Le numéro 8028 de la « documentation photographique » (août 2002) offre des pistes passionnantes pour étudier les Etats-Unis à travers son cinéma.

La documentation photographique n’est plus à présenter ! Son numéro 8028 d’août 2002 est consacré au thème « Histoire et cinéma aux Etats-Unis ». Un dossier passionnant dont les possibilités d’exploitation pédagogiques semblent prometteuses. Dans cet article nous présenterons ce numéro et nous explorerons les pistes pédagogiques tracées. A signaler en page 16 une bibliographie de 14 références… on aurait aussi aimé un liste de sites Web, mais enfin 8-((

Techniquement ce dossier se commande à la documentation Française, 124 rue H Barbusse, 93308 Aubervilliers et sur le site Web On peut avoir :
– le dossier (9 euros)
– le dossier + une série de 12 diapositives et de 6 transparents couleurs et 8 transparents d’activités (18 euros)

Histoire et cinéma aux Etats-Unis

L’historien Jacques PORTES (Paris VIII) fait le point sur les liens entre le cinéma américain et son rôle dans la construction de notre connaissance de l’histoire américaine.

Histoire et cinéma

Jacques Portes souligne le fait que, traditionnellement, le film de fiction est utilisé à titre illustratif, mais avec une certaine ambiguïté : « cette pratique reconnait la puissance du cinéma américain mais elle recule devant l’analyse de son importance réelle« .

Mais face au film de fiction (en général mais aussi dans le cas précis du cinéma américain) d’autres positions sont envisageables :
– le film dit ‘à reconstitution historique’ fruit d’une collaboration entre cinéastes et historiens peut être lu comme un document d’histoire comme Reds (1981, Warren Beatty) ; Cléopatre (1934, C. B. de Mille) ou encore le plus récent Platoon (1986, O. Stone). Et si les historiens sont très souvent critiques il s’y intéressent de plus en plus et n’hésitent pas à en parler dans leurs revues spécialisées…
– le film peut aussi produire un discours historique : ainsi le Ragtime de Milos Forman (1981) restitue avec intérêt le New-York de immigrants du début du XX° siècle.

En fait, en se plaçant du coté du cinéaste, on constate que si certains font de l’histoire sans en avoir l’intention première, d’autres assument totalement leur volonté de « faire un film historique » tout en adoptant une thèse ou bien un point de vue. A ce titre l’oeuvre de Oliver Stone est révélatrice : Platoon, JFK ou encore Nixon

Hollywood, usine à rêves
– au temps du muet dominent une foultitude de petites firmes qui, assez rapidement, se concentre en 8 maisons de production principales ;
– dès les années 20 le cinéma est un média de masse aux Etats-Unis et les 8 « majors » hollywoodiennes assurent, vers 1930, 95% de la production filmique et ce avec une organisation quasi industrielle…. cela correspond à un « âge d’or » que la crise de 1929 et la seconde guerre mondiale ébranleront ;
– l’après-guerre voit le monopole hollywoodien battu en brêche (montée de la concurrence télévisuelle par exemple) et une réelle liberté de création nait ; l’adaptation est nécessaire ;
– les années 80 voient les « majors » de plus en plus insérées dans des groupes financiers aux préoccupations bien peu culturelles : nait ainsi les concepts de marchés planétaires et de « blockbusters », sans que cela ne tarissent, malgré tout, la créativité du cinéma américain
– signalons que le cinéma US a toujours eu la préoccupation de sa dimension internationale et à dû affronter des attitudes quasi protectionnistes de la part de nombreux marchés étrangers (France en tête)

Hollywood et le pouvoir
Les relations entre Hollywood et le pouvoir ont toujours été très étroites. Jacques Portes développe 4 aspects :
– les présidents des EU et leur image : avant 1960 les présidents n’ont qu’un usage parcimonieux du cinéma… avec JFK la situation change avec 3 présidents « hollywoodiens » –> Kennedy, Reagan et Clinton ont largement intégré dans leur pratique du pouvoir l’impact du cinéma ;
– guerre et western : avant les années 60 le film de guerre affirme des valeurs individuelles (courage, héroïsme…) et collectives (patriotisme…)… par la suite la guerre est montrée de façon plus réaliste ou dans une optique contestataire. Le western devra attendre La horde sauvage (1968), Little big man (1970) et Soldat bleu (1970) pour dépasser l’exaltation héroïque…

Conclusion
Jacques Portes s’interroge sur la signification du 11 septembre pour le cinéma US et sur la façon dont celui-ci va s’approprier l’évènement.

Thèmes et documents

Le sommaire complet du dossier est disponible sur Internet sur le site de la documentation française.

Je propose une lecture plus directement pédagogique de ce dossier. Thème par thème, quels films ? quelles parties du programme ? Quelles utilisations ?

