Une affaire d’honneur est sorti le 27 décembre dernier et poursuit sa carrière dans nos cinémas. Même si les vacances scolaires sont passées et que les fêtes ont cédé la place aux joies de cette nouvelle année, il est encore temps de retrouver les salles obscures pour profiter de ce très bon film de Vincent Pérez.
J’avais eu l’occasion en novembre dernier de présenter une première fois le film, après avoir eu la chance de le découvrir avant sa sortie.
Cliquer sur l’image pour retrouver le premier article
Un film riche
Brassant de larges thèmes exploitables avec des élèves en Lettres comme en Histoire, ce film a été accompagné d’un très bon dossier pédagogique, que je recommande toujours vivement. Il est disponible dans l’article ci-dessus. Combats pour la République, émancipation de la femme, liberté de la presse et ses dérives potentielles, exploration des fondements et fragilités du lien social sont autant de thèmes qui peuvent être creusés avec des élèves grâce à ce dossier.
Une autre façon d’aborder la guerre de 1870
Une autre approche peut permettre d’explorer ce film sous un angle inattendu. Tout au long du film planent les fantômes de la guerre de 1870. Cette affaire d’honneur est avant tout portée par des hommes vaincus lors de la confrontation avec la Prusse. Ces militaires, blessés dans leur chair, leur âme, leur ego, voient dans le duel, dans ces affaires d’honneur, une sorte d’expiatoire à leurs tourments.
La guerre de 1870 est abordée au lycée une première fois dans le Thème 2 : La France dans l’Europe des nationalités : politique et société (1848-1871), Chapitre 3. La France et la construction de nouveaux États par la guerre et la diplomatie, comme l’indiquent les documents d’accompagnement des programmes :
Ce chapitre vise à montrer le rôle de la France lors de la construction des unités italienne et allemande. Cette politique d’unification est menée par des régimes monarchiques qui s’appuient sur le mouvement des nationalités, la guerre et la diplomatie.
On peut mettre en avant :
* la participation du Second Empire à la marche vers l’unité italienne ;
* la guerre de 1870 qui entraîne la chute du Second Empire et permet l’unité allemande.
Par la suite, dans le Thème 3 : La Troisième République avant 1914 : un régime politique, un empire colonial, la guerre reste une référence importante pour expliquer la mise en place de la République, ce qui est d’ailleurs l’un des éléments importants du film de Vincent Pérez.
Se dessine ainsi une exploitation riche ; Une affaire d’honneur est l’occasion de travailler sur une guerre importante de la fin du XIXè siècle, qui a profondément impacté la France et les Français, le souvenir obsédant de l’amère défaire se retrouvant jusqu’au déclenchement du premier conflit mondial.
Le souvenir douloureux de la défaite et les traumatismes des soldats
De façon amère Clément Lacaze, incarné par Roschdy Zem, perpétue le souvenir des horreurs de cette guerre. Le colonel Berchère (Vincent Pérez) campe la honte de la défaite, le mépris de cette jeunesse qui n’a pas encore été confrontée à la guerre et, d’une certaine façon, l’envie de vengeance, de revanche d’une génération d’officiers humiliés. Les échos de l’affaire Dreyfus ne sont pas loin.
En approfondissant la réflexion, pourquoi pas en enseignement de spécialité HGGSP en Terminale à travers le thème 2 consacré à la guerre et la paix, c’est toute la dimension psychologique qui transparait dans ce film et qui peut être exploitée. L’accroissement de la puissance de feu, largement entamée au moment de la guerre de 1870, a transformé ces cavaliers jadis héroïques en cibles pathétiques pour une artillerie de plus en plus performante. Le duel entre Berchère et Lacaze a tout d’un anachronisme, d’une quête d’une guerre qui n’est plus celle des duels d’hommes à hommes, codifiés.
Les armes utilisées sont de plus en plus létales ; le fusil Chassepot français tire à 1200 mètres, avec une cadence élevée de 6 à 7 coups par minutes. Les cuirassiers chargent comme à Austerlitz face à des armes qui n’ont plus rien à voir avec celles de leurs aïeux. C’est un peu la redécouverte terrible du chevalier foudroyer par l’arquebuse. Lacaze et Berchère sont deux hommes d’honneur perdus dans un monde qui semble aller trop vite pour eux.
Tournage du duel des deux cavaliers
Pire, comment être encore un homme, face à cette femme, Marie-Rose Astié de Valsayr (Doria Tillier) qui ose réclamer un duel ? Comme l’a fort justement analysé Odile Roynette la construction du masculin https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2002-3-page-85.htm, Vincent Pérez met en scène cette analyse. Il est extrêmement difficile pour des officiers vaincus, écrasés, humiliés, de retrouver leur place dans un monde où la masculinité était jusqu’alors exacerbée. Cette humiliation est perceptible à de nombreuses reprises et mérite assurément qu’on y passe du temps avec des élèves motivés.
Une affaire d’honneur, toujours au cinéma
Autant de pistes donc pour remettre en avant, avant qu’il ne disparaisse des salles obscures, Une affaire d’honneur. L’occasion de savourer une très belle reconstitution historique, après les errements d’un certain Napoléon.
À noter qu’il sera tout à fait possible d’organiser pour sa classe des projections grâce au Pass culture en vous rendant sur la plateforme Adage !