Fiche film : SIA, LE RÊVE DU PYTHON

Auteur : KOUYATÉ Dani

Pays : Burkina faso

Année : 2001

Durée : 96 min

Genre : fiction, version originale Bambara

Niveaux : Collège

Synopsis

La cité de koumbi est frappée par la misère. Pour lui rendre sa prospérité, l’Empereur demande aux prêtres de pratiquer le sacrifice humain rituel au Dieu-python.
Sia, la jeune vierge désignée pour ce sacrifice, refuse le sort et s’enfuit. La révolte gronde dans le peuple, attisée par les paroles subversives du vieux fou Kerfa.
Le fiancée de Sia, Mamadi, revient du front pour secourir sa belle. Il se rebelle ouvertement contre l’empereur et parvient à le renverser. Il sauve Sia, mais celle-ci a été violée par les prêtres : le sacrifice n’était qu’une mascarade. Mamadi, devenu empereur, se refuse à dénoncer la supercherie. Le pouvoir a changé de main mais le mensonge qui le régit demeure. Contre toute attente, au lieu de se coiffer de la couronne d’impératrice que lui offre son fiancé, Sia décide de prendre la route, à la manière de Kerfa le Fou, afin de répandre une parole de paix et de justice. Parole qui passe par une sorte d’anathème sur la cité et ses habitants qui ne parviennent pas à tirer les leçons de l’histoire.

Le cinéaste Dani Kouyaté

Dani Kouyaté est né dans une famille de griots le 4 juin 1961 à Bobo-Dioulosso, au Burkina-Faso. Jusqu’en 1985, il suit les cours de l’institut Africain d’Etudes Cinématographiques. Il poursuit ses études à Paris, à la Sorbonne puis à l’école internationale d’anthropologie où il obtient un diplôme. En 1986, il crée à Paris comme conteur et musicien la troupe « La voix du griot » qui se produit dans divers festivals de théâtre européens. Par ailleurs, il a réalisé 3 courts métrages : Bilakoro en 1989, Tobere Kossam en 1991 et Les larmes sacrées du crocodile en 1993. Dani Kouyaté est surtout à l’aise avec les légendes. Il s’en sert pour son premier long métrage Keïta, l’héritage du griot en 1995. C’est l’occasion de retracer la légende de Soundjata Keïta, fondateur de l’Empire Mandingue.

Puis en 1999, le réalisateur met son talent au service de la télévision du Burkina pour diriger plusieurs épisodes de la série A nous la vie. Mais le théâtre l’attire toujours et en 2001 il décide de porter à l’écran la légende de Wagadu (mythe Soninké du 7ième siècle), inspirée de la pièce de théâtre La légende de Wagadu de l’auteur mauritanien Moussa Diagana.

Quand le cinéma revisite un mythe africain

Sia, le rêve du python part d’un mythe Soninké du 7ième siècle, le mythe du Dieu Serpent. Ce Dieu serpent assurait la prospérité du pays. En contrepartie, il prenait tous les deux ans la plus belle vierge de la noblesse. Un jour, la jeune fille qu’il avait désignée refusa de mourir. Son fiancé alla tuer le Dieu Serpent, qui en retour maudit le pays. C’est un mythe qui explique la chute de l’empire pré-mandingue du Wagadu et la dispersion des Soninké.
Ce qui est intéressant nous dit le réalisateur : « c’est qu’encore aujourd’hui, cette malédiction est profondément ancrée dans les esprits. Quand on fait le compte des populations immigrées d’origine africaine, on s’aperçoit qu’un très grand nombre appartient au peuple Soninké, qui comme par hasard a été maudit, a été obligé de quitter sa terre. L’exil est devenu une culture et une nécessité. Il n’y a plus de Dieu python, il n’y a plus de malédiction, mais il en reste quelque chose dans les têtes » Propos recueillis par Vital Philippot, janvier 2002..

