Colombes sans gravité est un film documentaire paru en février 2024. Les témoignages des acteurs directs de la mission de l’Organisation des Nations Unies au Mali permettent une immersion totale dans la MINUSMA en retraçant ses grandes étapes.

 

Synopsis

En avril 2013, le Conseil de sécurité de l’ONU décide du déploiement de la MINUSMA (Mission de Maintien de la Paix au Mali). Cette mission intervient dans la continuité de l’opération SERVAL menée par l’armée française dès janvier 2013, et suivie de l’opération BARKHANE. L’objectif énoncé par l’ONU était d’instaurer une stabilité politique dans le pays par le retour à un système démocratique et la lutte contre la menace djihadiste. La MINUSMA prend fin en juin 2023. Elle se solde par l’extension de la menace djihadiste dans le Sahel, un Mali aux mains des mercenaires russes et la sortie de la France, et de l’ONU, du territoire. Le film propose une réelle plongée auprès des acteurs directs de la MINUSMA, voyageant ainsi au coeur de cet échec pour en proposer une vision nouvelle. Au-delà, de la MINUSMA, Colombes sans gravité questionne le modèle interventionniste onusien et sa capacité à oeuvrer efficacement en faveur de la paix dans un monde en proie à la résurgence de conflits de nature variée.

 

Christophe Gargot, réalisateur de Colombes sans gravité, s’inscrit dans un cinéma engagé cherchant à interroger les enjeux qui façonnent notre monde. En 2009, sort sur grands écrans D’Arusha à Arusha, un film documentaire questionnant la justice internationale autour de l’étude du Tribunal pénal international pour le Rwanda.

 

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Colombes sans gravité, un film de témoins directs

 

Ce film documentaire est essentiellement composé de témoignages des divers acteurs qui ont organisé, mené et participé à la MINUSMA et aux différentes opérations étrangères sur le sol malien. Premièrement, se retrouvent les représentants des Nations Unies rattachés à la mise en place de la diplomatie internationale. Parmi eux, Gérard Araud, ambassadeur et représentant permanent de la France aux Nations-Unies, ou encore Bert Koenders, représentant spécial des Nations-Unies au Mali. Aussi, les témoignages sont issus des acteurs du domaine militaire comme Djibril Koita, Caporal de l’armée malienne, ou encore Didier Castres, Général et sous-chef d’état-major opération. Parmi les témoins directs de la MINUSMA sont présents des acteurs locaux maliens comme des membres de la tribu Kel Ansar, une tribu touareg de la région de Tombouctou, et Moussa Ag Acharatoumane, Co-fondateur du mouvement national de libération de l’Azawad. L’ensemble de ces témoignages permettent d’approcher les différents points de vue sur les opérations étrangères présentes au Mali, mettant en évidence les intérêts divergents et communs de ces acteurs variés. La structure du film autour de ces témoignages rend vivants les faits énoncés et permet, dans le même temps, d’identifier la multitude d’acteurs présents pour ces différentes opérations.

Une rétrospective des faits : le Mali et le système international

 

Aux témoignages se mêlent les faits. Colombes sans gravité trouve toute sa pertinence dans la combinaison des différents témoignages et de l’énonciation des grandes phases de la MINUSMA. Ces grandes lignes factuelles permettent de conserver une ligne directrice au documentaire, fil conducteur sur lequel les témoignages peuvent ainsi s’imbriquer et gagner en contextualisation. Pour rappel, la MINUSMA a été instaurée le 25 avril 2013 par la résolution 2100 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette mission a été chargée par le Conseil de Sécurité d’appuyer les autorités de transition maliennes afin de stabiliser le pays dans la volonté d’instaurer un climat de paix dans le pays. En 2014, la résolution 2164 charge la MINUSMA d’opérations visant la sécurité et la protection des civils dans un objectif de réconciliation nationale entre les différents fragments de la populations. C’est également un système d’aide humanitaire qui se met en place avec la volonté de promouvoir sur le terrain les droits de l’Homme. La MINUSMA est composée de 10 pays différents fournissant des contingents et du personnel afin de mener les différentes opérations. Parmi eux se retrouvent le Chad, le Bangladesh, le Sénégal, le Niger mais aussi l’Allemagne, ou encore la Chine. C’est en tout 15 779 Hommes qui sont engagés dans la MINUSMA MINUSMA, Nations Unies : maintien de la paix, https://peacekeeping.un.org/fr/mission/minusma. En parallèle au Mali, les troupes françaises sont présentes autour de l’opération BARKHANE avec la volonté également d’instaurer une certaine stabilité dans le pays tout en intensifiant la lutte contre le djihadisme.

