The english game – 2020 / 58 min / Drame – Créée par Julian Fellowes – Avec Edward Holcroft, Kevin Guthrie, Charlotte Hope

Julian Fellowes

Cette série en six épisodes, réalisée par Julian Fellowes, déjà connu pour son opus Downton Abbey, est actuellement diffusée sur Netflix. Depuis que l’équipe éditoriale de Clio ciné a été prise à partie pour quelques facéties mal comprises, force est de constater que nous avons été amenés à nous intéresser tout particulièrement à ces réalisations télévisuelles qui ont pu être présentées comme des œuvres historiques. Et surtout à des supports de recherche avec lesquels on ne plaisante pas, Monsieur !

On ne le dira jamais assez, un film en costume, period drama, ou costume drama, n’a pas vocation à servir de support à des travaux historiques sur la période traitée. Une œuvre cinématographique, même de reconstitution historique, est d’abord est surtout représentative de sa période de réalisation.

Aurait-on pensé que Spartacus, le film de Stanley Kubrick, avec Kirk Douglas, réalisé en 1960, représente un tableau de la société romaine pendant la troisième guerre servile, en 73 avant notre ère ?

Ce film majeur est surtout représentatif d’une contestation des interdictions professionnelles pendant le maccarthysme, avec le rôle très important de Kirk Douglas qui a pu imposer ses choix, y compris celui du metteur en scène.

The english game – Un récit entre deux classes

Il faudrait être un docte pédant pour aller imaginer que la série « the english game » pourrait servir de source documentaire à une analyse du développement du football dans la société anglaise avant que ce sport ne devienne quasiment universel !

Cela traduit surtout une certaine pauvreté dans des sujets de recherche effectués a minima à partir de sources limitées.

Mais il n’empêche que l’on peut incontestablement trouver un intérêt à cette mise en situation de l’évolution d’un sport, conçu au départ comme une réglementation d’un jeu de contrôle de terrain, la Soule, à l’origine du rugby et du football. Le premier permet l’usage des mains, prohibé par le second. La vessie en caoutchouc en 1862 rend la balle plus légère, et c’est seulement le 26 octobre 1863 que les partisans du rugby et les adeptes du football se séparent. La fédération anglaise de football voit le jour cette même année.

L’archéologie au service du football

On peut retrouver différentes sources documentaires qui font remonter l’histoire du football à la Chine du deuxième–troisième siècle avant notre ère et l’on retrouve dans différentes civilisations précolombiennes des usages d’une boule de caoutchouc que les joueurs devaient se transmettre jusqu’au mur de l’adversaire. Il semblerait que des enjeux politiques aient déjà été présents dans cette pratique sportive, puisque le match pouvait servir de confrontation entre deux camps, deux cités rivales et permettre l’économie d’une guerre. Dans certains cas, associé à la culture religieuse, il aboutissait à ce que des joueurs perdants soient sacrifiés.

En tout état de cause, dès lors qu’il s’agit d’un jeu sur un terrain, c’est bien le contrôle d’un territoire, qui pouvait, dans le cas de la Soule s’étendre aux deux villages rivaux, qui constituait l’enjeu de cet affrontement plus ou moins codifié.

Dans la série on retrouve les mêmes ressorts qui existent dans Downton Abbey. La fédération anglaise de football est contrôlée par des amateurs, issus de la haute aristocratie, mais également de gentry qui s’oppose à ces clubs ouvriers, organisés autour des entreprises du textile.

Le décor, soigneusement reconstitué, alterne entre les salons des maîtres du textile, issus de l’aristocratie et les usines ou battent les métiers à tisser, où des ouvriers travaillent, avant de se rendre sur le terrain le dimanche.

The english game – Amortisseur social

Dans l’histoire de la série, les clubs ouvriers écossais, sont créés par des petits patrons, issus parfois de la classe moyenne, pour fournir des dérivatifs à leurs salariés.

Mais il faut se garder de voir dans ce récit une sorte de reprise du panem et circenses dont la vocation se limitait à contrôler la population de Rome.

L’intérêt des séries de Julian Fellowes est de fournir, à travers la trajectoire de ces personnages, un regard beaucoup plus nuancé. On notera au passage que le débat autour du sport de haut niveau semble aussi ancien que le sport lui-même. Entre le jeu « pour le plaisir », pratiqué par ceux qui n’ont pas besoin de travailler pour vivre, et le sport vécu comme moyen de promotion sociale, les projections dans le présent semblent évidentes.

Et le fil conducteur de la série, du moins pour les six premiers épisodes, dans l’hypothèse d’une nouvelle saison à venir, est bien celui de l’acceptation par cette fédération anglaise de football du sport professionnel avec des joueurs rémunérés.