Le film est l’adaptation d’une pièce de théâtre d’un auteur Soninké, Moussa Diagana. Un Soninké qui a décidé de dire non à son propre mythe. Si Dani Kouyaté n’est pas soninké, il rejoint dans son film le message de la pièce : « il faut peut-être que les dieux arrêtent de maudire leurs enfants, il faut cesser d’être fatalistes, il faut revisiter ces mythes pour changer les mentalités. Les maux de l’Afrique viennent certes de l’esclavage et du colonialisme, mais aussi de nos propres mythes fondateurs, du fait des doses pernicieuses de totalitarisme qu’ils contiennent » Op cit. n°1.

Finalement, le film de Dani Kouyaté semble être le reflet d’une réflexion politique et contemporaine sur les rapports entre pouvoir et mystère. En effet, parce que cette histoire est universelle : il pourrait s’agir d’une tragédie grecque. Sia, c’est une sorte d’Antigone qui se dresse contre la cité. C’est aussi Iphigénie qui refuse d’être sacrifiée et entame un bras de fer avec les dieux. Mais le film renvoie aussi à l’apprentissage de l’exercice du pouvoir et notamment au Prince de Machiavel.

Repères historiques

Sia évoque librement la légende de l’empire du Ghana ou empire de Wagadu, qui est le plus ancien royaume noir connu. Il s’est établi du 4ième au 13ième siècles, en plein Sahel, entre les fleuves Niger et Sénégal, dans la région habitée aujourd’hui par les Soninké.

A son apogée, au 10ième siècle, il englobait le bassin du Sénégal et la grande boucle du Niger. Des fouilles archéologiques ont confirmé l’existence d’un centre de civilisation à l’emplacement présumé de la capitale de l’empire, sur le site mauritanien de Koumbi-Saleh, près de la frontière malienne.
L’empire de Wagadu basait sa richesse et sa puissance sur l’or contenu dans les alluvions des vallées du Sénégal et du Niger. L’empereur était ainsi surnommé Kaya-Maghan, soit « le roi de l’or ».

La tradition orale est intarissable sur cet empire. La légende raconte que l’un des héritiers de Dinga, l’ancêtre mythique fondateur de l’empire, se serait emparé du pouvoir avec l’aide du serpent Bida, génie gardien du sol (le serpent est le principal animal mythique des peuples animistes de la vallée du Niger). La chute du royaume serait advenue quand le serpent Bida (le « Dieu Python » du film) fut décapité par le fiancé d’une jeune fille promise au sacrifice.

Sur les ruines de l’empire de Wagadu s’est établi l’empire du Mali (13ième-15ième ), ou empire Mandingue.

Autour du film : propos du réalisateur

Dans mon deuxième film : Sia le rêve du python , « je voulais dénoncer les dérives de la fonction du griot. En effet, si traditionnellement le griot avait une double fonction de conseiller du roi et de représentant du peuple : c’était un porte parole, mais sans complaisance (Il est arrivé dans l’histoire que des griots fassent destituer des rois), aujourd’hui, les griots sont à la solde du pouvoir. La plupart des dictateurs ont des griots pour chanter leurs louanges. Parce que les conditions économiques ont changé : dans l’économie traditionnelle le griot bossait pour tout le monde. Aujourd’hui l’économie de marché fait que le griot doit gagner son pain, il va où l’argent se trouve. Donc le plus souvent il travaille pour les puissants, les gens au pouvoir. Si je dénonce les dieux qui mangent leurs enfants, je dénonce aussi dans ce film les griots qui trahissent leur société ».
Dans ce film, nous dit Kouyaté : « le peuple a aussi sa part de responsabilité on le voit à la fin. Il est prêt à accepter naïvement le nouveau pouvoir. C’est cette naïveté, proche de l’espoir qui empêche toujours la prise de conscience et la révolte. Mais à côté de cette naïveté il y a toujours une graine de vigilance qui ne meurt jamais, même si elle a plus de mal à pousser. On peut espérer qu’un jour elle prenne. C’est aussi pour cela que Sia, à la fin, se retrouve sur une route bitumée d’une capitale africaine d’aujourd’hui. Elle harangue les badauds, et leur dit « réveillez-vous, le sommeil ne fonctionne pas ». Elle va essayer de semer sur ce bitume des graines de vigilance.
Car à la fin rien n’a vraiment changé. Un empereur a chassé l’autre mais le pouvoir reste basé sur le mensonge. La seule évolution justement, c’est que le relais, la conscience, passe d’un vieil homme à une jeune fille. Ce fait est d’importance car les sociétés africaines sont machistes, la femme y a très peu la parole, alors qu’aujourd’hui elle détient l’économie à 75%. Qu’une jeune fille prenne la parole et crache à la gueule de la société, c’est quelque chose qui touche directement les gens de chez nous
».
—-