La fin de la MINUSMA ou l’échec du système international

 

Le coup d’État de 2020 place les forces armées maliennes à la tête de l’État après l’arrestation et la démission de l’ancien Président, Ibrahim Boubacar Keïta. Cet événement s’est produit dans un contexte de ravivage fort des tensions civiles et d’une vague de contestation politique. C’est alors qu’un gouvernement et une présidence de transition sont décidés par les putschistes. Ces remous politiques ont affaibli fortement le poids et l’image de l’ONU dans la région. La MINUSMA fut largement critiquée par une partie des Maliens pour son incapacité à gérer la crise présente dans le pays. Sur demande du chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, en juin 2023, le Conseil de Sécurité de l’ONU prend la décision de mettre fin au mandat de la MINUSMA avec une cessation directe de ses diverses opérations. Ce processus fut progressif, permettant ainsi aux Hommes de la MINUSMA de veiller à la sécurité directe des civils jusqu’au retrait total des troupes d’interventions fixé au 31 décembre 2023 Mali: le Conseil de sécurité met fin au mandat de la MINUSMA, Séance 9365E, Nations Unies, 2023 : https:// press.un.org/fr/2023/cs15341.doc.htm. La fin de la mission n’était pourtant pas synonyme d’un succès dans la région qui reste lourdement soumise aux mêmes menaces que lors de l’instauration de la MINUSMA. À son départ, l’ONU avait appelé le Gouvernement de transition malien à garantir et respecter l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, incluant des élections libres pour l’instauration d’un pouvoir démocratique d’ici mars 2024. Or en mai 2024, la transition démocratique a été prolongée pour une durée fixée entre deux et cinq ans.

La postériorité de la MINUSMA

 

Les troupes onusiennes ont définitivement quitté le territoire malien en décembre 2024 suite au long processus de « liquidation de mission ». L’objectif de cette phase était consacré au transfert des différents équipements vers les pays contributeurs de la MINUSMA. Concernant le gouvernement de transition, il se révéla lui aussi instable et peu propice à un maintien de la paix, agissant par vague de répression et violence sur les civils. Le djihadisme n’a cessé de croître dans le pays, s’étendant également aux pays voisins que sont le Burkina Faso ou encore le Niger, en faisant du Mali l’un des pays les plus touchés par des attaques djihadistes sur des civils.

La France et l’opération BARKHANE

 

Comme le présente le film documentaire, le retrait des troupes onusiennes fut précédé par le retrait des troupes françaises au profit du groupe Wagner, renforçant ainsi son influence au Mali. En 2014 est lancée l’opération BARKHANE, engageant des troupes françaises sur le sol malien pour favoriser la stabilisation du pays. Cette opération s’est faite dans la continuité de l’opération SERVAL, instaurant ainsi un réel dispositif français dans la bande sahélo-saharienne visant en premier lieu à lutter activement contre le développement du terrorisme. L’opération BARKHANE venait répondre à la demande urgente des autorités maliennes face à l’offensive lancée par des groupes armés terroristes. L’opération fut un succès dans une première phase permettant ainsi d’éviter l’effondrement du Mali et sa prise de pouvoir par des djihadistes. L’opération s’est maintenue en parallèle du déploiement de la MINUSMA afin d’assurer la sécurité des populations locales. Avec les années, les tensions se creusent entre la France et le Mali. La population malienne devient de plus en plus hostile à la présence française avec la dénonciation des avancées faites par les groupes djihadistes malgré la présence de troupes françaises sur le territoire. Ce mécontentement de la population malienne est fortement renforcé par la propagande menée par Wagner sur le terrain afin de précipiter le retrait de la France du Mali et disposer d’une main mise sur le sol malien. Dans ce contexte, dès 2021, la France suspend ses opérations conjointes avec les forces maliennes et un dispositif allégé se met en place. La crise diplomatique entre la France et le Mali s’accroît au début de l’année 2022 avec l’expulsion de l’ambassadeur de France au Mali. En février 2022, le Président français officialise le retrait des troupes françaises du Mali Opération BARKHANE, Ministère des armées, https://www.defense.gouv.fr/operations/bande-sahelo-saharienne/ operation-barkhane. Dans son témoignage, le Général Castres déplora l’excès d’optimisme dont a fait preuve la France et le système international à l’égard des actions menées au Mali. Pour lui, des opportunités antérieures auraient permis un retrait progressif des troupes sur le sol malien, chose qui aurait permis d’éviter cette faille diplomatique mettant en avant l’expulsion des troupes françaises du Mali. Suite à cela, la Russie, avec ses paramilitaires de Wagner, dispose alors d’un monopole sur le territoire malien où sa lutte contre le terrorisme s’avère pourtant inefficace à ce jour.

 

 

Dimension pédagogique

 

Colombes sans gravité se révèle être un parfait outil pédagogique dans le cadre de la spécialité HGGSP au lycée. La dimension didactique et la forme du commentaire permettent de prendre connaissance des principaux acteurs de ces différentes opérations au Mali, mais aussi d’ouvrir une réflexion plus large sur la thématique de l’interventionnisme et de l’efficacité des organisations internationales dans leurs missions de maintien de la paix dans le monde.

Le film permet donc d’appréhender plusieurs thématiques en classe de Première. Tout d’abord, le thème des puissances avec l’analyse possible des failles de la puissance onusienne ou encore la problématique qui se pose pour les anciennes puissances coloniales à conserver des liens avec leurs anciennes colonies. C’est également le thème sur les médias qui est en jeu dans le film, avec l’ouverture possible sur la propagande russe passant par l’instrumentalisation et la mise en scène des populations locales sur les réseaux sociaux.

Aussi, le film permet d’aborder les thèmes du programme de Terminale. Majoritairement, Colombes sans gravité nous invite à entamer une réflexion sur la paix et le rôle central de l’ONU dans ce processus.

 

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Pour aller plus loin

 

Quel bilan de la MINUSMA ? Sur TV5 Monde

Interview du Général Castres sur l’intervention française au Mali

La situation au Mali expliquée dans Le Dessous des Cartes :