ses livres que l’on distribue et, le plus précieux, le dictionnaire.
La classe idéale, des élèves enthousiastes, l’institutrice qui croit dans sa mission
C’est un peu comme si le film évoquait un temps perdu par moments. Il n’y a pas d’écran, la vie est dure, simple, mais il y a une forme de foi qui semble s’être aujourd’hui perdue. En cette année 1889 l’école permet de s’émanciper, d’apprendre. Les enfants ne sont pas blasés, sont heureux de faire leurs devoirs et émerveillés d’apprendre.
Mais tout n’est cependant pas sans tensions. Louise Violet fait entrer des idées révolutionnaires mettant en péril les bases de la communauté. S’émanciper, c’est aussi faire perdre du pouvoir aux parents. C’est permettre de quitter la campagne pour la ville. Ces questionnements sont bien montrés, les débats sonnent justes. La crainte de croisade républicaine, de combat idéologique, la peur de perdre la fraternité de la campagne, le poids des rumeurs, la place du notable, véritable potentat local, sont autant de pistes de réflexion qui accompagnent le spectateur au fil d’un scenario convenu mais efficace.
La mémoire
Si le film dresse une mémoire des hussards noirs de la RépubliqueVoir l’interview du réalisateur pour le Progrès ici : Éric Besnard en tournage en Haute-Loire : « Mon inspiration, c’est le modèle républicain » , des campagnes de la fin du XIXè, il est aussi l’occasion de mettre en avant celle de la Commune, des bagnes. Au détour d’un récit aux allures de confession, les violences contre les Communards sont narrées et le visage des soldats républicains est explicitement très sombre. Il y a un travail à faire avec des élèves sur ces questions.
Comme évoqué dans un premier article, le dossier pédagogique proposé en compagnie de nos partenaires de l’Agence Approches permet allègrement d’exploiter ces nombreuses pistes avec des élèves.
Le film en lui-même est de qualité et permet de passer un bon moment. Les acteurs sont justes, rien n’est surjoué. Le rythme, lent, colle très bien à la réalité de ces campagnes. Les paysages sont beaux et si l’on devine assez vite les différents tournants de l’histoire et sa conclusion, il n’en reste pas moins convaincant. Largement exploitable avec des élèves, l’année scolaire qui début peut être l’occasion d’organiser une sortie au cinéma avec des élèves.
Pour organiser une séance au cinéma, il vous suffit de contacter la salle de cinéma de votre choix. Tous les cinémas sont en mesure d’accueillir des projections avec un tarif réduit pour les scolaires.
En vous rendant sur l’application ADAGE, vous pouvez bénéficier, pour cette sortie scolaire au cinéma, du pass Culture part collective. Si vous désirez les coordonnées d’un cinéma, n’hésitez pas à le demander à cette adresse : prog@apollo-films.com
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Fiche technique
Nord Ouest Films, Orange Studio / 2024 / 1h 40min / Drame
Titre original : Louise Violet
Réalisateur : Éric Besnard
Scénaristes : Éric Besnard
Avec
Avec : Alexandra Lamy, Grégory Gadebois, Jérôme Kircher, Jérémy Lopez de la Comédie-Française, Patrick Pineau
Bien vu !
Bonjour
« Titre original : La 317è section » : une erreur quelque part ? 😉