Les amateurs du ballon rond pourront également voir dans la série se dessiner les nouvelles tactiques de jeu, basées sur l’occupation du terrain, la circulation rapide de la balle avec des passes au milieu du terrain, avant que la transmission vers la ligne d’avant le permette le dribble balle au pied.

The english game – Des ressorts bien ficelés

Les ressorts du récit sont assez classiques, avec leur lot indispensable de rebondissements divers, de relations sentimentales, de drames personnels. L’accident d’un joueur sur le terrain, la communion d’une population ouvrière autour de son équipe, la prise de conscience sociale d’une partie de cette bourgeoisie entrepreneuriale, la déchéance des femmes devenues mères, constituent les éléments de la trame de l’histoire.

La rusticité des terrains, les tenues de sport plutôt sommaires, n’ont rien à voir avec les cadres luxueux de l’environnement actuel du football professionnel. Sans parler de ces rémunérations somme toute particulièrement mo le destes, mais qui permettaient à ces joueurs de la classe ouvrière d’espérer progresser dans leur pratique sportive.

Même les aristocrates de la fédération anglaise de football ne sont pas véritablement détestables. Certains personnages affichent leurs préjugés de classe, mais avec nuance, même si la violence sociale, lors des scènes d’émeutes contre la diminution des salaires, peut se manifester.

L’histoire du football est un sujet à part entière, qui mérite incontestablement d’être encore poursuivi. La recherche historique française a pu s’en emparer, autour des années 90.

Alfred Wahl – Le football, un nouveau territoire de l’ historien 

SÉRIE – HISTOIRE DU FOOTBALL (4 ÉPISODES) 
Épisode 1 : L’équipe de France : façonner une élite sportive

De la ville à la nation – Des histoires politiques et sociales du football
Paul Dietschy
Dans Vingtième Siècle. Revue d’histoire 2011/3 (n° 111), pages 3 à 9

Nous pouvons citer pour ce qui nous concerne Yvan Gastaud, un ami des Clionautes qui s’est inscrit dans les travaux pionniers de  Alfred Wahl.

Cela permettra de dire que le football a été dans nos sociétés contemporaines la politique poursuivie par d’autres moyens. Affrontement social au tournant du XIXe siècle, il devient théâtre de confrontations nationales avec des équipes spécifiques, même si la dimension économique reste présente lorsque des clubs sont adossés à des grandes entreprises.

The english game en classe

Lorsque l’on a été pionnier des usages du cinéma en classe, et je parle ici du début des années 80, on voit très vite ce que l’on pourrait faire à partir de cette mini-série. Il est évident que les personnages attachants, les péripéties de ce joueur surdoué qui s’affronte à son homologue de la upper class peuvent très largement séduire des collégiens ou des lycéens, qui seraient sans doute moins attirés par les courbes de croissance de la production textile anglaise au moment de la révolution industrielle, en classe de quatrième ou de première.

Les questionnements qui pourraient donner lieu à une production écrite sont multiples. Voici quelques pistes que l’on pourrait suivre:

  • Comment s’expriment dans la préparation des rencontres les différences sociales ?
  • Comment les joueurs amateurs considèrent-ils leurs adversaires ?
  • Montrer comment l’adhésion des ouvriers à leur équipe exprime l’émergence d’une conscience de classe ?
  • Pourquoi le football évolue-t-il vers la professionnalisation ? Quelles en sont les sources de financement ?
  • Comment expliquer l’évolution du jeu qui passe de la semi mêlée qui avance vers le but adverse à une occupation du territoire basée sur la circulation du ballon ?

Mais au-delà de l’exploitation pédagogique on peut considérer cette série comme un divertissement particulièrement plaisant, avec ses reconstitutions particulièrement soignées, ce qui nous permet d’annoncer bientôt la saison deux.

The English Game : Date de sortie de la saison 2

Même si les créateurs décident de faire une deuxième saison, nous sommes sûrs que The English Game sortira au plus tard en 2022, car la première saison a pris dix mois de production et est sortie en mai 2020.

Il est heureux de constater que sur quelque réseau social, où s’expriment sur le mode éruptif de doctes cuistres, cette série n’ait pas encore servi de référence absolue à une recherche que l’on aurait du mal à qualifier de scientifique. Sans doute faudrait-il évoquer dans cette chronique sans prétention, le slip brésilien, même si pour le football, malgré la référence à une équipe cinq fois championne du monde, cet accessoire de lingerie intime n’est pas vraiment adapté. De toute façon, dans cette première saison, ce sont les pantalons et les souliers cloutés qui tiennent lieu de shorts et de chaussures à crampons. Nous sommes très loin des maillots à 150 €, des salaires mirobolants, et de ces stars internationales qui pour beaucoup ont oublié d’où elles sortaient. Mais le sport est également porteur de rêves, et pourquoi pas, en partie, d’une certaine dose d’émancipation sociale.