Une fois n’est pas coutume ce Jalon du mois consacré à mai 68 donne la parole à la rue… mais l’autre rue, celle du Gaullisme, de la « majorité silencieuse », bref la rue de la manifestation du 30 mai 1968.
La démarche
Cours de terminale sur la V° République et la crise de mai 68. Après un exposé / travail sur le mai 68 habituel (avec affiches et archives) le jalon est présenté aux élèves en guise d’évaluation formative en classe. Le but est de décrypter une archive dont l’avantage énorme est l’absence totale de voix off ! En effet l’ORTF est en grève et le reportage est quasiment artisanal, plus proche d’un rush que d’un montage journalistique. Ici les mouvements de caméra et les sons sont les priorité à travailler.
Le travail
L’archive dure 3’46 » (à signaler que le « noir » au début est normal). Elle est passée avec uniquement une contextualisation : « de Gaulle, revenu après 2 jours d’incertitude, annonce la dissolution de l’AN vers 16h30 et demande l’appui du peuple. Dès 18h00 des milliers de parisiens se massent sur les Champs-Elysées pour manifester leur soutien. »
Le travail attendu est double :
– prélever toutes les informations qui font que l’on peut qualifier cette manifestation de ‘gaulliste’ (aussi bien visuelles que sonores mais aussi dans la façon de travailler du caméraman) et analyser l’état d’esprit des manifestants (que l’on supposera représenter la fameuse « majorité silencieuse »)
– opérer une comparaison avec les archives déjà projetées sur les mouvements étudiants
A la fin du travail le professeur s’interroge avec les élèves sur la « spontanéité » de la manifestation… puis le cours se poursuit sur les élections et le reflux…
Éléments de correction
A relever :
– slogans : « allez de Gaulle » ; « vive la France » ; « la France aux français » ; « vive la République » ; « à bas l’anarchie » ; « de Gaulle n’est pas seul » ; « Mitterrand charlatan » ; « courage » ; « oui à de Gaulle » ; « vive la France » ; « Mitterrand au poteau »
– symboles : drapeau tricolore ; croix de Lorraine ; le « V » de la victoire » ; la Marseillaise ;
– des jeunes et des personnes plus âgées mélangées ; omniprésences des applaudissements ;
– les plans de foules alternent avec des gros plans (manifestants ; slogans ; drapeau ; etc.) ; Champs Elysées
– à signaler 3 détails intéressants : une banderole « Billancourt » !! Également une seule banderole identifiant un groupe, la « fac de droit » !! Enfin un plan final sur une jeune fille brandissant un drapeau français à mettre en analogie avec « la fille au drapeau devenue icône de mai 68 » (couverture de Paris Match) : voir : http://culturevisuelle.org/clindeloeil/?p=448
A analyser :
– des oppositions : internationalisme / nationalisme ; antigaullisme / gaullisme ; mouvement de jeunes / la « vraie » société…
– des analogies dans les mouvements : foules ; service d’ordre ; slogans percutants ;
– en conclusion on peut opposer les systèmes de valeurs (mais en évitant la caricature)
Autres pistes
Cette archive peut être également utilisée sans aucune introduction ni contextualisation précise : le travail sera de rassembler les signes qui amènent à la qualifier de Gaulliste et à analyser les valeurs portées par les manifestants.
Une remarque à propos de la spontanéité (Claude Robinot)
« Elle est spontanée dans la mesure où l’on n’a forcé personne à venir. Le spontanéité est quand même très organisée dans la foulée du discours de De Gaulle. De nombreux cars chargés de représentants de la fameuse « majorité silencieuse » convergent vers Paris, alors que l’essence était rare et certaines pompes encore vides. Les organisateurs ont été eux mêmes surpris de l’ampleur de la foule. Petite anecdote personnelle,j’ai été pris en stop ce jour là par un automobiliste qui se rendait à la manif et qui me proposait de l’accompagner. J’ai refusé et nous nous sommes pris le bec. Il m’a dit « vous allez voir ce que c’est qu’une grande manifestation démocratique ». Plus tard, j’ai réalisé que, le conducteur de cette modeste 2 chevaux, était le Docteur Pons, futur ministre de Chirac rendu tristement célèbre par la grotte d’Ouvéa. La présence d’une banderolle Renault Billancourt est bien significative de l’époque et du gaullisme. Les Gaullistes se sont toujours revendiqués comme un mouvement populaire donc ouvrier, ne serait-ce qu’à travers les « gaullistes de gauche ». Les gaullistes de Billancourt existent depuis le temps du RPF (1947) en fait un petit groupe, juste assez nombreux pour porter une banderole.
Dans la façon de filmer il me semble qu’il y a des clins d’oeil à la manifestation du 26 août 1944 et la fameuse descente des Champes Elysées. »