FICHE ELEVE

Avant la projection

Travail à partir du site www.soninkara.com :

– Cartographier l’Empire de Wagadu à son apogée c’est à dire au 10ième siècle :

Réponse : entre les fleuves Niger et Sénégal à la frontière du Mali et de la Mauritanie actuelle.

– Qui est l’ancêtre mythique fondateur de cet empire ?

Réponse : Dinga

– Sur quoi se basait la richesse de l’Empire du Wagadu ?

Réponse : Sur l’or contenu dans les alluvions des vallées du Sénégal et du Niger

– Où se trouve les soninkés aujourd’hui ?

Réponse : ils sont dispersés

Après la projection

– Dresser la liste des principaux personnages du film et leurs fonctions :

Réponse :
– Sia : la jeune fille qui doit être sacrifiée
– Wakhané : le chef des armées
– Balla : le griot
– Kerfa : le fou
– Mamadi : neveu de Wakhané, fiancé de sia
– Kaya Maghan : l’empereur
– L’impératrice et son fils
– Kétélégui : adjointde Wakhané

—-
De la légende à la contestation du pouvoir

Analyser le discours sur la légende (voix off, séquence 1)

La légende raconte :

Il fut un temps où un empire offrait ses plus belles jeunes
filles au dieu-python en contrepartie

de la prospérité…

Mais aujourd’hui

Où se passe notre histoire ?

A quelle époque ?

Jean Cocteau disait : « c’est le privilège des légendes d’être sans âge. »

Alors c’est comme il vous plaira.
—-
Analyser les discours de Kerfa (séquence 3 et 4) :

Séquence 3 :

Je vous salue gens de Koumbi

Je salue vos souffrances, vos misères.

Hommes et femmes, enfants et adultes, Morts et vivants,
morts et esclaves,

Je vous salue tous

Je vous suis reconnaissant

Je salue Kaya Maghan et son peuple

Hé ! Femme

La nuit appartient aux esprits

Le jour appartient aux actes

Ecoutez !

N’entendez-vous pas la foudre ?

Ne voyez-vous pas le tourbillon ?

Piégées !

Koumbi, tu es piégée

Séquence 4 :

Kaya Maghan, chef de l’univers !

On dit que ton empire est illimité,

Qu’il va d’est en ouest,

De la terre au ciel.

Moi Kerfa, cela ne m’impressionne pas.

Je n’ai peur de rien !

Galère ! Galère !

Qui sème la galère récolte la misère !

Galère ! Galère !

Qui sème la galère récolte la misère !

Kaya Maghan, ton règne est éternel ?

Faux, archi faux !

Je le dis haut

Je le répète

Lâchez moi ! Lâchez moi !

Ils en veulent à ma langue

Et c’est mon nez qu’il casse !

Voyez le sang ! Regardez ! Regardez !

Le charognard ne chante pas.

La hyène ne chante pas.

Gens de Koumbi, réveillez-vous !

Le sommeil ne gouverne pas ce monde !

Chèvres libertines !

Brebis orphelines !

Cachez-vous ! Eloignez-vous !

Allez-vous-en !

Le festin cruel

De Kaya Maghan commence !
—-
Montrer que ces séquences annoncent déjà toute la trame du film :

– dégager les éléments relatifs à la légende
– dégager les éléments relatifs à la remise en cause du pouvoir

L’illustration du mythe : négation ou réinterprétation ?
En quoi pouvons nous dire que l’adaptation cinématographique de Sia le rêve du python est une négation ou une réinterprétation du mythe d’origine ?

Sia, la légende du python
Sia, la légende du python