La naissance d’une nation
Ce premier thème du dossier ne fait pas l’objet directement de parties de nos programmes d’histoire ou de géographie. Voici quelques pistes :
– les colonies et la guerre d’indépendance : The patriot (Roland Emmerich, 1999) est à prendre avec quelques précautions ;
– l’esclavage : en éducation civique et ECJS on peut exploiter « Amistad », le film de Stéphen Spielberg (1997) en sachant qu’il s’agit d’une claire condamnation de l’esclavage voir l’URL suivante : http://www.ecrannoir.fr/films/97/amistad/film.htm.
– la conquète de l’ouest et les indiens : ce thème n’est pas au programme. Pour un éventuel travail on peut s’appuyer sur La chevauchée fantastique de John Ford (1939) et La piste des géants de Raoul Wash (1930). Pour les indiens utiliser Danse avec les loups de Kevin Costner (1990)…
– la guerre de Sécession : n’est pas au programme…
– l’immigration peut être abordée dans le cours de géographie de terminale (troisième ?) ou le cours de première en histoire : utiliser les scènes du film America, America (1963, Elia Kazan) dans lesquelles Stavros découvre New-York depuis le bastingage du navire puis les réalités de l’accueil à Ellis Island –> un travail autour d’Ellis Island pourrait être fait (TPE – IDD…) en utilisant, entre autre, le site http://www.ellisisland.com/indexHistory.html.

Les grandes crise
– la grande dépression trouve sa place en première et en troisième. Un travail en classe est passionnant avec le support des Raisins de la colère de John Ford (1940) que l’on croise avec les photographies de Dorothea Lange Cinéhig consacrera un prochain article à ce film et son usage ; pour l’heure le script est disponible sur http://www.ladocumentationfrancaise.fr/revues/dp/plus8028/8028plus4.shtml..
– la seconde guerre mondiale peut être abordée par le Il faut sauver le soldat Ryan de Stephen Spielberg (1997) dont les 20 premières minutes décrivent avec minutie et hyper-réalisme le débarquement sur Omaha (notons que le dossier aurait pu évoquer le très grand film de Térence Mallik, La ligne rouge)
Pour Ryan voir les URL suivantes : http://www.ac-nantes.fr/peda/disc/lettres/ressourc/college/Ryan/ ou http://www.ac-dijon.fr/pedago/histgeo/enseigne/college/FLefeuvre/Ryan/index.htm.
– la guerre du Vietnam n’a été traité durant les évènements que par le très « westernien » Les bérets verst (1968, John Wayne)… il faudra attendre la fin des années 70 pour voir une bonne douzaine de films consacrés, souvent sans complaisance, à cette guerre. Parmi eux on peut mettre en évidence Apocalypse Now (FF Coppola, 1976), Voyage au bout de l’enfer (M Cimino, 1976), Platoon (O Stone, 1986) ou encore Good Morning Vietnam (B Levinson, 1988). Un usage pédagogique est difficile (longueur des films…) mais un usage en TPE par exemple est possible
– la guerre froide et la chasse aux sorcières » a donné lieu à quelques films (le sujet est difficile) dont un petit nombre émerge Parmi eux Le docteur Folamour (Stanley Kubrick, 1963) dont on peut utiliser avec profit la scène à l’intérieur de la « War Room » entre le président des EU et l’ambassadeur russe se prête à une utilisation en classe. A signaler qu’un travail sur la « chasse aux sorcières » à Hollywood peut être mené pour illustrer la confrontation idéologique des années 50.

Cinéma et politique
Ce thème recoupe très bien le programme de terminale ES et L sur les grands modèles idéologiques.
– la démocratie peut être abordée par le biais du Mr Smith au sénat (Franck Cappra, 1939). Le Primary Colors de Mike Nichols (1997) permet d’aborder la vie politique américaine à travers le processus électoral (rappelons que ce film évoque, sans fard, la personnalité et la campagne électorale de Bill Clinton).
– le J.F.K. de Oliver Stone (1991) est un film à thèse(s) pouvant être étudié autant pour l’Histoire, que pour ce que l’on apprend des Etats-Unis (liberté d’expression ; impact de l’image ; etc.)

Cinéma et société
Dans le cadre du cours de géographie de troisième et de terminale on peut utiliser quelques films ou extraits pour aborder certains thèmes :
– la presse et son rôle peuvent être abordés par l’immense Citizen Kane d’Orson Welles (1941) ou par Les hommes du président d’Alan Pakula (1976 – le Watergate)
– la question raciale peut faire l’objet d’une étude comparative d’extraits de films entre le « noir » de la tradition américaine avant les années 60/70 (Le chanteur de jazz d’Alan Crossland, 1927 ou Devine qui vient diner ce soir de Stanley Kramer, 1967) et les films militants post années 60 (Mississippi Burning d’Alan Parker en 1988 ou Malcom X de Spike Lee en 1992.
Norma Rae de Maryin Ritt (1978) permet d’aborder les luttes sociales (pensons aussi à Chaplin ou à Cimino pour la sidérurgie dans Voyage au bout de l’enfer)
– enfin les années 60 (les sixties) ont leur film-monument, Easy Rider de Dennis Hopper (1960).

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Notons que ce dossier permet aussi d’aborder un autre aspect, plutôt en terminale, de la société américaine, à savoir la place et le rôle du cinéma dans cette société : les pages 8 à 11 développe le rôle des « Majors » ; les pages 48 à 51 évoquent les liens avec la politique et avec la censure ; enfin les pages 62 à 63 parlent de l’accueil des films et du rôle de l’opinion publique…

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Notons enfin les autres dossiers de la Doc Photo sur le cinéma :
– Cinéma d’un monde en guerre 1939-1945, Jean-Pierre Jeancolas, Daniel-Jean Jay, N° 6024, août 1976 (épuisé)
– Cinéma d’un monde en crise : les années trente, Jean-Pierre Jeancolas, N° 6031, octobre 1977 (introduction d’Alain bergala : « La photo de film comme document historique ») (épuisé)
(épuisé = n’est plus édité ; à trouver dans les CDI