Une vie de James Hawes fait partie de ces films qui demeurent longtemps dans nos esprits. Ayant quitté la salle de projection, le destin de Nicholas Winton (1909-2015) reste dans nos mémoires et donne envie de croire en l’humanité, en ce qu’elle a de plus beau, de plus sincère.

Synopsis

Prague, 1938. Alors que la ville est sur le point de tomber aux mains des nazis, un banquier londonien va tout mettre en œuvre pour sauver des centaines d’enfants promis à une mort certaine dans les camps de concentration. Au péril de sa vie, Nicholas Winton va organiser des convois vers l’Angleterre, où 669 enfants juifs trouveront refuge.

Cette histoire vraie, restée méconnue pendant des décennies, est dévoilée au monde entier lorsqu’en 1988, une émission britannique invite Nicholas à témoigner. Celui-ci ne se doute pas que dans le public se trouvent les enfants – désormais adultes – qui ont survécu grâce à lui…

 

Une vie : l’Europe, en 1938, au bord du gouffre

 

La période de l’immédiat avant-guerre peut apparaître comme un angle mort du cinéma face au phare aveuglant de la guerre et son cortège de films. De la même façon La liste de Schindler a pu sembler occulter certaines autres œuvres sur la Shoah, à l’image des Rescapés de Sobibor, tombé dans une forme d’oublivoir le dossier, ancien mais toujours intéressant, de Lionel Lacourt sur Cliociné, en 2011 : Le Génocide juif : un thème de cinéma comme un autre ? .

 

 

Une vie est l’occasion de découvrir le destin extraordinaire de Nicholas Winton qui, par certains côtés, rappelle celui d’Oscar Schindler mis en lumière par Steven Spielberg. 1938 ; la guerre menace clairement et tandis que les puissances occidentales par aveuglement, naïveté, lâcheté (sans doute les trois à divers degrés), laissent Hitler faire main basse sur la Tchécoslovaquie, un homme, aidé de quelques âmes courageuses, va tenter de sauver des enfants, pour l’essentiel juifs, du chaos et de la misère.

 

Une vie : 1987, Angleterre, construire une mémoire

 

James Hawes a fait le choix d’alterner la vie d’un homme qui entame son crépuscule, campé par un admirable Anthony Hopkins, avec ses souvenirs de 1938, lorsqu’il découvrit les malheurs de ces enfants fauchés par la violence nazie. Dans cette fin de guerre froide le vieil homme, qui attend d’être grand-père, se penche, à l’occasion du rangement de son bureau, sur un passé qui ne l’a jamais quitté. Au détour d‘une photographie, d’une sacoche, ressurgissent les souvenirs douloureux d’une période occultée par l’ivresse de la victoire finale. Cette Angleterre se passionne pour les émissions télévisées divertissantes et lorsqu’il s’agit de mettre en avant la guerre, ce sont les exploits des pilotes de la RFA ou des marins de la Royal Navy qui ont l’oreille des journalistes.

Une rencontre avec une historienne française installée au Royaume-Uni et une émission populaire vont totalement bouleverser la fin de vie de Nicholas Winton. L’inconnu découvre la lumière et son cadeau offert à l’humanité peut enfin participer à la construction des mémoires de la Shoah et de l’immédiat avant-guerre.

 

Les mécanismes de la destruction d’un peuple, d’une nation

 

Avec brio les séquences traitant de l’année 1938, jusqu’à l’entre en guerre de septembre 1939, permettent de comprendre comment Hitler parvient petit à petit à étendre son ombre, digérant les Sudètes, imposant ses velléités meurtrières face à des Alliés apathiques. Les enfants qu’il s’agit de sauver d’une invasion de plus en plus imminente, sont des orphelins, ou simplement des êtres fragiles que leurs parents désirent mettre à l’abri. Le drame ukrainien résonne nécessairement ici.

La récolte de fond, la recherche de famille d’accueil, l’organisation de voyages en train à travers l’Europe, sont justement reconstitués. Pourquoi sauver ces enfants ? Pourquoi ces Juifs ? Parce que Nicholas Winton a lui-même des origines juives serait-on tenté de dire. Certes. Mais le parti pris du réalisateur est aussi d’insister sur l’immense humanité de cet homme. Juif, allemand, mais aussi anglais, baptiste, il se défini avant tout comme un être humain, comme un européen. Face à la catastrophe à venir, il s’agit de ne pas baisser les bras et de sauver ceux qui peuvent l’être.

 

669 vies, l’engagement dans une époque troublée

 

La tristesse infinie de l’homme qui comprend, au début du mois de septembre 1939, qu’il ne pourra plus sauver de vie car la guerre vient d’éclater, est bouleversante. Anthony Hopkins, par un regard vide, une respiration usée, prend le relais de Johny Flynn, Nicholas Winton jeune et le jeu des acteurs porte l’émotion sans pathos inutile, avec une justesse qui force le respect.

Nos partenaires de Zéro de Conduite proposent un très bon dossier pédagogique à destination des collégiens et lycéens et je suis heureux de pouvoir relayer ici ce travail.

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La construction d’une mémoire

 

En enseignement de spécialité il sera tout à fait possible d’exploiter aussi ce film avec des élèves. En Terminale, La Zone d’intérêt sorti il y a quelques semaines, permet déjà en ce début 2024 de disposer d’un support de grande qualité pour aborder le thème Histoire et mémoires. Une vie permet de mettre en perspective la construction de la mémoire, le rôle des médias, de la vulgarisation, nécessaire, mais aussi du travail des historiens et le poids, décisif, des témoignages, des sources, des archives. Toutes ces questions sont abordées par le film et nul doute que les élèves, accompagnés par leurs enseignants, sauront y trouver un grand intérêt.

 

En ces temps troublés qui, par certains aspects, semblent rappeler cette Europe de 1938, Une vie s’impose comme un point de passage majeur pour les citoyens, étudiants, lycéens et collégiens.

 

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Fiche technique

See-Saw Films, BBC Film, MBK Productions, Cross City Films, FilmNation Entertainment, LipSync / 2024 / 1h 50 min / drame biographique

Titre original One life

Réalisateur : James Hawes

Scénariste : Lucinda Coxon et Nick Drake, adapté du livre If It’s Not Impossible…The Life of Sir Nicholas Winton écrit par Barbara Winton

Musique : Volker Bertelmann

 

Avec

 

Helena Bonham Carter, Anthony Hopkins, Johnny Flynn, Lena Olin